Les Innocents et L’Affaire Louis Trio ont mis au point, vers le milieu des années 1980, ce qui n’était alors qu’une chimère : faire de la pop en français. Composer des mélodies exigeantes, serties d’arrangements tout droit sortis de l’influence anglo-saxonne (Beatles en tête), avec des paroles intelligentes en français. Ce n’était pas tout à fait de la chanson française, mais pas de la variété non plus. David Scrima est l’héritier de cette tradition: pas étonnant lorsqu’on sait que feu Hubert Mounier lui a mis le pied à l’étrier. Scrima a attendu d’atteindre la cinquantaine avant de sortir son premier album, et tant mieux. Son style, il l’a peaufiné, écrivant et composant pour d’autres avant d’oser chanter lui-même des chansons sur mesure. Pendant ce temps, cet illustrateur doué travaillait au Louvre pour nourrir sa famille. Il en a tiré le titre de cet album d’une fraîcheur contagieuse : Gardien de musée. Observateur méticuleux de ses contemporains, mi-amusé mi-sidéré par la marche du monde, Scrima est l’héritier de Souchon autant que de McCartney. Réalisé avec le concours de Mark Daumail (Cocoon), cet album presque concept est un remède au blues hivernal.

Initialement sortis entre 1970 et 1974, ces quatre albums n’avaient jamais été réédités en vinyle depuis lors. Dotés d’un son comme neuf, et du travail soigné de Jean-Luc Marre, les revoici au moment où leur auteur publie son autobiographie. À leur sortie, ces disques avaient fait l’effet d’une petite révolution. Le Breton, issu de la tradition celtique mais sensible à la musique de sa génération, avait suivi l’exemple des Anglais de Fairport Convention ou Pentangle, qui modernisaient leur folklore en le réhabilitant auprès du public rock. Le succès fut immédiat. Renaissance de la harpe celtique, plus célèbre de ces quatre références, fut récompensé du grand prix de l’académie Charles Cros et devint un succès populaire. La carrière de Stivell, infatigable défricheur, était lancée. L’homme n’a jamais choisi entre expérimentations et musique populaire, et tant mieux. Mais il a rarement été aussi génial que dans ses œuvres de jeunesse, qui rappellent qu’il a été un pionnier du revival celtique qui s’est emparé de la France dans les décennies 1980 et 1990. Grâce lui est rendue avec ces disques d’une invention et d’une modernité qui restent sidérantes cinquante ans après leur production.