HAUTS

Six des huit premières têtes de série étaient au rendez-vous des quarts (seuls faisaient défaut Stefanos Tsitsipas et Holger Rune), tout sauf un tournoi chamboule-tout. Mais le tableau masculin a offert une succession de matches haletants (les premiers tours accrochés de Djokovic contre le Croate Prizmic et l’Australien Popyrin ; les 3 matches en 5 sets de marathon Mannarino ; Kecmanovic surprenant Tommy Paul ; la surprise chinoise Junchen Shang, la révélation portugaise Nuno Borges ; le parcours du combattant de Zverev contre Norrie, puis Alcaraz, avant d’entrevoir seulement la lumière en demi-finale contre Medvedev…). Avant une finale renversante. Et, comme en 2022, sous le signe du lièvre et de la tortue. Daniil Medvedev finissant, contre Jannik Sinner par s’incliner, comme contre Rafael Nadal, le grand absent d’une édition palpitante. Avec 35 rencontres disputées en cinq sets, le premier Grand Chelem de 2024 s’est offert un record, à égalité avec l’US Open 1983.

Depuis un quart de finale épique perdu en 2022 à New York contre Carlos Alcaraz, la planète annonce que le duel du futur opposera l’Italien à l’Espagnol. Jannik Sinner (22 ans) a attendu un peu plus longtemps que son rival pour se distinguer en Grand Chelem mais ces derniers mois il affiche une réussite époustouflante (27 victoires en 30 matches ; 3 titres) qui l’a porté vers son premier triomphe en Grand Chelem. Pour dépoussiérer l’histoire du tennis italien masculin (après les victoires à Roland-Garros de Nicola Pietrangeli en 1959 et 1960 et Adriano Panatta en 1976). Au terme d’un tournoi maîtrisé au cours duquel il aura pris le meilleur en demi-finale sur Novak Djokovic (terrassé pour la 3e fois en 2 mois), avant de renverser Daniil Medvedev en finale pour dominer pour la première fois un Top 5 au 5e set. En terminant sur un coup droit foudroyant pour offrir à l’Open d’Australie un lauréat inédit. Avant de s’allonger. Et de participer aux festivités avec une émotion contenue et le détachement de ceux qui attendent avec impatience de vivre (et de remporter) de nouvelles finales majeures.

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Comme Lindsay Davenport (en 2000), Maria Sharapova (en 2008), Serena Williams (en 2017) et Ashleigh Barty (en 2022), la Biélorusse Aryna Sabalenka a remporté l’Open d’Australie sans perdre un set. Elle a plané sur la finale remportée 6-3, 6-2 en 1h16 contre la Chinoise Qinwen Zheng et sur le tournoi pour devenir la première joueuse depuis Victoria Azarenka (2012-2013) à conserver son titre en Grand Chelem. En prenant en demi-finale contre Coco Gauff une revanche éclatante de la finale du dernier US Open. Et afficher une solidité et une régularité nouvelles (six demi-finales consécutives en Grand Chelem, trois finales, deux titres). Aryna Sabalenka, bien décidée à 25 ans à ne pas s’arrêter en si bon chemin.

Richard Gasquet (brillant durant 1 set contre Carlos Alcaraz au 1er tour) et Gaël Monfils (balayé au 2e tour par l’Argentin Tomas Etcheverry) ont rappelé qu’ils n’étaient pas éternels. Les victoires retentissantes et rafraîchissantes de Lucas Van Assche contre l’Italien Lorenzo Musetti (n°25) au 2e tour, d’Arthur Cazaux contre Holger Rune (n°8) au 2e tour, de Clara Burelcontre l’Américaine Jessica Pegula (n°5) au 2e tour ont remis en selle le tennis français et poussé sur le devant de la scène de jeunes joueurs. Cazaux (21 ans), Van Assche (19 ans) et Burel (22 ans) ont rappelé à Arthur Fils, Ugo Humbert, Adrian Mannarino Caroline Garcia et Varvara Gravecha qu’ils ne portent pas seuls les espoirs du tennis français. La force peut venir de la variété, à même de diluer le poids des responsabilités et de l’attente. Ces Bleus peuvent se nourrir du nouvel élan et engranger de l’expérience. A l’image d’Arthur Cazaux qui a su enchaîner et ne pas se laisser éblouir pour disputer un premier 8e de finale en Grand Chelem et résister contre Hubert Hurkacz (n°9). En attendant la suite.

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flops

La terre a tremblé à Melbourne. Pour la première fois de sa carrière, Novak Djokovic, l’homme aux 24 titres du Grand Chelem a été éjecté de son jardin en demi-finale d’un tournoi qu’il avait gagné à dix reprises. Incapable de se procurer la moindre balle de break face à l’Italien Jannik Sinner lors de sa défaite (6-1, 6-2, 6-7 [6], 6-3) – une première pour lui dans un match du Grand Chelem – il a notamment été fantomatique durant les deux premières manches. Sur son terrain de jeu favori de Melbourne Park (10 titres), il n’avait plus perdu un match depuis six ans (en 8es de finale contre Hyeon Chung en 2018), n’avait jamais rendu les armes à ce stade de la compétition en 10 demi-finales et restait sur une fabuleuse série de 33 victoires de suite. Depuis son faux pas de 2018, il avait enchaîné quatre sacres de plus en cinq éditions. En 2022, il s’était mis hors jeu. Faute d’être vacciné contre le Covid-19, il avait été exclu d’Australie. Manque d’intensité physique, temps de réaction plus longs que d’habitude, jeu de jambes très approximatif…, la légende de 36 ans a affiché des faiblesses rédhibitoires face à un jeune joueur en pleine confiance. L’éternel jeune homme rappelant soudain qu’il était aussi un «vétéran». Doit-on pour autant parler d’un début de la fin pour Djoko ? Il n’y a qu’un pas…Une certitude. Bien entouré par les deux phénomènes Alcaraz et Sinner, le Serbe n’est plus tout seul au sommet du tennis mondial.

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Battue dès le troisième tour par la jeune Tchèque Linda Noskova (3-6, 6-3, 6-4), la Polonaise est la première tête de série numéro 1 depuis 44 ans, à s’être inclinée avant les 1/8 de finale du simple dames de l’Open d’Australie. En 1979, Virginia Ruzici était tombée face à Mary Sawyer au 1er tour. Iga Swiatek n’avait plus été éliminée aussi prématurément dans un tournoi du Grand Chelem depuis sa disparition au 3e de Wimbledon en 2022. La triple lauréate de Roland-Garros avait déjà souffert au premier tour contre Sofia Kenin, avant de s’arracher pour dominer Danielle Collins (ndlr : elle était menée 4-1 au 3e set). Et elle a perdu le fil contre une joueuse qu’elle était censée maîtriser. « Pourquoi avez-vous besoin de comprendre ? Parfois je ne comprends pas, donc je ne sais pas si vous préférez ? » Agacée d’être relancée en conférence de presse sur les raisons de son échec, elle a voulu rapidement tourner la page. Il faut dire l’Australie ne lui réussit guère. Elle n’a jamais fait mieux qu’une demi-finale en 2022.

Contrairement au tableau masculin les meilleures joueuses n’ont pas été au rendez-vous des demi-finales. Ons Jabeur, Elena Rybakina ou Jessica Pegula sont tombées très tôt. Tout comme Iga Swiatek. Les surprises ont été légion (Noskova, Yastremska, Kalinskaya). Ce qui fait ces dernières années le charme des tableaux féminins en Grand Chelem. Sauf que la qualité des matches n’a pas souvent été au rendez-vous. La demi-finale entre la surprise Yastremska issue des qualifications, et la confirmation chinoise Zheng a été décevante tout, comme la demi-finale choc Coco Gauff – Aryna Sabalenka qui n’a pas atteint les sommets espérés. Le dernier rendez-vous de la quinzaine entre Sabalenka et Zheng n’a pas passionné les foules, non plus. Il faut dire que la Biélorusse, vainqueur 6-3, 6-2 était beaucoup trop forte que Zheng, qui découvrait ce stade de la compétition. Une finale sans suspense qui a contrasté avec celle renversante du tableau masculin entre Sinner et Medvedev…

À l’orée de la saison, Carlos Alcaraz avait assuré au Figaro que son objectif principal en 2024 était les JO de Paris. Un an après avoir manqué l’Open d’Australie en raison d’une blessure, le double lauréat en Grand Chelem, voulait repartir de l’avant après sa deuxième partie de saison 2023 décevante au regard de son immense potentiel. Après un début de tournoi plutôt prometteur, l’Espagnol a affiché ses limites du moment lors de son premier gros test en quart de finale contre Alexander Zverev. Ce dernier a dompté le prodige de 20 ans (6-1, 6-3, 6-7[2], 6-4). Absent des débats, Carlos Alcaraz a longtemps donné le sentiment de ne pas être sorti des vestiaires, et a été mené deux sets à zéro, 5-2 dans la troisième manche. À l’orgueil et profitant de la nervosité de Zverev, il a failli renverser la situation pour revenir à deux manches à une après un tie-break maîtrisé de bout en bout. Mais ça n’a pas suffi, tant l’ensemble de sa prestation fut brouillonne. Trop peu, trop tard. On attend mieux d’Alcaraz évidemment, à l’heure où Jannik Sinner son rival annoncé affiche une confiance absolue.