À Dubaï
Les délégations européennes ont eu de vifs propos samedi matin. Ils visaient une lettre du secrétaire général de l’Opep, Haitham al-Ghais, dévoilée par l’AFP vendredi 8 décembre au soir, demandant aux 23 pays membres de l’organisation pétrolière de refuser toute référence «aux énergies fossiles» dans l’accord final de la COP28, la vingt-huitième conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Cette réunion doit se terminer mardi matin a promis son président, Sultan al-Jaber, qui fait pression pour faire référence aux énergies fossiles dans le texte de conclusion. Ce serait une première dans un document de ces sommets internationaux.
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Mais la diplomatie a repris le dessus. Le terme de «répugnant» attribué à Teresa Ribera, ministre de l’environnement d’Espagne et chef de file du conseil des ministres européens à la COP28, est un contre-sens, explique-t-on dans son entourage. L’experte du climat, qui dirigea notamment l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), a prononcé le mot de «disgusting» («dégoûtant»), qui est un «faux ami» en espagnol pour dire «intolérable» ou «indigne», explique-t-on dans son entourage. De son côté, le Néerlandais Wopke Hoekstra, le nouveau Commissaire européen en charge du Climat, a utilisé un langage plus châtié. Cet ancien ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas a indiqué néanmoins que «la science nous le dit. Nous n’avons pas d’autres choix (…). C’est le début de la fin pour les énergies fossiles». De son côté, Theresa Ribera a précisé que les pays ont «besoin de réduire» leur dépendance aux énergies fossiles, avant d’en sortir.
Ces propos ont été tenus ce samedi matin, avant que ne débute la réunion plénière des représentants des 196 pays et l’Union européenne à la COP28. À ce moment-là, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, venait juste de débarquer de son avion à Dubaï, qui s’est posé à 8 heures. Elle est revenue avec un jour d’avance sur son programme initial, pour conduire les dernières négociations pour la France et participer aux négociations sur la finance en faveur du climat pour l’Union européenne. Et à propos du courrier du secrétaire général de l’Opep, «je l’ai évoqué de mon propre chef. Mais je n’ai pas eu la lettre en main», a précisé la ministre, au Figaro, samedi après-midi, après avoir rencontré son homologue saoudien. Dans la matinée, elle avait ajouté sa pierre aux représentants de l’Europe. Elle s’était déclarée «stupéfaite des déclarations de l’Opep» et «en colère». Selon elle, les propos des pays exportateurs de pétrole ne «sont pas appropriés». Car, comme le répètent les scientifiques, «les énergies fossiles sont responsables de plus de 75% des émissions de gaz à effet de serre» et donc du réchauffement. De plus, cela met en péril les pays les plus pauvres, notamment en Afrique où plus de «600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité».
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Pour aboutir dans les négociations, la ministre française appuie les propositions constructives et nouvelles du président de la COP28, dans son dernier projet d’accord final, publié vendredi. Il s’agit notamment d’une formulation «qui évoque la substitution des énergies fossiles par des énergies renouvelables», une proposition évoquée dès novembre par la Chine et les États-Unis. Mais elle ajoute que les «Européens veulent entendre parler de toutes les énergies fossiles». Et qu’«on ne va pas pointer du doigt tel ou tel (pays). Il faut dire les conséquences des énergies fossiles sur notre système énergétique». ll est donc essentiel de suivre les scientifiques et «d’organiser la sortie des énergies fossiles». Car «on ne sait pas du jour au lendemain faire sortir des pays qui dépendent à plus de 30% du charbon». Enfin, la ministre assure «ne pas avoir eu de réaction négative des Saoudiens».
Interrogée sur les propos tenus par les responsables européens, la délégation d’Arabie saoudite n’a pas souhaité, pour l’instant, faire de commentaires. La diplomatie climatique reprend ses droits.