Silence, on travaille ! Cinq ans jour pour jour après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, ni la ministre de la Culture ni le président de la République ne sont attendus au chevet de la cathédrale. L’objectif est désormais focalisé sur les 7 et 8 décembre prochains, moments où le président de la République « remettra » l’édifice à l’Archevêque de Paris, qui en est affectataire, et où le public pourra entrer dans les lieux spectaculairement restaurés.

D’ici là, sur place, «la pression monte, chaque heure va compter », juge Rémi Fromont, un des trois architectes en chef au chevet de la cathédrale. Depuis 2019, et au fur et à mesure des travaux, « certains corps de métiers ont quitté le chantier, d’autres l’ont rejoint ; Mais l’unité, la fierté, l’entraide, et la cohésion qui font l’état d’esprit « Notre-Dame » sont plus que jamais présentes », affirme de son côté Philippe Jost, président de l’Établissement public pour la restauration de Notre-Dame. À huit mois de la réouverture, nous faisons le point sur les questions que l’on se pose.

Les charpentes de la nef, du chœur et de la flèche ont été reconstruites à l’identique en chêne massif, et la flèche a partiellement retrouvé sa couverture en plomb, ainsi que sa croix et un nouveau coq. Murs, parements, sculptures et vitraux ont été restaurés ou nettoyés.

Pour les 8 mois à venir, plusieurs centaines de salariés et de compagnons seront encore à l’œuvre, sur le chantier ou dans des ateliers. D’ici l’été, la grande restauration des couvertures en plomb des toitures de la nef, et du chœur va se dérouler, les couvreurs posant une à une les deux mille tables de plomb. Un ballet d’échafaudages, montés et démontés au gré des urgences, va évoluer autour d’ici décembre. Avec un temps fort au moment de la restauration de la voûte de la croisée du transept, qui n’était plus qu’un trou béant au lendemain de l’incendie.

À l’intérieur, le nettoyage des murs et des décors est quasiment achevé, des restaurateurs poursuivant leurs tâches dans les chapelles. La restauration des sols en marbre et en calcaire se poursuit, et une des grandes tâches, d’ici décembre, sera de refaire toutes les installations électriques et les dispositifs techniques. Un système anti-incendie (brumisateur, porte coupe-feu) a été mis en place dans la charpente.

Le Diocèse, quant à lui, a un lourd chantier dans le chantier devant lui : installation du nouveau mobilier liturgique, des chaises et de la nouvelle chasse reliquaire pour la couronne d’épine du Christ, nouvelle scénographie pour le trésor, installation de 1600 points de lumière et de 120 enceintes…

Annoncé par le président de la République en décembre dernier, et soutenu par l’archevêque de Paris, monseigneur Ulrich, le principe d’un concours pour la création de vitraux contemporains dans les six chapelles du bas-côté Sud de la nef, est en train de prendre forme. Début mars, un comité artistique, présidé par l’ancien directeur du musée national d’art moderne, Bernard Blistène, et composé de 20 personnalités, a été installé par la ministre de la Culture, Rachida Dati. Le 10 mai, un appel à candidatures a été publié, précisant que les postulants – un artiste et un maître verrier- avaient jusqu’au 24 mai pour déposer leur dossier. Leur projet doit être figuratif, et concerner la Pentecôte et l’esprit saint. Un binôme lauréat sera retenu à l’automne, afin de présenter au public un prototype lors de la réouverture de la cathédrale. D’ici là, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), composé d’une quarantaine d’experts, doit se prononcer en mai.

Depuis l’annonce du concours, une opposition se fait entendre, et une pétition a rassemblé 140 000 signataires. Les opposants entendent faire respecter l’héritage d’Eugène Viollet-le-Duc, qui avait imaginé, entre 1855 et 1865, les vitraux des six chapelles destinés à être remplacés. Ces vitraux contemporains ne devraient toutefois pas être installés dans la cathédrale avant 2026.

Avant l’incendie, on estimait que 12 millions de visiteurs se rendaient chaque année à Notre-Dame de Paris. Avec 2000 célébrations par an, la cathédrale était une ruche permanente. Après cinq ans de fermeture, le Diocèse de Paris s’attend à une fréquentation record, ce qui pourrait poser des problèmes. «La jauge maximum pour l’édifice est de 3000 personnes, et il paraît difficile d’aller au-delà de 15 millions de visiteurs par an », concède Philippe Jost. Une réflexion est en cours pour instaurer une « gestion dynamique » des flux, comme dans les grands sites touristiques. Plusieurs options sont sur la table – réservation de créneaux de visites sur internet ou sur place, horaires spécifiques pour les groupes, visites touristiques limitées au moment des messes. « Un groupe de travail dédié, veille à la mise en place d’une série d’outils pour minimiser les attentes, faciliter les accès, fluidifier la visite et accompagner la redécouverte de la Cathédrale, avec des guides ou des applications numériques », indique-t-on au Diocèse de Paris.

Dès décembre 2024, on entrera par les trois portails, y compris celui au centre, et la circulation des flux devrait être mieux organisée. À l’intérieur, une signalétique nouvelle doit être mise en place. À horizon 2028, le parvis de la cathédrale doit être entièrement reconfiguré, la ville de Paris ayant confié un vaste projet au paysagiste Bas Smets – avec l’agence d’architecte et d’urbaniste GRAU, et celle d’architecture Neufville-Gayet. Bas Smets prévoit notamment une « promenade intérieure » dans l’ancien parking souterrain situé sous l’actuel parvis. Sur 3000 mètres carrés, des espaces d’accueil et des sanitaires devraient permettre d’absorber une partie des visiteurs et de limiter les files d’attente sous la pluie ou le soleil.

Ce n’est un mystère pour personne, Paris devrait être embolisé à partir de juin pour cause de Jeux Olympiques. Il n’y aura toutefois pas de trêve pour la cathédrale, tout orientée vers la réouverture du mois de décembre. Pour les approvisionnements de matériaux, dont les tubes d’acier nécessaires à la construction d’échafaudages, l’Établissement public s’est rapproché de la Préfecture de Police et de la Préfecture régionale d’île de France. Ces dernières ont assuré qu’elles sécuriseraient l’accès au chantier.

Au milieu de cette tourmente, les centaines de salariés et compagnons du chantier devraient être mises à rude épreuve. Ceux dont les entreprises sont installées en province devront trouver les moyens de se loger à Paris, sans faire exploser leur budget. Ceux habitant en île de France devront courber l’échine pour trouver une place dans les RER et les métros bondés.

Le 8, l’édifice sera rendu au culte et à la visite. Et ensuite ? Voilà plusieurs mois que l’Établissement public a indiqué que les travaux devraient se poursuivre pendant plusieurs années. Sur les 845 millions d’euros récoltés grâce aux 340 000 donateurs et mécènes, un peu moins de 700 millions devraient être dépensés d’ici la fin décembre 2024. En mars dernier, devant les sénateurs, puis les députés, Philippe Jost a expliqué que les grands mécènes avaient donné leur accord pour que le reliquat d’argent versé pour la restauration des dégâts de l’incendie soit consacré à d’autres travaux. La restauration du chevet, de la sacristie, du presbytère ainsi que des grandes roses (qui n’ont pas été touchées par l’incendie) est donc prévue. Le calendrier n’est pas encore fixé, mais on évoque plusieurs années pendant lesquelles Notre-Dame restera en chantier.

Après les JO, le projet du paysagiste Bas Smets devrait être mis en œuvre. Il concerne les espaces du parvis, y compris souterrains (3000 mètres carrés en lieu et place d’un parking désaffecté), mais aussi les squares Jean XXIII et île de France. En tout, 4,5 hectares autour de l’édifice devraient être reconfigurés, d’après le projet présenté en 2022. Les travaux seront financés par la Mairie de Paris, à hauteur de 50 millions d’euros.