Meta entend bien rectifier le tir face aux ados. Le géant américain a annoncé mardi la mise en place de nouvelles restrictions d’accès à certains contenus pour les adolescents âgés de 13 à 15 ans (18 ans dans certains pays) présents sur Facebook et Instagram, de manière à favoriser une utilisation «sûre et appropriée» à leur âge.

Mais ces annonces suscitent déjà la polémique aux États-Unis où le groupe est régulièrement pointé du doigt pour sa gestion des jeunes utilisateurs sur ses plateformes. « Meta a fait exactement les mêmes promesses lorsque ses dirigeants ont témoigné dans ma Commission il y a deux ans. Prévisible et superficiel », a réagi sur X (ex-Twitter) Richard Blumenthal, sénateur du Connecticut, très engagé en faveur d’un meilleur contrôle des réseaux sociaux.

« C’est un moyen pour Meta d’éviter une législation sur le sujet», réagit de son côté Gaia Bernstein, professeur de droit, et auteur d’un essai sur l’addiction provoquée par les nouvelles technologies. «Les études montrent que plus le temps passé en ligne augmente, plus les préjudices sont graves. Mais Meta ne fait rien pour changer sa dimension addictive car cela nuirait à son modèle économique ».

Même déception pour Arturo Bejar, ex-ingénieur de Facebook, qui avait, en novembre dernier, accusé son ancien employeur devant le Sénat américain d’être au courant des dommages collatéraux provoqués chez les jeunes et de ne rien faire contre. Cet ancien cadre regrette notamment que les mesures annoncées par Meta ne permettent pas à un ado de dénoncer facilement des avances dont il aurait été victime sur ses réseaux sociaux. « La discussion devrait porter sur des objectifs et des chiffres concrets, sur le préjudice subi par les ados », a-t-il déclaré mardi à l’agence Reuters.

Concrètement, le groupe californien va désormais placer par défaut tous les comptes d’adolescents dans la configuration la plus stricte de Facebook et d’Instagram, ce qui «rend plus difficile l’entrée en contact avec des contenus potentiellement sensibles». Cela limitera aussi l’accès à la liste d’amis aux comptes suivis ainsi que la possibilité de commenter les messages postés.

Autre nouveauté, la recherche de contenus pour certains termes, comme “auto-mutilation”, “suicide”, “troubles de l’alimentation” ou “boulimie”, ne produira aucun résultat pour ces adolescents. À la place, l’utilisateur verra s’afficher un message de prévention lui suggérant de contacter un professionnel, un ami ou de consulter une liste de conseils de nature à l’aider, selon un message posté sur le site de Meta. Cela n’empêchera pas, en revanche, un adolescent de discuter sur Instagram ou Facebook avec l’un de ses contacts de ses éventuels problèmes.

Le timing de ces annonces de Meta ne doit rien au hasard. Elles interviennent alors que Meta est sur la sellette. Plus de 40 États américains ont lancé fin octobre une action en justice contre le géant américain. Motif : ils reprochent à Meta d’avoir trompé le public à plusieurs reprises sur les dangers de ses plateformes et d’avoir sciemment incité les plus jeunes à les utiliser de manière addictive et compulsive, négligeant « les dommages considérables » sur la « santé mentale et physique des jeunes de notre pays ».

« Meta a exploité des technologies puissantes et sans précédent pour attirer (…) et finalement piéger les jeunes et les adolescents afin de faire des profits », avaient déclaré en octobre les procureurs généraux dans l’introduction de leur plainte déposée auprès d’un tribunal californien. Ils accusent aussi Meta d’enfreindre la loi sur la confidentialité des données personnelles des enfants. Ils demandent à la justice de forcer l’entreprise à mettre fin à ses pratiques et réclament le paiement d’amendes.

Meta sera aussi sur le banc des accusés le 31 janvier prochain devant le Sénat américain. Son patron, Mark Zuckerberg, ainsi que les dirigeants de quatre autres plateformes (X, Discord, Snap, TikTok) devront répondre aux questions des sénateurs sur la protection en ligne des droits de l’enfant.

Meta est également dans la ligne de mire de Bruxelles. La Commission européenne lui a demandé des comptes sur sa façon de protéger les enfants des contenus illégaux et nuisibles. De nombreux États, parmi lesquels la France, planchent par ailleurs sur un durcissement de la législation afin de mieux protéger en ligne les mineurs.

Meta a tenté dans le passé de rassurer les autorités en ajoutant des outils pour aider les parents à suivre les activités de leurs enfants ou pour inciter les adolescents à faire des pauses. Il avait également le projet de lancer un Instagram pour les préados, avant d’y renoncer à l’automne 2021.

L’enjeu financier est de taille. Les enfants et adolescents représentent une part croissante du public de ces plateformes. 63% des ados américains disent, en effet, utiliser TikTok, 59% Instagram et 33% Facebook, selon un sondage réalisé l’an passé par l’institut Pew Research Center. Or ils sont depuis longtemps une cible de choix pour les marques qui font de la publicité sur Facebook et Instagram. Leur objectif consiste à les attirer dès le plus jeune âge afin de les fidéliser.

Reste que cette fois-ci, le géant californien va un cran plus loin. « Instagram et Facebook vont cesser de traiter les ados comme des adultes », titre le Wall Street Journal. « C’est le changement le plus important impulsé par Meta pour s’assurer que les jeunes aient une utilisation plus adaptée à leur âge sur ses réseaux sociaux », poursuit le quotidien américain.

Il n’empêche, la marge de manœuvre de Meta est étroite en raison de la concurrence qui s’est intensifiée depuis quatre ans avec TikTok, très populaire auprès des plus jeunes. La part de marché de Facebook auprès de ce public, jadis très fidèle, s’est étiolée. Meta doit désormais composer avec son rival chinois et les injonctions des régulateurs.