Artiste extrêmement prolifique – il sort un album par an depuis son premier disque, en 1968 – Neil Young n’a pas ralenti la cadence avec l’âge, bien au contraire. Entre lives oubliés, albums studio inédits et rééditions en tout genre, le rocker continue de sortir de nouveaux disques. Après trois albums consécutifs avec Crazy Horse – le dernier, World Record, est sorti il y a un an tout juste – le septuagénaire livre un projet assez particulier. Lors d’une petite tournée solo donnée l’été dernier en Californie, Young s’était amusé à jouer des raretés de son riche répertoire, les «deep cuts» que ses fans réclament à cor et à cri depuis des années. C’est de cette matière qu’il tire aujourd’hui Before and After, manière d’album de reprises de ses propres chansons. On est intrigué par cet exercice, de la part d’un artiste qui n’a jamais cessé de l’avant : revisiter des chansons dont la plus ancienne date de 1966, dans des versions souvent moins bonnes que les originales.
Pourquoi ? Bien sûr, les morceaux sont magnifiques, mais on le savait déjà. Sauf pour If You Got Love, qui devait figurer sur Trans en 1982, mais avait disparu au moment de la sortie de l’album. La voix est plus fragile, le jeu de guitare et de piano moins assuré, mais cet album comporte de beaux moments. Notamment dans la reprise de Homefires, rareté de 1974 sortie en 2010 seulement, dont le texte prend une nouvelle tournure «Je ne suis plus le même homme qu’avant, j’ai appris des choses nouvelles et j’espère que ça se voit». Et surtout I’m The Ocean, une de ses plus grandes chansons, dans laquelle il chante «Les gens de mon âge ne font pas ce que je fais» qui sonne encore plus juste aujourd’hui qu’il y a trente ans.
Avant et après (Reprise/Warner Records)
Il s’agirait d’un des disques de Neil Young que ce dernier aime le moins. Indisponible pendant des décennies (il n’est ressorti qu’en 2016), ce live de 1973 est d’une tonalité toute particulière. Il a été enregistré pendant la tournée triomphale opérée par le musicien après les ventes colossales de l’album Harvest, sorti l’année précédente. Pourtant, on ne pourrait imaginer disque plus éloigné de ce dernier que ce Time Fades Away, première étape de la fameuse «Ditch Trilogy» sortie par Young entre 1973 et 1975. Salement déprimé, soumis à une pression considérable, Neil Young n’a laissé filtrer de cette série de concerts que des chansons totalement inédites, qu’il a très peu rejouées par la suite. À l’exception notable de trois pièces mélancoliques jouées solo au piano (Journey Through the Past, Love in Mind et The Bridge), Time Fades Away est constitué de pièces rageuses et grinçantes, saturées d’électricité et d’ondes négatives. À mille lieues de Harvest et ses climats soignés, les musiciens, identiques, lâchent les cheveux vapeurs sur ces chansons désolées. Masochistes que nous sommes, on en redemande, tant la potion est bonne. Il y a là quelques-uns des titres les plus bouleversants de la carrière du bonhomme, tels l’autobiographique Don’t Be Denied ou la sombre L.A., meilleure définition chantée de la Cité des Anges. Crosby et Nash, compagnons de route du Loner, le soutiennent vocalement sur l’apocalyptique Last Dance de près de 9 minutes. Agrémenté d’un titre supplémentaire, le notoirement bizarroïde Last Trip to Tulsa, ce disque pas confortable mais crucial bénéficie d’un repressage pour son 50e anniversaire.
Le temps s’efface 50 (Reprise/Warner Records)