La chance, l’avantage de jouer à domicile ou leur force mentale ? Le parcours ivoirien est presque inexplicable, et les raisons qui peuvent être associées à leur succès improbable sont nombreuses. Avant la demi-finale de la Coupe d’Afrique des Nations contre le RD Congo ce mercredi (21h), tout a débuté dans le groupe A, quand les Ivoiriens ont été initialement battus 1-0 contre le Nigeria, puis humiliés 4-0 devant leur public par une Guinée Équatoriale sans pitié. Le drame national a entraîné le licenciement en pleine compétition de Jean-Louis Gasset. Orpheline de son entraîneur, la fédération ivoirienne a demandé le prêt du sélectionneur de l’équipe de France féminine Hervé Renard, du jamais vu dans l’histoire du football international. La rumeur a durée 24h avant d’être balayée par la FFF, obligeant la Côte d’Ivoire a nommer l’inexpérimenté Emerse Fae, adjoint de Gasset, à la tête de l’équipe.
Avec trois points seulement le pays hôte est annoncé comme mort au premier tour. Miraculé, il a été ressuscité par la victoire du Maroc sur la Zambie (1-0), lui permettant de se qualifier in extremis en tant que pire des quatre meilleurs troisièmes (sur 6). À partir de ce moment clé, une toute nouvelle compétition a démarré le menant à deux exploits de taille. En éliminant consécutivement le tenant du titre sénégalais (1-1, 5-4 après T.A.B.) en huitièmes, et le Mali en quart de finale (2-1, après prolong.) les deux fois au bout du suspense et au terme de duels perdus d’avance. Les Éléphants, un temps ridiculisés, paraissent désormais immortels avant d’affronter la RD Congo (mercredi 21h) pour une place en finale. Revue d’effectif des hommes clés d’une équipe de miraculés.
À l’origine il n’est que l’un des adjoints de Jean-Louis Gasset, à l’arrivée il pourrait être un héros national. Après le licenciement de son supérieur, Emerse Fae a enfilé le costume de sauveur, destiné à un Hervé Renard réclamé. Finalement, celui qui n’a jamais dirigé un banc d’une équipe première a su remobiliser les troupes comme jamais. En huitièmes face au Sénégal ultra-favori, il a fait des choix forts en réintroduisant les anciens Jean-Michaël Seri, Serge Aurier, Max-Alain Gradel, montrant qu’il comptait sur l’ensemble de son groupe. Sur 24 joueurs de champ, 21 ont été utilisés plus de deux fois lors des 5 rencontres disputées par la Côte d’Ivoire. Et le sélectionneur improvisé a su faire de sa profondeur de banc une arme redoutable, en atteste les trois buts inscrits en phase finale, tous marqués par des entrants (Kessié, Adingra et Diakite). Emerse Fae a d’ores et déjà prouvé qu’il était au niveau, en intégrant chacun de ses joueurs dans sa conquête inespérée.
Brillant en club, mais contesté en sélection pour ses absences à répétition, Seko Fofana (28 ans) a une occasion en or de se racheter auprès du peuple ivoirien. Pour le moment, la réussite est totale. Placé au cœur du jeu, il est le seul offensif d’un secteur constamment remanié, titularisé à chaque match de cette CAN 2024. L’homme à tout faire d’une équipe souvent chahutée, a pour rôle de garder la balle, et de faire les différences balle au pied, grâce à sa large palette de dribbles, comme contre le Sénégal. C’est lui qui a lancé les hostilités en inscrivant le premier but du tournoi d’un missile dont il a le secret, et a aussi provoqué le but libérateur de Diakite contre le Mali. L’ex-Lensois est l’un des rares Ivoiriens à avoir été régulier. Il réalise un tournoi XXL et en a encore sous la pédale.
Sortis du placard par leur néo-entraîneur, Aurier, Seri, et Gradel respectivement âgés de 31, 32 et 36 ans mènent la troupe. Lorsque rien ne va plus pour la Côte d’Ivoire, les trois sont choisis pour encadrer l’équipe contre le mastodonte sénégalais en 8e de finale. Outre leurs performances plus ou moins bonnes, ils apportent leur expérience et deviennent des relais essentiels du message d’Emerse Fae. Aurier et Gradel, champions d’Afrique en 2015 ont remis de l’ordre, tandis que Seri a apporté ses qualités techniques au milieu de terrain. Plus souvent utilisés et moins âgés, Pépé et Kessié (28 et 27 ans) aident les grognards, à l’image de la séance de tirs au but remportée en huitième, durant laquelle ils n’ont pas tremblé. Aurier aussi a transformé son tir. Un temps turbulant, l’ancien Parisien est désormais capitaine, et n’hésite pas à recadrer ses coéquipiers, comme le prouve une vidéo dans laquelle il réclame le silence aux bruyants Pépé et Bamba, alors qu’il veut dormir. Le groupe à l’air de bien vivre, et les plus anciens des Éléphants apportent leurs derniers souffles footballistiques à la nation, mais servent surtout à équilibrer une sélection à qui il ne manque plus que la victoire.
À l’inverse de son homonyme du milieu de terrain, le gardien Yahia Fofana fait partie de ceux qui œuvrent dans l’ombre des offensifs, aux côtés de ses défenseurs. Mis en lumière grâce à son arrêt sur penalty contre le Mali, le portier ivoirien a maintenu en vie sa nation, permettant de garder un infime (mais suffisant) espoir de qualification. Au même titre que leur portier, Ndicka et Konan ont toujours été titularisés, et ont tenu la baraque face aux pressions sénégalaise et malienne. Singo aussi est l’un des soldats les plus fidèles, écarté pour Aurier, le Monégasque a vite repris son poste lorsque son capitaine a été mis dans le dur. Loin d’être imperméables (en attestent les défaites en poule), les arrières ivoiriens font preuve de courage, et ne sont pas moins décisifs que leurs collègues offensifs dans l’aventure ivoirienne.
Eh oui, les artisans de l’épopée des Éléphants ne sont pas tous Ivoiriens. Car sans lui, rien de tout cela ne serait arrivé. Déjà qualifié, le Maroc n’avait pas besoin de battre la Zambie, à qui il ne manquait qu’un point pour voler la place de meilleur troisième de la Côte d’Ivoire. Mais dans un élan de générosité (et avec l’envie de finir premier), Hakim Ziyech a aussi fait le bonheur de ceux qui l’accueillent. En marquant ce but décisif pour les deux pays, le Marocain a hissé le rang des Lions de l’Atlas à celui de sauveurs dans le cœur des locaux, qui leur ont été très reconnaissants. Sans le vouloir, c’est aussi lui qui a qualifié les Éléphants, et le peuple ivoirien.