Torpillé 4-0 pour sa première sélection il y a deux ans et demi, Stanley Bobo Nwabali pensait ne plus jamais garder les buts du Nigeria. Rappelé juste avant la CAN, il va jouer la finale, dimanche (21h00) à Abidjan contre la Côte d’Ivoire.
Et il ne prend même pas sa revanche sur les tombereaux de commentaires négatifs à l’annonce de sa titularisation pour le tournoi. «Ce n’est pas le moment de parler des critiques», répond le gardien élu homme du match de la demi-finale contre l’Afrique du Sud (1-1, 4 t.a.b. à 2) où il a arrêté deux tirs au but.
«Ça arrive, dans le foot. Quand les supporters attendent plus de vous, il leur arrive de dire des choses comme ça, mais ce n’est pas important à mes yeux, je le vois juste comme une motivation pour continuer à travailler et aider mon équipe et mon pays», ajoute placidement le gardien de Chippa United, club de Port-Elizabeth en Afrique du Sud.
Garder la cage des Super Eagles, «c’est une source de joie pour moi», dit-il au journal New Telegraph. «Honnêtement, j’ai prié pour être appelé. Je voulais porter à nouveau le maillot de mon pays, et je suis heureux que mon rêve soit repassé».
Il était passé une première fois, mais le Nigeria avec Nwabali dans les buts en avait pris quatre en match amical au Mexique en juillet 2021. Le portier joue alors aux Lobi Stars, au pays, et disparaît de la sélection.
Mais pas définitivement. «J’ai reçu des informations sur lui de la Fédération (NFF)», raconte son sélectionneur José Peseiro.
«Je voulais le voir, mais c’était impossible, c’est facile sur (l’application) Wyscout de voir des matches du monde entier, mais pas du Championnat d’Afrique du Sud, je ne sais pas pourquoi. J’ai demandé à des amis qui travaillent là-bas, ils m’ont envoyé des vidéos. Et alors j’ai dit à la NFF: Je veux aller le superviser en Afrique du Sud ».
«J’y suis allé, je l’ai vu s’entraîner, j’ai rencontré le joueur, le coach – merci Chippa United ! – l’entraîneur des gardiens, le staff, j’ai assisté à un match… J’en ai conclu que ce gars avait les capacités pour défendre notre but, il a été en concurrence avec (Francis) Uzoho et (Ojo) Olorunleke et il a gagné sa place, à la régulière», détaille le technicien portugais.
«Il a été fantastique tout au long du tournoi, et sans expérience de l’équipe», estime son capitaine William Troost-Ekong, «on l’a appelé, et il est là. (En demi-finale) Il s’est mis en lumière par les tirs au but, mais en match aussi il a fait des arrêts fantastiques et il aide la défense.»
Formé au Go Round FC de Port-Harcourt, Nwabali, qui n’a connu que des clubs locaux, dont le puissant Enyimba Aba, où il était remplaçant (2019-2020), avant Chippa, a désormais une chance à saisir dans un creux générationnel.
Depuis la retraite de Vincent Enyeama en 2015, personne ne s’est imposé dans les buts du Nigeria, qui a changé de gardien à chaque tournoi: Uzoho (Mondial-2018), Daniel Akpeyi (CAN-2019) et Maduka Okoye (CAN-2022).
Le malheureux Uzoho est damné par sa bourde en barrages contre le Ghana (0-0/1-1) qui a coûté leur place au Mondial-2022 aux Super Eagles.
En gagnant la finale, Bobo Nwabali pourrait rejoindre dans la légende les grands noms du passé, Best Ogedegbe (CAN-1980), Peter Rufai (CAN-1994) et Enyeama (CAN-2013) ou même le légendaire Sam Henshaw Ibiam, surnommé «l’Aimant Noir» (The Black Magnet), portier de la fameuse équipe «UK Tourists», ancêtre de la sélection, avant les indépendances, qui avait effectué une tournée de matches amicaux au Royaume-Uni en 1949.
«C’est une histoire que je raconterai à mes enfants», conclut-il dans un sourire, «je n’imaginais pas que ça m’arriverait. Maintenant, je joue pour les Super Eagles, je vais jouer la finale, je suis trop content tout au fond de moi. Je ne pense pas avoir jamais ressenti quelque chose d’aussi fort.»