Voici un demi-siècle, après avoir coécrit son premier scénario, Coline Serreau a juré qu’elle travaillerait désormais seule. Elle a tenu parole. Elle a produit et réalisé chacun de ses films en veillant à chaque détail, depuis l’écriture du synopsis jusqu’aux ultimes détails du montage final. Elle continue dans cette voie puisque c’est dans un « seule en scène » qu’elle a choisi de raconter, au théâtre Michel, les grandes heures d’une carrière qui a débuté à 10 ans, quand Jean-Marie Serreau, son père, metteur en scène d’œuvres contemporaines, lui a fait passer sa première audition.

Après avoir pris des cours de musicologie et de trapèze à l’école du cirque d’Annie Fratellini, elle a décidé de devenir actrice, puis s’est lancée dans l’aventure du grand écran. La consécration est venue dix ans après, avec Trois hommes et un couffin. À plus de 12 millions d’entrées en France et des adaptations aux États-Unis, se sont ajoutés trois Césars. Elle conserve encore aujourd’hui dans un coin de sa mémoire, les refus de tous les acteurs à qui elle a proposé les trois rôles principaux. «À leurs yeux, s’occuper d’un bébé devant des caméras était mauvais pour leur image, car le public féminin ne les considérerait plus de la même manière », se souvient-elle. Ce triomphe que personne n’attendait, ne l’a pas surpris. Observatrice attentive de notre société, elle était convaincue qu’il correspondait à l’air du temps.

Elle concède, en revanche, qu’elle avait 15 ans d’avance quand elle a réalisé La Belle Verte », où , à travers l’arrivée d’un extraterrestre sur notre planète, elle évoque la nécessité de l’écologie et prédit la décroissance de notre société. Les entrées ont alors légèrement dépassé le million, mais une sortie sur internet a ensuite connu un engouement tellement fort qu’une nouvelle génération le considère comme un film culte. Une scène de La Crise, réalisée en 1992, que Maria Pacôme conclut en s’exclamant « tes problèmes, je m’en fous ! » est également devenue un classique. Coline Serreau ne compte plus les femmes qui, un jour ou l’autre, lui ont récité ce monologue par cœur. Pour cette féministe, ces phrases ont touché les cœurs de ses semblables parce qu’elles vont à l’encontre d’une forme de patriarcat qui n’a plus sa place dans notre société. « Quand les années passent, à l’inverse des hommes qui ont tendance à baisser la garde, la sexualité féminine devient de plus en plus florissante avec l’âge, et cela jusqu’à la fin. Il faut qu’elles profitent de ce bonheur.»

Elle évoque ce sujet et beaucoup d’autres dans La Belle Histoire de Coline Serreau, un spectacle au ton résolument humoristique, dont le texte évolue à chaque représentation. Des souvenirs qui lui reviennent en mémoire se transforment en moments d’improvisations. Elle raconte, entre autres, ses premiers écrits, à commencer par un feuilleton à 20 centimes la page, sa pièce Lapin, Lapin, créée en 1986, encore régulièrement à l’affiche dans plusieurs pays, Quisaitout et Grosbêta, récompensé par cinq Molièrers, et le Chœur Delta, composée d’amateurs qu’elle dirige régulièrement dans le sud de la France. Elle sourit en évoquant la bronca provoquée à l’Opéra Bastille en incluant du hip-hop à une mise en scène. Elle se réjouit en travaillant aux dialogues de son prochain film, où elle compte épingler, à sa manière, les écolos-machos et dénoncer les travers des spectacles subventionnés.

Éternelle passionnée de l’image sous toutes ses formes, elle a décidé de dévoiler son jardin secret en exposant pour la première fois, à Paris, à la Galerie Cinéma , des photographies, dessins et aquarelles inspirés par le monde qui l’entoure. Elle trouve enfin le temps de se rendre, le mercredi, aux réunions de l’Académie de Beaux-Arts où elle a été reçue en 2019. À 76 ans printemps, elle estime avoir au moins une dizaine d’années de création devant elle, avant de songer à sa postérité.

La Belle Histoire de Coline Serreau, au Théâtre Michel, le lundi à 20 heures, de 23 à 35 euros.

Exposition Coline Serreau à la Galerie Cinéma, 26, rue Saint-Claude, Paris IIIe.