C’est dans une émission de Bernard Pivot que Robert Badinter a, pour la première fois, plaidé contre la peine de mort. Le 25 juin 1973, il est invité dans Ouvrez les guillemets à l’occasion de la sortie de son livre L’exécution. Dans cet ouvrage très personnel, plusieurs fois réédité, il développe une cause chère à son cœur : ses réflexions sur le métier d’avocat et son sentiment d’injustice après que l’un de ses clients, Roger Bontems, a été guillotiné pour un meurtre qu’il n’avait pas commis. C’est aussi dans une autre émission de Bernard Pivot Bouillon de culture, en 1995, qu’il évoque son après -vie. « Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous entendre qu’il vous dise ? », lui demande l’animateur. Après un instant de réflexion, il répond, en souriant « Tu as fait ce que tu as pu ! ». Il conclut ainsi un questionnaire du tac au tac où il donne la réplique à Pierre Perretet Jean-Jacques Pauvert, et démontre qu’il ne manque pas d’humour. Une séquence que Madelen vous propose de découvrir ou de redécouvrir.
Entre deux plaidoiries où chaque mot a été travaillé, pesé à l’extrême, Robert Badinter a montré sur le petit écran, une autre de ses qualités qu’il cultivait en privé : le sens de l’autodérision. Le 14 juin 1970, il participe à l’émission L’invité du dimanche, présentée par Pierre Bouteiller et consacrée à Jules Dassin. Il raconte comment le metteur en scène est devenu son premier client. Deux semaines après l’ouverture de son cabinet, sa salle d’attente demeure désespérément vide. Jules Dassin arrive un matin, un peu par hasard. Un producteur avec qui il a travaillé quelque temps plus tôt lui doit beaucoup d’argent. Il avoue, d’entrée, qu’il n’a pas les moyens de se payer un avocat. «Je n’avais pas d’argent non plus, nous étions donc faits pour nous entendre », confie Robert Badinter qui accepte de défendre bénévolement la cause de la victime. Il précise qu’il a perdu le procès, ce qui n’a pas empêché la naissance d’une longue amitié.
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Robert Badinter ne connaissait pas seulement le code pénal dans ses moindres détails. Il avait bien d’autres passions, à commencer par le théâtre, le cinéma et l’histoire. Pierre Barillet, auteur avec Jean-Pierre Grédy des plus célèbres comédies de Jacqueline Maillan, a été un très proche ami de la famille. Le 7e Art sous toutes ses formes a également marqué son long parcours. En 1970, toujours à la télévision, dans l’émission Pour le cinéma, il joue les critiques d’un soir en disant, devant Jean-Pierre Melville et Jean Ferniot, tout le bien qu’il pense du dessin animé de Walt Disney Le Livre de la Jungle. «J’ai trouvé cela absolument charmant . On est heureux en sortant, et on ne tue pas le tigre, ce qui m’a fait plaisir», dit-il. Il a enfin démontré qu’il pouvait être aussi à l’aise dans le passé que dans le présent à l’occasion d’une émission proposée en 1969 par Roland Darbois, acteur et scénariste.
Il a joué le rôle de l’avocat général dans un débat en forme de procès autour du thème, « Napoléon a-t-il été le continuateur de la Révolution Française ou en a-t-il freiné le développement ? ». Face à l’un de ses confrères, Robert Schmelk, avocat général à la Cour de Cassation, et Jean Foyer, ancien Garde des Sceaux, il a développé les arguments portés par l’accusation, dans cette soirée réalisée en direct avec, de temps à autre, des questions posées par le public depuis les stations régionales de l’ORTF. Bilan, trois heures de débat avant le verdict et un succès d’audience que les critiques ont salué le lendemain en précisant qu’il n’était que justice.