Capitaine en 2000, il avait transformé le dernier tir au but de la finale contre les «Super Eagles» (2-2, 5 t.a.b. à 4), malgré les huées du National Stadium de Lagos. Un véritable cauchemar pour le Nigeria, battu pour un tir au but de Victor Ikpeba qui semblait pourtant avoir franchi la ligne. Mais la pression est une compagne de longue date de «Rigo». «Je suis quelqu’un de spécial, je ne panique pas, je ne stresse pas», assurait-t-il après la victoire arrachée contre la Gambie (3-2), qui menait 2-1 à la 87e minute…
Depuis qu’il a pris le poste de sélectionneur, les critiques l’accompagnent, un journaliste camerounais lui a même demandé s’il se sentait «à la hauteur». Ses choix sont parfois déroutants. Son équipe avait été inoffensive au premier match du Mondial-2022 contre la Suisse (1-0), et il est venu en Côte d’Ivoire sans le plus beau pedigree en attaque, Eric Maxim Choupo-Moting, qui certes ne joue plus guère au Bayern Munich.
Autre exemple, Song a aligné au premier match de cette CAN contre la Guinée (1-1) un ailier, Karl Toko-Ekambi en pointe et un avant-centre, Franck Magri, sur le côté. «J’écoute, je comprends les critiques, je sais ce que je dois faire, je reste posé», répond placidement Song. Il répète aussi que «les Camerounais ne veulent pas comprendre que nous avons une nouvelle génération de joueurs. Nous sommes en reconstruction».
Mais un miracle vient toujours le sauver, comme contre la Gambie. Face à la Serbie, qui menait 3-1 au Mondial, son équipe était revenu à 3-3, et elle signé sur un contre en fin de match une victoire historique contre un Brésil dominateur (1-0) sur un coup de tête de Vincent Aboubakar, buteur fétiche enfin remis et prêt à rentrer contre le Nigeria.
La carrière de sélectionneur de Song est née sous le signe du miracle: une qualification au Mondial à la dernière seconde en Algérie (0-1/2-1 a.p.). C’était son deuxième match sur le banc. Ce but de Toko Ekambi à Blida à la toute fin de la prolongation, alors que l’Algérie venait tout juste de marquer, a rappelé l’incroyable sens de la victoire des Camerounais, que Song joueur a parfaitement incarné. «’Rigo’, c’est la statue du Commandeur», explique à l’AFP son adjoint français, Sébastien Migné. «Au Cameroun, c’est l’ Immortel après ce qui lui est arrivé.»
Quand en 2016 un AVC a manqué de terrasser Grand «Manyan» (qui signifie «frère» en bassa, sa langue maternelle), un pays entier s’est recueilli dans les prières et le phénix s’est relevé. «On m’a déjà annoncé mort et je suis vivant, je suis là», lançait le coach en référence à cet épisode avant le match décisif contre la Gambie.
Il suscite tout de même des doutes auprès des supporters, comme tacticien ou comme manager, avec l’étrange épisode André Onana, gardien autorisé à arriver en retard et finalement aligné seulement au deuxième match, perdu contre le Sénégal (3-1).
Mais à l’image de cette victoire contre les «Scorpions», Song incarne toujours le «hemle», ce sens du combat à la camerounaise. Song avait raconté au site camlions.com qu’il avait puisé sa rage de vaincre dans une enfance difficile, orphelin de père alors qu’il n’était âgé que de quelques mois. «J’ai mangé la pierre», imageait-il. Il s’est ensuite couvert d’or, notamment en 2000 contre le même Nigeria. Et à propos de superstition, le stade Houphouët-Boigny est justement celui où les “Lions Indomptables ont décroché leur première couronne de champions d’Afrique. Song avait 7 ans, et c’était contre le Nigeria…