«Il manquait en France une scène de stand up qui soit un pont vers les artistes issus du monde arabe», explique Ianis Cucco, programmateur et directeur de production. C’est chose faite. Jusqu’au 4 février 2024, l’Institut du Monde Arabe (l’IMA) organise la cinquième édition de son Comedy Club. Une vingtaine d’humoristes se succèdent sur les planches de l’auditorium de l’Institut et forment une programmation détonante : soirée d’ouverture avec le meilleur de la scène du stand-up, soirée queer « Habibi », spectacles en arabe dialectal, soirée de clôture avec le Comte Bouderbala… Une nouvelle fois, l’IMA devient « une passerelle entre le monde arabe et la France », annonce Frédérique Mehdi, directrice de l’action culturelle de l’IMA.

« Le stand up est l’un des arts de la scène le plus en prise avec le monde comme il va », explique Jack Lang, président de l’IMA. « Insolent, connecté, engagé, plus que toute autre forme d’expression orale il nous conduit à reconsidérer l’actualité, notre quotidien, nos amours, la société dans laquelle nous vivons, sous l’angle percussif d’un humour tantôt joyeux, tantôt grinçant, parfois provoquant, toujours décalé. »

Cette année encore, l’IMA s’appuie sur une équipe de programmation composée de Tarik Seddak (ancien directeur artistique de Studio Bagel, Golden moustache et du Jamel Comedy Club), Ouarda Benlaala (Cinétalents) et Ianis Cucco (programmateur et directeur de production). L’édition de l’IMA Comedy Club est l’occasion de convier dans un seul et même lieu des artistes de renom des scènes francophones et arabophones, comme Akim Omiri, Jessé, Tony Saint-Laurent, Dena, Tahnee, le Comte de Bouderbala… mais pas seulement. L’IMA se donne également pour mission de faire émerger de nouveaux talents.

Chaque année, l’IMA accompagne et forme un jeune talent émergent qui a l’occasion de faire son premier numéro de stand-up au cours de la soirée d’ouverture. Ce primo standuppeur est accueilli dans une équipe joyeuse : «On se connaît tous, l’ambiance est chaleureuse et bienveillante», confie l’humoriste Younès Depardieu, qui souligne que ce genre d’évènement est l’occasion de réunir les communautés et les confessions religieuses dans une ambiance propice au vivre ensemble.

Pour prolonger l’exposition «Habibi les révolutions de l’amour» en cours à l’IMA, un gala 100% queer a été ajouté à la programmation. «Cette soirée de l’IMA Comedy Club est non seulement en cohérence avec l’actualité culturelle de l’IMA, mais elle répond également à une préoccupation : cette scène-là [LGBTQIA ndlr] est encore trop invisibilisée du côté de l’humour», remarque Frédérique Mehdi. «L’IMA est progressiste par nature et se donne pour mission de représenter toutes les scènes artistiques du monde arabe.» Une approche en cohérence avec le rôle de l’humour corrosif, impertinent et parfois provocateur caractéristique du stand up. Pour Mahaut Drama, humoriste et chroniqueuse sur France Inter, «le stand up est un endroit de luttes et de revendications. C’est un lieu où l’on peut “rire avec”, et pas “rire de” , sur des sujets communs tout en étant vecteur de changement.» Celle qui ne saurait concevoir son métier dépourvu de tout discours engagé se réjouit que l’IMA organise un évènement «où la parole et l’humour fédèrent.»

Et c’est cet esprit fédérateur et chaleureux que les spectateurs se plaisent à retrouver chaque année. «Les gens reviennent, et le public est divers», explique Frédérique Mehdi. «On observe dans la salle un croisement intergénérationnel et socio culturel étonnant. Il y a des ados, des familles, des personnes âgées, et ce mélange des générations concourt à former une ambiance bon enfant. C’est d’ailleurs la force de l’IMA de faire converger les problématiques de divers horizons.»

Deux spectacles, l’un en dialecte marocain, l’autre en dialecte tunisien, parachèveront la programmation. Forte du succès obtenu l’an dernier, cette initiative est renouvelée pour un public arabophone qui n’a pas souvent l’occasion d’assister à des numéros de stand up en dialecte arabe. «Les humoristes disent eux-mêmes qu’ils n’abordent pas leur show de la même manière lorsqu’ils parlent dans leur dialecte», sourit Frédérique Mehdi. «Ils n’utilisent pas les mêmes références, changent de rythme, c’est une forme de dextérité ! L’humour a ses langues.»

Infos pratiques: IMA, 1 Rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris; Sur réservation. Vendredi 2 février, à 20h, soirée en arabe dialectal marocain; samedi 3 février, à 16h30, rencontre littéraire avec Mourad Winter et à 20h, soirée en arabe dialectal tunisien; dimanche 4 février, à 20h, soirée de clôture avec Le Comte de Bouderbala.