Comédie de Julie Navarro, 1h43Arthur Berthier, critique rock, raccompagne une chanteuse dans sa chambre d’hôtel et ne peut l’empêcher de tout saccager. Le minibar passe par la fenêtre. La note est salée. Le rédacteur en chef d’Arthur ne compte pas payer une facture de 1 100 euros. Hippolyte Girardot a un faux air de Serge July. Le journal s’appelle L’Époque et ressemble à Libération. Arthur est relégué aux infos générales. En couvrant l’évacuation d’un camp de migrants, un CRS lui tape sur la tête à coups de matraque. Mathilde (Camille Cottin), responsable de l’association Solidarité Exilés, lui tape dans l’œil. Pour ses beaux yeux et son grand nez, Arthur accepte d’héberger Daoud, un jeune réfugié afghan. Benjamin Biolay, souvent utilisé au cinéma pour jouer les bourgeois pleutres ou salauds, se coule parfaitement dans le perfecto d’Arthur Berthier, quinqua indolent, immature et très drôle. Il picole sec, fume comme un pompier. Son appartement ressemble à la chambre d’un adolescent, vêtements éparpillés et sol jonché de boîtes de pizzas. Daoud souhaite partir en Angleterre retrouver son père. Il doit cohabiter avec ce spécimen de journaliste parisien irresponsable. Le film de migrant est devenu un genre en soi. Depuis Welcome, de Philippe Lioret, avec Vincent Lindon en maître-nageur à la piscine de Calais, les héros au grand cœur pullulent. Quelques jours pas plus, comédie sociale et romantique, est moins lénifiante. Elle est surtout beaucoup plus amusante. É.S.

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Comédie d’Olivier Ducray et Wilfried Meance, 1h17

Alors qu’une élève massacre avec application Carmen à la flûte à bec, Xavier (Bernard Campan), professeur de musique blasé l’écoute à peine, ne cherchant même pas à lutter contre la somnolence qui le gagne. Il aurait sûrement été moins pressé de voir le cours se terminer s’il avait su ce qui l’attendait chez lui. Sophie, sa femme (Isabelle Carré), a invité à dîner Adèle et Alban (Julia Faure et Pablo Pauly), leurs voisins du dessus dont l’intensité sonore des ébats nocturnes ne fait pas débat. À peine sont-ils arrivés que les premières piques fusent entre ces deux couples que tout oppose, l’un bourgeois et coincé, l’autre bien plus jeune et moins conventionnel. D’autant que la cuisson lente d’un gigot de sept heures va laisser du temps pour des préliminaires savoureux, avant que cette soirée explosive ne parte en vrille, de révélations en rebondissements. Adapté de Sentimental, un film espagnol lui-même tiré d’une pièce de théâtre, Et plus si affinités est une belle surprise. Anatomie de la vie conjugale à la mode partagée, ce vaudeville filmé à huis clos sur les désirs enfouis et l’usure amoureuse ne ménage pas ses effets, aussi drôles qu’efficaces. La mécanique est implacable, les répliques s’enchaînent et le rythme ne faiblit pas. En amuse-bouche devant les verrines, face à leurs hôtes bouche bée, Alban et Adèle confient pratiquer le « sexe en groupe », terme qu’ils préfèrent à « partouze ». Avec les entrées, une nouvelle révélation va faire grimper la folie. Personne ne sera épargné. Aucune raison de bouder son plaisir devant cette comédie théâtrale héritière de Cuisine et dépendances et du Prénom. V.B.

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Drame de Jean-Stéphane Sauvaire, 2h

Avec Black Flies, Jean-Stéphane Sauvaire, ancien assistant de Cyril Collard et de Gaspar Noé, plonge dans les entrailles sombres de New York, sa ville d’adoption. Pour y accéder, il faut suivre les ambulances des infirmiers urgentistes, roulant toutes sirènes hurlantes et gyrophares allumés dans la nuit, à l’instar d’À tombeau ouvert de Martin Scorsese. À bord de l’une d’elles, Gene Rutkovsky (Sean Penn), un vieux briscard cabossé, hanté par ce qu’il a traversé le 11 Septembre, et Ollie Cross (Tye Sheridan révélé par Spielberg dans Ready Player One), une nouvelle recrue qui rêve d’être médecin, encore bercé par ses illusions. Elles ne feront pas long feu. Dès la première mission, son estomac ne résiste pas à la vue des corps étendus, gravement blessés par balle après un règlement de comptes sanglant. Ce n’est que le premier palier d’une descente aux enfers qu’il va vivre au quotidien avec son coéquipier aguerri, cure-dent à la commissure des lèvres tel un cow-boy. Mais New York n’est pas loin du Far West où la survie est un combat. Rien n’est épargné non plus aux spectateurs. Filmé en gros plans, ce long-métrage quasi documentaire adapté de 911, le roman de Shannon Burke, est une plongée complètement immersive dans cette humanité brute. Le voyage est éprouvant mais sa sincérité nous empêche de tirer sur l’ambulance. V.B.

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Drame de Kanu Behl, 1h48

Pour un touriste, Agra est célèbre pour le Taj Mahal. Pour un Indien, c’est aussi la ville où se trouve le plus grand asile psychiatrique du pays. Le spectateur a très vite des doutes sur la santé mentale de Guru. Le jeune homme s’imagine flirter avec Mala, une de ses collègues dont il est fou amoureux. Ses hallucinations prennent un tour plus cauchemardesque quand il fornique avec un écureuil géant sur la table de la cuisine. Le plus bestial des deux n’est pas celui qu’on pourrait croire. Plus tard, il tente de violer sa cousine, à même le sol. La frustration sexuelle va de pair avec l’absence d’intimité. Guru habite toujours chez ses parents. Il vit au rez-de-chaussée avec sa mère. Son père vit à l’étage avec sa maîtresse. Il envisage de vendre la maison à une troisième femme pour pouvoir l’agrandir. Insultes, cris et coups à tous les étages. La vie de famille n’est pas un long fleuve tranquille. Guru et ses parents se déchirent pour avoir leur part d’espace vital. La corruption immobilière est un fléau aussi redoutable que la corruption policière. Kanu Behl fait durer les transactions entre Guru et les promoteurs, jeu de dupe cruel et cynique. Il n’esquive pas non plus les scènes de sexe quand Guru rencontre enfin une jeune femme. Priti, veuve et propriétaire d’un cyber-café, marche en boitant. Les deux éclopés, physiquement et psychiquement abîmés, se consolent dans des corps à corps à la crudité sans fard. La lueur d’espoir du dénouement est faible. É.S.

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Comédie d’Ethan Coen, 1h24

Que celui ayant eu l’idée de séparer les frères Coen se dénonce. Le cinéma ne lui dit pas merci. À deux, ils faisaient des étincelles. Sans Joël, Ethan lance des pétards mouillés. C’est cependant un bon mari : il a collaboré avec son épouse, Tricia Cooke. On ne dira jamais assez les méfaits du travail en couple. Les scénaristes ont une excuse : le script date d’une bonne vingtaine d’années. L’action se situe donc en 1999. Jamie, lesbienne de choc affichant un appétit d’ogre pour les parties de jambes en l’air, vient de rompre avec sa compagne. Elle la trompait. La dame, qui est flic, l’a mal pris. On la comprend. Un drame s’ajoute à la séparation : qui va garder le godemiché ? Il faudrait convoquer un juge aux affaires familiales pour dénouer cet épineux problème. Pour se changer les idées, notre délurée à bouclettes décide de quitter Philadelphie et de rejoindre Tallahassee avec une voiture de location et son amie, la timide, la réservée Marian. Cette dernière, qui aime aussi les femmes, a le tort d’être romantique. Le duo ignore que le coffre de leur véhicule renferme une cargaison dangereuse que convoitent de redoutables gangsters à leurs trousses. Le road-movie saute de motels en bars queer. Matt Damon apparaît brièvement en sénateur impliqué dans un scandale sexuel. Des intermèdes psychédéliques ponctuent ce voyage chaotique dont les roues patinent dans le vide. Cadrages de travers, messages laissés sur des répondeurs téléphoniques, humour forcé, le résultat, qui est plat comme une route déserte, provoque un triste sentiment de déjà-vu. É.N.

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