Au Stade de France
Comme le temps passe. La première fois que Kylian Mbappé apparaît au côté de l’association Premiers de Cordée, c’est en juin 2017. Bouille d’adolescent, épaules chétives, allure frêle, le nouveau parrain vient d’être sacré champion de France avec Monaco et n’a pas encore 19 ans.
«Je m’en souviens, j’étais venu avec une teinture aux cheveux. Je ne dois plus faire ça !», plaisante celui qui, presque six ans plus tard, fait une entrée fracassante dans l’enceinte du Stade de France, en véritable star mondiale du ballon rond. Sans teinture, et pendant plus d’une heure, l’attaquant du PSG a tapé la balle avec des enfants malades, dans le cadre de la Journée Évasion.
Chaque année depuis 2014, cet événement caritatif présidé par l’ancienne patineuse Nathalie Pechalat permet à plus de 4000 enfants malades de s’initier à la pratique sportive. Le temps d’une journée, filles et garçons s’essayent à la danse, au basket, à l’escrime, au tir à l’arc ou encore au judo. Loin des structures médicales, des hôpitaux et des cliniques qui constituent leur quotidien.
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Installées sur le parvis ou directement au bord de la pelouse, les 27 activités se déroulent dans la joie et la bonne humeur, en présence des fameux parrains, pour la plupart athlètes de haut niveau retraités ou encore en activité. En se promenant le long de la coursive, on peut ainsi apercevoir l’ancien gardien international Thierry Omeyer tenter d’instaurer un semblant de tactique dans un match de handball très décousu, la judokate Priscilla Neto enseigner l’art du ippon, ou encore le rugbyman néo-retraité Yoann Huget pousser au cœur d’une mêlée de fauteuils roulants.
Mais la star la plus attendue de la journée est sans nul doute Kylian Mbappé. Pendant de longues heures, il n’est d’abord qu’un nom qu’on murmure, des initiales qu’on répète. Et un maillot qu’on contemple, dans le grand vestiaire ouvert aux visites. «J’ai hâte de le voir, mais c’est surtout lui qui doit avoir hâte de me voir !», lance sans scrupule Ladji, 11 ans, les yeux rivés sur la tunique bleue floquée du numéro 10. Sa mère s’esclaffe, mais le minot ne croit pas si bien dire : c’est avec entrain et enthousiasme que Kylian Mbappé accorde de son temps pour «essayer de donner le sourire à tous ces enfants qui en ont grandement besoin». «Je ne vois pas ça comme un travail, c’est ma passion de venir jouer ici», confie l’attaquant-star.
Au «travail» justement, l’ambiance n’est pas si rose. S’il vient tout juste de reprendre l’entraînement, rétabli d’une gêne à la hanche, «Kyks» n’a plus marqué avec le PSG depuis le 11 février. En difficulté sportive malgré la victoire samedi à Nice (0-2), son club connaît aussi des remous internes. La semaine dernière, le numéro 7 du PSG avait affiché son mécontentement après l’utilisation »trompeuse» de son image dans une vidéo pour la campagne de réabonnement. «Voilà pourquoi je me bats pour les droits sur l’image individuelle. Le PSG est un grand club et une grande famille mais il n’est surtout pas le Kylian Saint-Germain.»
Mardi soir, la divulgation d’un mail dans lequel l’ancien directeur sportif de l’OGC Nice, Julien Fournier, accuse Christophe Galtier de propos racistes, a fait également grand bruit. Des faits que l’entraîneur parisien «conteste avec la plus grande fermeté» ce mercredi. Mais ce n’est pas le sujet du jour, et lorsqu’un journaliste ose l’aborder, il est aussitôt rabroué par l’attachée presse. Le visage de Mbappé se ferme, sa tête se détourne. Il n’est pas venu pour cela.
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Derrière ces mêmes buts où le capitaine des Bleus (24 ans, 68 sélections) a inscrit un doublé il y a quelques jours contre les Pays-Bas (4-0), une poignée d’enfants ont la chance de jouer au football avec l’idole du peuple, sur un terrain gonflable aménagé dans le virage. Tous les autres s’entassent autour, et dans les tribunes. Lorsqu’ils scandent «Mbappé !!!» à s’en casser les cordes vocales, ce n’est pas un mais deux joueurs qui se retournent. Kylian est venu avec son petit frère, Ethan, également sous contrat au PSG où il joue avec les U19. Les frangins ont la banane et affichent une belle complicité de jardin familial. «Ça fait ressortir notre côté gamin, confirme l’aîné. Quand je vois tous ces enfants, je me revois en train de rêver qu’un joueur vienne pour un selfie.»
Aux selfies, Kylian n’y échappe pas. Les téméraires se collent sur ses flancs et le mitraillent par surprise. Les plus timides lui font leur demande en lui tirant doucement le maillot, en plein match. Le joueur ne refuse rien, il souhaite «donner du plaisir, jouer, partager» et montrer qu’il n’est «pas inaccessible», qu’il «existe pour de vrai». Le besoin de palper cette star de la télé est obsédant. Un gamin lui demande même s’il peut lui toucher le coude. «Je n’ai pas compris, mais aujourd’hui, je fais tout ce qu’ils demandent !»
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Cerné de ses gardes du corps, Kylian Mbappé prend le temps d’un long bain de foule. Loin des soupçons de discrimination qui pèsent sur son coach, le natif de Bondy tient un discours rassembleur, inclusif, dans la lignée de l’action des Premiers de Cordée : «Le sport est pour tout le monde. Il réunit toutes les cultures, tous les sexes, et permet d’oublier ses problèmes. Personne ne doit être exclu.»
Moncef, 9 ans, voit ses efforts et sa patience récompensés. Longtemps après le départ de son dieu vivant, il traîne encore des pieds sur le parvis du Stade de France, son maillot du PSG dédicacé sur les épaules. Le soleil décline lentement derrière les tours de Saint-Denis. L’événement qu’il vient de vivre est extraordinaire : le temps d’une journée, il a pu vivre dans la peau d’un enfant ordinaire.