Thriller/Drame de Hirokazu Kore-eda, 2h06.
L’Innocence regorge de nuances et de détails qui ne prennent sens qu’en avançant dans le récit. Sur l’affiche du film, le visage de deux enfants maculés de boue interroge. Que leur est-il arrivé ? Quel est le lien avec cette première séquence qui voit les pompiers débouler, toutes sirènes hurlantes, pour éteindre l’incendie survenu dans un bar à hôtesses ? Une rumeur se propage : le professeur de Minato et de Yori fréquentait le lieu. Et voilà que le jeune Minato, qui est élevé par sa mère seule, se met à lui raconter que ce professeur lui a dit qu’il avait un cerveau de porc. Un questionnaire sera distribué aux enfants pour juger le prof qui sera soumis à une séance d’autocritique devant les parents avant d’être mis à pied. La Chine sous Mao ? Non, le Japon contemporain. C’est ce Japon-là, qui cache une violence sourde sous une placidité apparente, que le cinéaste veut nous montrer. Sur un scénario de Yuji Sakamoto qui fut primé en juillet au Festival de Cannes, Kore-eda renouvelle sa manière de faire un thriller. Il adopte une structure en trois temps : l’histoire est racontée successivement par la mère de Minato, par le professeur puis par l’enfant lui-même. Cette partie-là est la plus belle. De sombre, le film devient lumineux. Déroutant mais subtil, L’Innocence s’attache aussi à décrire l’éveil du sentiment amoureux chez les adolescents. Minato, orphelin de père, surprotégé par sa mère, et Yori, délaissé par un père violent, vont découvrir qu’ensemble, ils peuvent lâcher-prise. F.D.
À lire aussiNotre critique de L’innocence: l’enfance en plein sortilège
Drame/Histoire de Vincent Perez, 1h41.
Vincent Perez, cinéphile et escrimeur, connaît ses classiques. Scaramouche, Les Duellistes, Barry Lyndon… Il a même joué dans certains. Formidable Christian dans le Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, truculent Duc de Nevers dans Le Bossu de Philippe de Broca, il se donne un rôle de beau salaud dans Une affaire d’honneur. Son quatrième long-métrage comme réalisateur et son plus réussi. Dans le Paris de 1887, Clément Lacaze (Roschdy Zem, impeccable en maître d’armes brisé par la guerre de 1870) et le colonel Berchère s’affrontent directement ou par bras interposés. Épée, pistolet ou sabre, les combats s’enchaînent et ne se ressemblent pas. Riches d’enjeu, ils relancent à chaque fois l’intrigue et tiennent en haleine. Les acteurs mouillent la chemise ou la robe (Doria Tillier, Damien Bonnard, Guillaume Gallienne). Sous le divertissement, la leçon d’escrime est amère. Le sens de l’honneur recouvre aussi parfois le goût du sang. É.S.
À lire aussiVincent Perez: «Chaque combat doit avoir sa propre musique»
Comédie/Horreur de Kristoffer Borgli, 1h41.
Quel loser ! Il ne ressemble à rien, avec sa calvitie, ses petites lunettes métalliques, son anorak à capuche qu’il a dû commander sur internet. Ce professeur banal enseigne la biologie. En lui, la colère gronde. La frustration bouillonne dans ses veines. Cela ne peut plus durer. Effectivement, cela ne dure pas. Soudain, tout le monde se met à rêver de lui. Au début, il est intrigué, mais flatté. Ses espoirs les plus fous sont exaucés. On se l’arrache. Le voilà devenu une star. Avec un léger effort, il pourrait être le roi des influenceurs. La tête lui tourne. La médaille a son revers. Les rêves des gens commencent à ressembler à des films d’horreur dont il est le héros malgré lui. La situation bascule. De vedette, il se transforme en monstre. À l’école de sa fille, les élèves le surnomment Freddy Krueger. Le doyen de son université lui impose un congé. Anonyme, célébrité, puis paria, telle est la destinée involontaire de cet homme comme les autres. Kristoffer Borgli (Sick of Myself) réalise un film malin comme tout, avec un côté Dans la peau de John Malkovich. Il dérange, dénonce les dégâts de la cancel culture. Les dents grincent. Nicolas Cage trouve là un de ses rôles (Joe, Pig) qui l’exonèrent à intervalles réguliers de ses innombrables âneries. En père désarmé, en mari invisible, en chercheur sous-estimé, il prouve que, quand ils veulent, les ringards ont du talent, eux aussi. CQFD. Problème : il va falloir attendre encore plusieurs années avant de le revoir dans un film potable. Sacré Nicolas. É.N.
À lire aussiNotre critique de Dream Scenario, le cauchemar jubilatoire de Nicolas Cage
Comédie de Peter et Bobby Farrelly, 1h59.
1998, année faste. Outre la victoire des Bleus de Zidane en Coupe du Monde, on assiste à la consécration des frères Peter et Bobby Farrelly avec Mary à tout prix. Catherine Deneuve est une grande fan. Elle n’est pas la seule. Et 25 ans plus tard, la comédie romantique sous acide des auteurs de Dumb and Dumber fait toujours des étincelles. Leur capacité à élever les blagues au-dessous de la ceinture au rang de gags imparables reste inégalée. Le testicule de Ben Stiller coincé dans sa braguette, le gel à base de sperme dans les cheveux de Cameron Diaz ou le combat de catch avec un chien sous amphétamines provoquent toujours l’hilarité. Le mariage réussi de la honte et de l’amour. É.S.
Film fantastique de Sébastien Vanicek, 1h45.
Renouveau du cinéma fantastique français, épisode 38. Après Grave, Le Règne animal, Acide ou encore Vincent doit mourir, voici Vermines, de Sébastien Vanicek, présenté en clôture de la Semaine de la critique à la Mostra de Venise. Des araignées tueuses prolifèrent dans une barre d’immeuble en banlieue. Une bande de jeune (dont Théo Christine et Finnegan Oldfield) va tenter de sauver sa peau. Dans le genre Alien de banlieue, le film a de l’allure et peut faire faire des cauchemars à tout arachnophobe. La métaphore est claire mais pas trop appuyée : habitants des cités et araignées, même combat de paria. É.S.
Film d’animation de Pablo Berger, 1h42.
Pour son premier film d’animation, le réalisateur espagnol Pablo Berger (Abracadabra, Blancanieves) adapte le roman graphique de l’Américaine Sara Varon. On y retrouve l’anthropomorphisme des studios Disney, la mélancolie en plus. Son héros, Dog, est un chien triste et solitaire à Manhattan. Un jour, il se construit un robot qui devient son meilleur ami, doit se séparer de lui et désespère de le retrouver dans la jungle new yorkaise. Fable sur l’amitié sans paroles, portée par une bande originale groovy, Mon ami Robot a du chien, mais elle est peut-être un peu trop enfantine pour les adultes et un peu trop minimaliste pour les enfants. É.S.