Bruxelles va pouvoir renforcer ses liens commerciaux avec Wellington. Ce mardi, les eurodéputés ont voté largement en faveur d’un accord commercial entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Soutenu par plus de 520 élus, le texte suscite pourtant une levée de boucliers de la part de nombreuses organisations, qui se sont offusquées des conséquences de cet accord de libre-échange sur l’environnement. Et ce, dans un contexte où les appels à relocaliser les activités et productions se multiplient.
Concrètement, le texte vise à favoriser les échanges commerciaux entre les deux territoires, notamment en supprimant l’ensemble des droits de douane pesant sur les exportations européennes vers la Nouvelle-Zélande dès son entrée en vigueur, et 98,5% des droits européens sur les importations néo-zélandaises après sept ans. En échange, Bruxelles affirme avoir pris des mesures pour protéger les productions locales : par exemple, les importations néo-zélandaises de «produits agricoles sensibles», comme le bœuf ou des produits laitiers seront faites «uniquement en quantités limitées», et les vins, spiritueux et produits traditionnels les plus prestigieux de l’Union, comme la feta, seront protégés, promet la commission. De même, l’environnement est pris en compte, en incluant des «engagements exécutoires» vis-à-vis de l’accord de Paris. De quoi faire de ce texte «une référence en matière de commerce durable», se félicitent les eurodéputés.
Pour l’heure, les échanges bilatéraux entre les deux parties du monde atteignaient quelque 9,1 milliards d’euros en 2022, selon la Commission. L’Union est le troisième partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande. Alors que l’Europe importe principalement des produits agricoles de Wellington, comme des boissons, viandes, fruits et du vinaigre, elle y envoie des produits manufacturés, comme des machines, des produits chimiques ou du matériel de transport. Les vingt-sept sont, par ailleurs, le deuxième investisseur étranger dans le pays, principalement vers le secteur financier et du commerce de gros ou de détail.
Malgré cette base déjà solide, les échanges peuvent être considérablement dynamisés par l’accord, estime Bruxelles. Les exportations bilatérales de l’Union devraient progresser de 31,7% en 2030 et son PIB devrait augmenter de manière marginale, par rapport à un scénario sans accord, calculait l’exécutif dans son étude d’impact. De son côté, Wellington devrait voir ses échanges bondir de 23,4% et son PIB de 0,5%. La progression du commerce devrait faire progresser les salaires, les investissements européens en Nouvelle-Zélande devraient progresser «de plus de 80%», et les consommateurs en profiteront, assurait la Commission.
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Reste que ces affirmations ne convainquent pas nombre d’organisations, qui s’inquiètent des effets de cet accord. Si l’Union affirme que les conséquences sur l’environnement seront limitées, l’économiste Maxime Combes se montre plus dubitatif. «L’accord UE – Nouvelle-Zélande devrait avoir une incidence sur le changement climatique par “son impact sur le volume d’activité économique dans le secteur agricole, en particulier les secteurs de la viande et des produits laitiers” qui sont fortement générateurs de méthane et de protoxyde d’azote, deux des gaz à effet de serre les plus puissants, en Nouvelle-Zélande, ainsi que “les flux commerciaux supplémentaires prévus entre l’UE et la Nouvelle-Zélande qui entraîneront une augmentation des émissions de GES dues au transport de marchandises”, rappelait le chargé de mission à l’Aitec.
De même, dans une déclaration récente, plus de cinquante organisations – dont Attac France, la CGT, la Confédération paysanne ou France nature environnement – ont appelé les eurodéputés à ne pas valider l’accord, qui «ne tient pas ses promesses». «Les principaux bénéficiaires des deux côtés seraient des entreprises qui causent souvent des dommages considérables à l’environnement et au climat», regrettent les signataires, citant les exportateurs de voitures ou de produits chimiques. En outre, si les investissements peuvent fortement augmenter, «l’accord commercial ne prévoit aucune mesure spécifique pour soumettre la libéralisation des investissements prévue à des critères de soutenabilité», une «lacune importante», ajoutent-elles.
Certains élus français au Parlement européen se sont aussi élevés contre ce texte. Manon Aubry a par exemple dénoncé une «pure folie» ainsi qu’un «désastre écolo et social», quand Emmanuel Maurel, à gauche, a aussi accusé l’exécutif de «[sacrifier] notre agriculture et notre souveraineté alimentaire pour importer du lait et des ovins produits à 20.000km».
De leur côté, les soutiens de ce texte se veulent rassurants. «En période d’incertitude, nous devons rester proches de nos alliés, et cet accord renforcera notre lien déjà très fort avec la Nouvelle-Zélande», a ainsi affirmé l’eurodéputée Renew Karin Karlsbro, citée dans un communiqué de son groupe. «Aujourd’hui est un bon jour pour l’Union européenne […]. Ensemble, nous faisons progresser le commerce mondial fondé sur des règles, dans un contexte de vague mondiale de protectionnisme et d’isolationnisme», a déclaré, de son côté, son homologue allemand du PPE, Daniel Caspary.
Malgré ce vote, le cheminement de ce texte, dont les négociations ont démarré il y a plus de cinq ans, n’est toutefois pas tout à fait terminé. Les États membres doivent encore donner leur accord formel ce lundi, et la Nouvelle-Zélande doit le ratifier. Il doit ensuite entrer en vigueur «d’ici la mi-2024», selon le Parlement européen.