C’est le son «résonnant, un peu perçant» de la viole de gambe qui l’a happée d’abord, à 10 ans. Depuis, Salomé Gasselin, nommée parmi les Révélations aux Victoires de la musique classique, s’est fait une place au coeur d’une jeune génération qui ravive l’instrument.

Pour elle, la cérémonie du 29 février représente avant tout l’opportunité de faire résonner la viole et son répertoire baroque. «Cela fait plusieurs années d’affilée que la viole de gambe est nommée aux Victoires de la musique classique. C’est une très bonne nouvelle, la viole gagne en visibilité», se réjouit la musicienne de 30 ans, qui a fondé il y a deux ans la classe de viole de gambe du conservatoire Pierre Barbizet, à Marseille.

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Son premier album, sorti chez Mirare l’an dernier, a été «bien reçu par des gens qui n’ont pas l’habitude d’aller au concert», raconte la jeune femme, grand sourire et longs cheveux bruns. «C’est le plus beau compliment que l’on puisse me faire.» Depuis la sortie du disque, elle parcourt les festivals de musique classique. Début février, à la Folle journée de Nantes, elle a donné cinq concerts en trois jours.

Directeur artistique du festival et producteur de l’album, René Martin loue le talent «tellement émouvant» de Salomé Gasselin. Il voit en elle «l’une des musiciennes les plus importantes de la jeune génération». «Il y a quelques années, la viole était quasi réservée aux ensembles. Aujourd’hui, il y a des solistes sur scène, grâce à ces jeunes musiciens qui la mettent en valeur», affirme-t-il à l’AFP.

Incarnée un temps par le gambiste Jordi Savall, interprète de la bande-son du film Tous les matins du monde d’Alain Corneau (1991), la viole de gambe «a de nouveaux visages et notamment de jeunes femmes», souligne Salomé Gasselin. «Beaucoup de gens associent la viole à ce film, qui a une esthétique noire, romantique. Mais pour moi, c’est un instrument tellement plus varié que les chants tristes», ajoute-t-elle.

En noir sur scène, la musicienne entre en salle de répétition en short gris et collants, son étui sur le dos. Le caisson blanc, bourré de tissus, protège son «bijou», une viole ancienne fabriquée en 1653. «J’ai l’impression de jouer avec toutes les personnes qui l’ont jouée avant moi. Cette connexion, ça me fait pleurer», raconte la jeune femme, grattant tout en parlant les cordes de la viole, calée entre ses genoux. Pendant la répétition, un rayon de soleil la fait changer de siège: les cordes de la viole, en boyau, se tendent et se détendent selon la température. «La chaleur suffit à désaccorder l’instrument. Moi ça me donne l’impression qu’il est comme vivant», dit-elle.

Née à Nantes, Salomé Gasselin a grandi près d’Angers, entourée d’une mère flûtiste et d’un père caméraman. Alors qu’elle vient de lâcher des cours de violon qui lui «donnent mal au ventre», elle est saisie à 10 ans par le son d’une viole de gambe et «tombe en amour» avec l’instrument. À 22 ans, alors professeure de viole à Nantes, elle quitte son poste pour continuer à se former à Salzbourg, en Autriche, auprès du gambiste Vittorio Ghielmi, «la plus grande rencontre» de sa carrière musicale.

Sur scène, elle aime jouer les Fantaisies pour violes d’Henry Purcell, les suites de William Lawes (deux compositeurs anglais du XVIIe siècle) et la musique de Jean-Sébastien Bach. «Bach a écrit un peu pour la viole, pas assez. Il y a une énergie, quelque chose de divin. Quand je l’entends j’ai envie de danser, autant qu’en boîte de nuit», sourit Salomé Gasselin.

Son agent depuis peu, Clément Ledoux, décrit une «jeune femme moderne, de son temps» qui allie sur scène «pudeur et chaleur humaine» pour nouer avec son public un «lien bluffant». Salomé Gasselin, qui interprète aussi du contemporain, aimerait travailler avec d’autres musiciens. Zaho de Sagazan, quadruple lauréate des Victoires de la musique 2024, par exemple.