Il y avait foule, lundi 29 janvier à 19 h, dans le grand salon du palais de la Porte Dorée, conçu pour l’Exposition coloniale internationale de 1931. Les premiers vœux au monde de la culture de Rachida Dati avaient attiré plus de 1000 personnes et il se disait, dans les rangs, que près de 150 journalistes avaient été accrédités – chiffre fantasque, mais qui montre à quel point la ministre de la Culture intéresse. Pas seulement car chacun sait qu’elle a été nommée par Emmanuel Macron, dont elle a cité le nom chaque fois que possible dans son discours, pour mieux inscrire son action dans le sillage de l’Élysée. Mais aussi car cette personnalité draine une capacité à porter le fer et à lancer de bons mots.

Pour cette première, la ministre avait choisi de s’exprimer juste à côté du Musée national de l’Immigration, qui relate une longue histoire dont Rachida Dati est issue. En introduction, la directrice du lieu, Constance Rivière, a raconté que la jeune Rachida avait écrit à Tewfik Farès, producteur de Mosaïques (émission sur et pour les immigrés diffusée entre 1977 et 1987 sur FR3). Dans la lettre, elle disait vouloir travailler avec lui. Le sort en a décidé autrement. La ministre a admis d’ailleurs avoir «oublié» cette lettre, envoyée alors qu’elle n’avait que 21 ans.

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Hier, plus que de l’immigration et sans une quelconque allusion à la loi tout juste promulguée, c’est de ruralité dont a parlé Rachida Dati. «J’ai voulu en faire la priorité du début de ma mission. Cela a fait sourire tous ceux qui m’imaginaient ne pas franchir le périphérique», a déclaré la patronne démissionnaire du groupe LR à Paris qui ne cache pas ses ambitions municipales.

Un rapport de l’inspection générale des Affaires culturelles souligne que dans les territoires ruraux habités par 22 millions de personnes, on ne trouve que 5% des «scènes labellisées spectacle vivant». À ceux qui l’imaginent focalisée sur la capitale, elle lance, un sourire en coin : «qu’ont-ils fait pour les 22 millions de Français dont nous parlons ici?»

Le sujet de la pauvreté de l’offre culturelle dans les zones rurales n’est pas nouveau ; l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen, elle-même dans l’assistance, avait tenté de relever le «défi». Rachida Dati entend prendre le relais aujourd’hui. «L’enjeu, ce n’est pas de créer demain de nombreuses scènes en milieu rural. C’est plutôt de voir comment nous pouvons prendre sérieusement en compte ces 22 millions de Français qui n’ont pas la même facilité d’accès à des offres artistiques», a expliqué la nouvelle ministre. Pourquoi, a-t-elle lancé, «les habitants des territoires ruraux ne feraient pas partie des publics prioritaires?» Dans la salle, pleine de dirigeants d’établissement public ou de syndicats professionnels, personne ne semblait opposé à de nouvelles offres en direction de ces Français-là. Mais avec quel budget ? s’interrogeaient certains à voix basse. «Je serai complètement mobilisée pour que vos lieux aient toujours les moyens d’accomplir leur raison d’être et pour la production artistique reste le tambour battant de notre modèle culturel», a souhaité rassurer Rachida Dati.

Alors que le ban et l’arrière-ban des dirigeants de médias était là – Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions, Sybille Veil, de Radio France, Rodolphe Belmer, directeur de TF1, Bruno Patino, président d’Arte…-, la ministre a également insisté sur le rôle des médias dans la «vitalité» de la culture. «Il faut aussi garantir la diversité des opinions, la diversité de nos territoires au sein des médias», a-t-elle plaidé, évoquant la place des femmes, de la diversité, des territoires ruraux et ultramarins. Il faut faire «vivre la culture partout, pour que chacun ne puisse jamais dire, ce n’est pas pour moi» a-t-elle répété, à l’unisson avec le président de la République.

Après 22 minutes d’un discours encore assez peu détaillé sur le fond, la ministre a tout de même promis : «quand je vous quitterai, vous ne me pleurerez pas, vous m’applaudirez !» S’en est suivi un bain de foule, bien encadré par un service de sécurité tonique. Des élus locaux, dont Xavier Bertrand président des Hauts de France, ont immédiatement tenté de l’approcher pour lui vendre leurs idées sur la ruralité.

Non loin, les équipes de la ministre affichaient un sourire de satisfaction au terme d’une journée réussie. Dans l’après-midi, lors des vœux au personnel, ses proches collaborateurs avaient vu les agents du ministère – pourtant peu suspects de sympathie pour la droite -se presser pour faire un selfie avec elle. Quelques heures plus tôt, le conflit social en cours depuis plus de 100 jours au Centre Pompidou venait de s’achever. «C’est cela, la politique», estimait un proche. La CGT Culture a fait savoir depuis qu’elle désapprouvait ce qu’elle appelle «un passage en force», puisque seuls deux des cinq syndicats ont signé avec le ministère le protocole d’accord. C’est aussi cela, la rue de Valois.