En trois marathons seulement (2h1’53 » à Valence en 2022 ; 2h1’25 » à Londres en avril 2023 et 2h0’35 » à Chicago en octobre 2023), Kelvin Kiptum s’était fait un nom, propulsé comme l’héritier de la légende Eliud Kipchoge, champion olympique à Rio de Janeiro et Tokyo. Programmé pour faire tomber la marque mythique des 2 heures sur le marathon. Attendu comme un pionnier. Comme le premier homme à 8 m en longueur (Jesse Owens en 1935), le premier sous les 10 » sur 100 m (Jim Hines en 1968) ou le premier perchiste au-dessus de 6 m (Sergei Bubka en 1985).

Les 2 heures, Eliud Kipchoge court après. Après une tentative ratée en 2017 à Monza, le Kényan était passé sous la barre des 2 heures lors d’un événement organisé par son sponsor, à Vienne en 2019. Mais il s’agissait d’une course exhibition. Il était escorté par de nombreux lièvres, accompagné d’une voiture et le record n’avait pas été homologué.

Le mythe des 2 heures restait plus vivace que jamais. Il avait été remis au goût du jour par le prodige Kelvin Kiptum dont le premier face-à-face attendu avec Eliud Kipchoge en clôture des Jeux olympiques de Paris 2024 devait faire de la course un événement. Sur la route de Paris, Kelvin Kiptum avait coché le marathon de Rotterdam (le 14 avril), avec une nouvelle opportunité d’effacer l’infranchissable mur des 2 heures.

Le destin brisé de Kelvin Kiptum, mort ce lundi dans un accident de la route au Kenya (son entraîneur Gervais Hakizimana, a également été tué sur le coup, une femme a été sérieusement blessée), laisse le marathon et le monde de l’athlétisme plongé dans une infinie tristesse.

Et le mur des 2 heures semble avoir repris de la hauteur, de la distance. Prêt à tenir face aux assauts répétés des conquérants de l’impossible. Liés pour voir s’effriter un repère passant de 2h55 (l’Américain Johnny Hayes en 1908), à 2h26 (le Japonais Yasuo Ikenaka en 1935). Puis de 2h14 (l’Américain Leonard Edelen en 1963) à 2h9 (l’Australien Derek Clayton en 1967) et 2h4 (Paul Tergat en 2003). Avant les deux records de Eliud Kipchoge 2h1’39 », puis 2h1’9 » à Berlin en 2018 et 2022. Effacés par l’irruption du phénomène Kelvin Kiptum (2h0’35 » à Chicago en 2023), nouvel homme aux semelles de vent, propulsé par une paire de chaussures (Nike) équipée, comme la nouvelle génération, d’une plaque en fibre de carbone placée sous le pied et d’une mousse d’air au niveau du talon. Un équipement qui devait lui permettre d’aller plus loin. Plus vite…