Alors que les opérations militaires israéliennes se poursuivent dans la Bande de Gaza, et en l’absence d’observateurs étrangers libres de circuler, un état des lieux complets des dégâts sur le patrimoine multiséculaire du territoire reste très compliqué à établir. Depuis octobre, Heritage for Peace, s’y emploie en tentant de recenser et de vérifier les témoignages ou documents qui font état des destructions. L’ONG, qui bénéficie notamment du soutien des gouvernements britannique et espagnol, a publié un premier rapport le 7 novembre dans lequel il recense dix sites dont le devenir est incertain et estimait à une centaine les lieux d’intérêt culturel endommagés par les bombardements. Selon une autre ONG, Euro-Med Human Rigths Monitor, plus de 150 lieux de cultes endommagés sont dénombrés à ce jour. Depuis, le premier rapport d’Heritage for Peace, plusieurs informations, notamment recoupées par des médias occidentaux, ont établi avec certitude de lourdes destructions d’édifices historiques. Au point que le père Jean-Baptiste Humbert, chargé de l’archéologie au sein de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem qui travaille en Palestine depuis des décennies, a confié, auprès du Daily Mail, qu’il redoutait «une destruction totale du patrimoine culturel de Gaza».
La grande mosquée Al-Omari compte parmi les édifices les plus importants de la Bande de Gaza. Le site, qui a peut-être abrité un temple philistin, a été occupé par une église byzantine datant du Ve siècle, transformée en mosquée au VIIIe siècle, elle-même ravagée par un tremblement de terre. Une nouvelle église a été bâtie par les Templiers au XIIe siècle, détruite par les Ayyoubides, avant que les Mamelouks ne reconstruisent une mosquée. L’édifice actuel, qui a encore souffert des bombardements britanniques au XXe siècle avant d’être une nouvelle fois restauré, couvre une superficie d’environ 4000 m². Depuis début décembre, plusieurs photos, relayées par Al Jazeera et identifiées depuis par des médias occidentaux comme la BBC, montrent que l’édifice a été, a minima, fortement endommagé.
Elle est considérée comme la plus ancienne église de Gaza encore en activité. L’église grecque-orthodoxe Saint-Porphyre se trouve dans le quartier Zaytun de la ville où elle aurait été bâtie par les croisés aux alentours de 1150. Selon l’ONG chrétienne Caritas, au moins 17 personnes ont été tuées lors d’une attaque le 19 octobre. Des témoignages recueillis par L’Orient-Le Jour, font état de dommages sur la façade et d’un effondrement d’un bâtiment adjacent dans l’enceinte du complexe religieux.
Le site archéologique de Tel Umm Amer, à Deir el-Balah, est célèbre pour les vestiges du monastère de Saint-Hilarion, qui s’étendent sur quatre siècles, de la fin de l’Empire romain à la période omeyyade. Les premiers bâtiments ont été fondés en 329. Il était l’un des plus grands monastères chrétiens du Moyen-Orient. Dédié à saint Hilarion, originaire de Gaza et père du monachisme palestinien, il comprend cinq églises successives, un baptistère, des bains et des sanctuaires, des mosaïques géométriques complexes et une vaste crypte. Le site, fouillé et restauré notamment grâce à l’aide de la France, se trouve relativement à l’écart des zones les plus urbanisées de la bande de Gaza et semble pour le moment avoir été épargné.
Découvert en 1997, le site a été fouillé et restauré par l’ONG française Première urgence internationale avec l’École biblique et archéologique française et était ouvert au public depuis 2022. L’église byzantine du Ve siècle et ses très nombreuses mosaïques, abritées sous un bâtiment moderne, jouxtaient l’hôpital du camp de Jabaliya qui a été bombardé. Selon l’ONG Heritage For Peace, le lieu aurait été complètement détruit par «un bombardement direct».
Le port d’Anthédon, le premier port maritime connu de Gaza, occupé de 800 avant J-C. à 1100 après J-C., aurait été considérablement touché par des bombardements. C’est l’un des trois sites de Gaza inscrits sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco.
Le cimetière à Gaza, où sont enterrés plus de 3000 militaires britanniques et du Commonwealth tués pendant la Première Guerre mondiale, a été endommagé selon une information du Daily Mail. Parmi toutes les tombes, 781 sont non identifiés et portent l’inscription : « Un soldat de la Grande Guerre, connu de Dieu ».
Le site archéologique de Tel Es-Sakan, qui se trouve dans la zone d’Al-Zahra au sud de la ville de Gaza est partiellement endommagé selon Heritage For Peace. Il y a 25 ans, les archéologues palestiniens et français commençaient à fouiller ce qui est considéré comme le premier site archéologique de Gaza ; déterrant ce qu’ils croient être une colonie rare de l’âge du bronze vieille de 4 500 ans. Tout le quartier d’Al Zahra, dans lequel se trouve le site archéologique, a été pratiquement détruit par les bombardements.
Bâtie par les Ottomans au XIXe siècle après la destruction de l’édifice du XIIe siècle par les troupes de Napoléon, la mosquée Sayed al-Hashem est l’une des plus belles mosquées de Gaza et l’une des plus grandes, avec sa large esplanade entourée de galeries. Elle abrite le tombeau d’Hachim ibn Abd Manaf, arrière-grand-père de Mahomet. Le bâtiment aurait été partiellement endommagé par un bombardement direct.
Fondé en 2016, le musée Al Qarara présente l’archéologie et l’histoire de la région. Mohammad Abulehia, qui a créé le musée, a confirmé à The Art Newspaper que le bâtiment et la collection ont subi d’importants dommages lorsqu’un missile a frappé une maison adjacente le 12 octobre. La collection comprenait des antiquités de la période byzantine, tandis que le musée à entrée libre servait également de centre communautaire.
Le musée de Rafah, dans le Sud, est dédié à l’enseignement du patrimoine multiculturel de la bande de Gaza. Selon sa directrice Suhaila Shaheen, le lieu abritait des pièces de monnaie inestimables, des pierres précieuses, des plaques de cuivre et des vêtements et toutes sortes d’objets remontant à des époques de l’histoire de Gaza, lorsque la région était une plaque tournante du commerce et de la culture sous l’Égypte.
L’Institut français de Gaza a été visé le 3 novembre par une frappe aérienne israélienne. La France est le seul pays étranger à entretenir un lieu culturel à Gaza. Au moment du bombardement, aucun agent ou ressortissant français ne se trouvait à l’intérieur du bâtiment, construit sur un terrain offert à l’ancien président de la République Jacques Chirac, par l’ancien leader palestinien Yasser Arafat.