« Plus qu’un jeu, le rugby est un sport de guerrières ». En quelques mots, la réalisation est parvenue à capturer l’essentiel de ce passionnant documentaire, disponible à partir de dimanche sur Canal . Pendant plusieurs mois, les caméras de la chaîne cryptée ont suivi les féminines du Stade Français Paris, l’année de leur remontée en Élite une.
Une idée portée par François Cusset (dirigeant de la boîte de production Yes Sir), qu’il a soumise au Stade Français et à son directeur général Thomas Lombard. Et ce dernier s’est montré plus qu’enthousiaste, décrivant un film porteur de «plein d’émotions ». Et plus que cela, car ce reportage s’engage pour la cause du rugby féminin, dont les joueuses ne bénéficient pas de contrat professionnel, même en Élite 1, l’équivalent du Top 14.
François Cusset a d’ailleurs été inspiré par l’histoire de Wanda Noury, pionnière du rugby à XV féminin dans les années 1970, qui a voulu continuer à développer la discipline malgré le souhait contraire de Marceau Crespin, directeur national des sports en 1972 : «Je pense que le rugby – sport de contact exigeant des qualités d’endurance, de robustesse foncière et de virilité – est contre-indiqué pour les jeunes filles et les femmes pour des raisons physiologiques évidentes». Wanda Noury obtiendra notamment que l’Équipe de France féminine évolue avec le coq sur son maillot.
Durant les 70 minutes du reportage, le téléspectateur peut suivre la saison des «Pink Rockets», le surnom des féminines du club parisien. Après être descendues en Élite 2 au terme de la saison 2021-2022, elles cherchent à retrouver le plus haut niveau du rugby français. Essais et plaquages sur le terrain, scènes de joies dans le vestiaire, mais aussi défaites et pleurs, ce reportage retrace tous les moments phares vécus par les «filles» du Stade Français au cours de l’exercice 2022-2023. Et de la revanche prise sur la Rochelle, qu’elles ont battue en finale après avoir perdu quelques semaines plus tôt en championnat.
À travers cette histoire, les caméras s’attardent plus particulièrement sur cinq joueuses, aux profils et personnalités très différents. Doriane, Fanny, Esther, Bintou et Doriane sont policières, étudiantes ou encore mères de famille. En tant que joueuses au statut amateur, elles prennent sur leur temps libre pour venir aux trois entraînements hebdomadaires, et disputer les matches aux six coins de l’Hexagone. Un véritable quotidien de «guerrières», dans lequel «des gens issus de milieux sociaux et de cultures différentes […] arrivent à s’apprécier malgré leurs différences», explique Thomas Lombard.
Et c’est en réalité ce qui touche le plus durant ce documentaire. Bien sûr, la victoire finale et la remontée en Élite 1 font plaisir aux spectateurs, d’autant que les rires des joueuses, présentes lors de l’avant-première, subliment le tout. Mais c’est bien leur humanité, qui transparaît tout au long du documentaire, qui touche les cœurs, confirme le directeur général des soldats roses : «Je crois qu’au-delà du rugby à proprement parler, ce qui est merveilleux dans ce film c’est ce qu’il raconte et les filles qu’on va voir se dévoiler».
Contrairement à l’équipe masculine, au statut professionnel et dont c’est l’activité principale, la plupart des Pink Rockets ne peuvent pas vivre du rugby et doivent consentir à d’immenses sacrifices pour continuer l’aventure. Bintou, dans le reportage, décrit d’ailleurs parfaitement sa relation avec le ballon ovale : «un amour toxique». Une situation qui ne date pas d’hier, et qui est la raison d’être de «Plus qu’un jeu». Car plus qu’un reportage, il s’agit d’un long-métrage qui s’engage pour le rugby féminin. «J’adorerais que ce projet ait une continuité pédagogique », a d’ailleurs confié François Cusset après la projection. Mais pour voir plus de changements, et voir le statut des joueuses évoluer, il va falloir attendre.
C’est du moins l’avis d’Esther Fabre, capitaine des Pink Rockets cette saison et qui a fait l’objet d’un focus dans le reportage. La deuxième-ligne s’est confiée au Figaro, et a d’abord tenu à louer l’initiative de réaliser un documentaire sur le rugby féminin : «Toute visibilité est bonne à prendre, le reportage va nous apporter de la médiatisation et donc des gens qui vont s’y intéresser, qui vont voir comment le rugby féminin ça se passe». Et d’ajouter, sourire aux lèvres : «Ça a été hyper émouvant dès les premières images. Je commençais déjà à avoir les larmes qui montaient au début parce que c’est ce qu’on a vécu il y a quelques mois…»
Mais ce n’est pas un documentaire, aussi passionnant soit-il, qui résoudra tous les problèmes. D’après elle, leur statut d’amatrices est à l’image «de la société, plus ça s’améliorera dans la société, plus ça s’améliorera dans le sport». Quant à pouvoir vivre du rugby, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs : «Je pense que je suis dans la génération un peu trop tôt. Je ne peux pas prédire l’avenir mais ce n’est pas tout de suite», conclut-elle.
Pour découvrir l’aventure des Pink Rockets et leur accession en Élite 1, Canal diffusera le documentaire ce dimanche à 23h15. Il sera ensuite disponible en replay.