Le rendez-vous était prévu de longue date. Par tous les acteurs d’un dossier qui secoue le football français dans son ensemble et n’a pas encore délivré son épilogue. Ce mercredi, les conclusions du fameux audit chargé de faire la lumière sur les dysfonctionnements à la fédération française de football sont tombées. Et elles ont pour cible, sans surprise, le président de la FFF, Noël Le Graët, et la directrice générale Florence Hardouin.

La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, les rendra publiques à 18h lors d’une conférence de presse. Le Figaro, qui a pu consulter « la Synthèse du rapport définitif de la mission de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) relative au pilotage de la Fédération française de football (FFF) et au respect des obligations qui s’y attachent », est en mesure d’en dévoiler les principaux axes. Qui sont accablants pour le dirigeant breton, plus que jamais poussé vers la sortie. Ses jours à la tête de la plus puissante fédération sportive de France sont comptés.

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Le président de la fédération, en poste depuis 2011, et accusé de harcèlement moral et sexuel par des salariées, est décrit comme un dirigeant « dont les dérives de comportement sont incompatibles avec l’exercice des fonctions et l’exigence d’exemplarité qui lui est attachée ». La synthèse, qui fait cinq pages après l’audition de cent quatorze personnes et quatre mois et demi d’enquête sur l’ensemble des thèmes évoqués plus haut, dévoile avec précision les faits reprochés à l’ancien maire PS de Guingamp.

Les auditions conduites par la mission ont « mis en lumière le comportement inapproprié » de l’ancien patron de la Ligue de football professionnel « vis-à-vis des femmes », faisant écho aux SMS «ambigus pour certains et à caractère clairement sexuel pour d’autres», envoyés à des horaires tardifs à l’attention de salariées.

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Autre élément à charge, le caractère « déplacé » et « injurieux » des propos du président de la 3F pouvant « être accentué par la consommation excessive d’alcool ». Face à tous ces éléments, les auditeurs en concluent que ce dernier « ne dispose plus de la légitimité nécessaire pour administrer et représenter » le football français.

Pour rappel, le ministère des Sports n’a pas le pouvoir de destituer le président de la FFF, sous peine d’ingérence. Charge désormais aux instances fédérales, notamment le Comex qui devrait se réunir dans les prochains jours, de prendre leurs dispositions face à une situation explosive. La pression émise par l’exécutif n’a jamais été aussi intense.

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Le reste du dossier, dont beaucoup d’éléments du pré-rapport avaient fuité ces derniers jours, ne manque pas d’égratigner sévèrement la directrice générale Florence Hardouin, attendue le 21 février prochain pour un entretien préalable à un licenciement. Cette dernière, actuellement en arrêt de travail et victime d’un AVC, est attaquée pour ses « méthodes brutales et le comportement jugé erratique, humiliant », mais aussi de « l’usage d’un vocabulaire grossier ou l’échange d’injures » qui ne « lui permettent plus d’exercer une autorité reconnue ». Un rapport qui confirme ce que nous écrivions dans nos colonnes ces derniers mois au sujet de la relation toxique entre le président et sa directrice générale.

Silencieux dans les médias mais toujours de passage de temps à autre au siège de la fédération, Noël Le Graët continue d’affirmer à son entourage qu’il n’a rien fait de grave. Lui y voit de la drague lourde, d’autres du harcèlement. À ce jour aucune plainte n’a été déposée à l’encontre du dirigeant de 81 ans. Charge à la justice, déjà saisie via l’article 40 du code de procédure pénal, de trancher sur ce point précis.

Pour ce qui est de sa démission, souhaitée avec insistance par la ministre des Sports, le « menhir breton », assure en privé que ce n’est pas cette dernière, pour qui il voue mépris et colère en raison des fuites de la mission d’inspection dans la presse, qui lui dictera son agenda. Et par la même occasion sa sortie de scène, lui qui se voyait poursuivre et conclure son mandat jusqu’à fin 2024.

Désinvolte dans ses rapports avec les précédentes ministres des sports (Flessel, Maracineanu), Noël Le Graët a clairement sous-estimé la résistance et la force de caractère d’Amélie Oudéa-Castéra. «Je ne suis jamais la première à porter les coups, mais si on fait des choses que je ne juge pas acceptables, à côté de la vérité ou injustement provocatrices, je vais réagir», avouait-elle au Figaro jeudi dernier.

Malgré tout, face à une situation néfaste, une guerre interne larvée avec sa « DG », un comex de moins en moins solidaire de sa personne et désireux de tourner la page, « NLG » se sait inaudible et contraint de devoir laisser sa place. Par orgueil et/ou désir de contrôler ce qui peut encore l’être, l’ancien maire attend le bon moment pour quitter la scène, lui qui sévit dans le monde du football français depuis plus de quarante ans.

Sa famille lui intime de démissionner, ses proches aussi et dans les couloirs de la FFF, tous ont fait une croix sur la mandature d’un homme plus à même de diriger un tel vaisseau amiral. La gouvernance du football français n’a jamais été autant au bord du précipice. La chute définitive est proche. Le chantier à venir s’annonce colossal.