En février 2021, les audimats n’en étaient pas revenus : Nous paysans, documentaire de Fabien Béziat et Agnès Poirier, avait attiré cinq millions de téléspectateurs sur France 2, battant allègrement séries américaines et téléréalités. À la veille du Salon de l’agriculture et après des mois de confinements, les Français se montraient curieux de ce qui se passait dans leurs campagnes. Nous paysans (toujours disponible en replay et rediffusé lundi 29 janvier sur France 5) explore un monde dans lequel les caméras se sont régulièrement posées. Des fresques romancées au cinéma réaliste en passant par quelques documentaires minutieux, une sélection de cinq grands films sur le monde paysan.

Pierre, jeune éleveur, a repris l’exploitation familiale de vaches laitières. Lorsque l’une de ses vingt-cinq bêtes est victime de la maladie de la vache folle, il décide de l’abattre et de ne rien dire aux services sanitaires, craignant qu’ils ne suppriment tout son cheptel. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches : il n’a rien d’autre et ira jusqu’au bout pour les sauver. Sa sœur, vétérinaire, le prévient qu’il risque gros

Pour ce drame sensible et puissant, couronné par de multiples prix dont trois César, Hubert Charuel a travaillé son scénario avec Claude Le Pape pendant trois ans. Il livre un remarquable film de genre, qui emprunte aux codes du thriller et du fantastique, joue sur le côté bucolique et les clichés avant de bifurquer vers des notes plus sombres et devenir presque naturaliste.

Petit Paysan, film d’Hubert Charuel, avec Swann Arlaud et Sara Giraudeau,2017, 1h30. Disponible en vidéo à la demande sur les plateformes Apple, Amazon ou Canal.

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1916. Bill, ouvrier dans une fonderie à Chicago, s’enfuit après avoir frappé un contremaître. Avec Abby, sa petite amie, et sa jeune sœur Linda, il grimpe dans un train, direction les grandes plaines du Texas, avec d’autres prolétaires en quête de travail. Au beau milieu de nulle part, hommes et femmes sont embauchés pour moissonner les champs d’un riche propriétaire. Soucieux de passer inaperçus, Bill et Abby cachent leur relation. Or le fermier, Chuck, tombe amoureux de la jeune femme et veut l’épouser. Bill la pousse à accepter car il a appris, par hasard, que Chuck est atteint d’une grave maladie et n’en a plus pour longtemps

Ces moissons-là, personne ne les attendaient. En 1978, Terence Malick présente son deuxième film, cinq ans après le confidentiel Badlands. Et le voilà qui touche à la grâce en signant un drame majestueux, à la simplicité du théâtre antique, porté par une sublime photographie – la plupart des scènes ont été tournées à l’aube ou au crépuscule – récompensée par un Oscar, et les musiques d’Enio Morricone et Erik Satie. Le film sera sélectionné à Cannes pour la palme d’or et Mailick, à 35 ans, décrochera le prix de la mise en scène.

Les Moissons du ciel, film de Terence Malick avec Richard Gere, Richard Gere, Brooke Adams, Sam Shepard, 1978, 1h34. Disponible en vidéo à la demande sur les plateformes Apple, Amazon ou Canal.

Dans une Amérique mise à genoux par la Grande Dépression, la famille Joad, des métayers, cherche le salut. Victimes des spéculateurs fonciers et des sécheresses à répétition, les paysans sont chassés de leurs terres, accompagnés par l’ancien pasteur de la communauté qui a perdu la foi. Tous se préparent à gagner la Californie, pays de cocagne pour les pauvres, comme l’affirme un tract…

Le chef-d’œuvre de John Steinbeck transformé en chef-d’œuvre du cinéma par John Ford. Bien que l’écrivain n’ait pas été complètement satisfait de l’adaptation, le film de 1940 agit comme le révélateur d’une Amérique qui s’effondre sur elle-même. Le réalisme des Raisins de la colère, qui s’appuie sur une multitude de détails, a fait date, porté par l’incarnation de sans faille de Henry Fonda, John Carradine et Jane Darwell. Le livre comme le film ne sortiront qu’en 1947 en France, dans un pays qui peine à se relever de la guerre et où les bidonvilles se gonflent sous la pression de l’exode rural.

Les Raisins de la colère, film de John Ford, avec Henry Fonda, John Carradine et Jane Darwell, 1940, 2h09. Disponible en vidéo à la demande sur les plateformes Amazon ou Canal.

Sa petite usine, sa petite ville, sa petite femme snob… Francis Bergeade, fabricant de lunettes de WC dans le Jura, ne supporte plus son existence bourgeoise et étriquée qui vire à la succession d’emmerdes. Sur un coup de tête – et un coup du destin -, il plaque tout pour se réfugier dans une exploitation agricole du Gers, où il savoure une vie plus simple – croît-il -, les deux pieds plantés dans la terre.

Étienne Chatiliez a du nez pour tourner en comédie les analyses des sociologues et les tableurs de l’Insee. Après la lutte des classes contée dans La vie est un long fleuve tranquille et la décrépitude du grand âge de Tatie Danielle, le réalisateur fait se gondoler le pays avec la fracture entre la France des villes et la France des champs. Près de 5 millions de spectateurs rêvent de suivre Michel Serrault dans sa nouvelle vie d’éleveur de canards, au bras -cela ne gâche rien- de la belle Carmen Maura.

Le bonheur est dans le pré, film d’Étienne Chatiliez, avec Michel Serrault, Carmen Maura, Sabine Azéma, Eddy Mitchell, 1h46, 1995. Disponible en vidéo à la demande sur les plateformes Amazon ou Canal.

Dans sa ferme du Forez, Claudette, 75 ans se bat pour rester digne face à une société qui n’a plus grand-chose à faire d’elle, et dont elle a du mal à accepter et à suivre l’évolution. Le monde moderne avale chaque jour un peu plus ses terres, ses bêtes et celles de ses voisins. Comme elle, Jean, Christiane, Jean-Clément, Raymond, Mathilde et tous les autres résistent et luttent au quotidien pour préserver leur savoir-faire leurs biens et leur vie.

Après une décennie de travail à New York, le photographe Christophe Agou retourne dans son Forez natal. Pendant huit ans, il y documentera un monde paysan que l’on pourrait imaginer hors du temps, mais qui se délite à mesure son peuple se meure. Présenté à Cannes en 2017, après le décès de son réalisateur, le film documentaire dessine un portrait au plus près de son sujet et compose, avec la trilogie La Vie moderne – Profils paysans, de Raymond Depardon, un incontournable de cette France en sursis à l’orée du XXIe siècle.

Sans adieu, film de Christophe Agou, 2017, 1h39. Disponible en vidéo à la demande sur les plateformes Orange et Universciné. La Vie moderne-Profils paysans, trilogie de Raymond Depardon, 2001-2008, 1h33, 1h25 et 1h33. Disponible en vidéo à la demande sur Arte boutique.