La France meilleure que son voisin allemand sur les énergies renouvelables ? C’est ce qu’a affirmé Agnès Pannier-Runacher ce mercredi matin sur Franceinfo, au lendemain d’un accord entre les Vingt-Sept sur une réforme du marché européen de l’électricité. «Pour rappeler une chose, la France aujourd’hui a plus d’énergie renouvelable dans sa consommation finale que les Allemands», a soutenu la ministre de la Transition énergétique. Dit-elle vrai ?
Les dernières données sur le sujet dont dispose Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, remontent à 2021. Et elles montrent en effet que Paris fait un tout petit peu mieux que Berlin en la matière. Cette année-là, en France, 19,3% de l’énergie consommée était produite à partir de sources renouvelables (éolien, solaire, hydraulique, bois…). Soit seulement 0,1% de plus qu’en Allemagne (19,2%).
Les données pour l’année 2022 seront publiées par Eurostat vers la mi-décembre. Néanmoins, France comme Allemagne ont déjà publié leurs propres estimations – calculées selon les conventions européennes. Et là encore, très léger avantage à la France. Le ministère de la Transition énergétique français évalue à 20,7% la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie – soit la somme de la consommation finale dans l’industrie, le transport, les services, le résidentiel et l’agriculture-pêche, la production d’électricité et la production de chaleur vendue – en France l’année dernière. Tandis que le Bureau fédéral allemand de l’environnement l’estime à 20,4%.
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Pour Thomas Pellerin-Carlin, aucune raison de sauter de joie. Cet avantage de la France sur l’Allemagne s’explique principalement, selon ce chercheur en politique européenne de l’énergie, par les différences géographiques entre les deux pays. «Environ la moitié de l’énergie finale consommée en France vient du bois. Or, la France a plus de forêts que l’Allemagne, en raison de sa superficie supérieure», souligne le directeur de programme à l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). De même pour l’hydroélectricité, «première source d’électricité renouvelable en France grâce à la présence importante de fleuves et de montagnes dans notre pays», ajoute l’expert. En revanche, sur le solaire ou l’éolien, fruits de véritables choix politiques, «la France est loin derrière l’Allemagne», note Thomas Pellerin-Carlin.
Par ailleurs, si le gouvernement français peut, factuellement, se féliciter de faire un peu mieux que son partenaire allemand sur les énergies renouvelables, l’Hexagone reste à la traîne en Europe lorsque l’on élargit la focale à l’ensemble du continent. En 2021, selon Eurostat, la moyenne dans l’UE s’établissait en effet à 21,8%. Paris demeure par exemple très loin de la Suède (62,6 %), la Finlande (43,1 %), la Lettonie (42,1 %), l’Estonie (38%) ou l’Autriche (36,4%). Elle se situe en revanche à peu près au même niveau que les deux autres grandes puissances d’Europe de l’Ouest que sont l’Italie (19%) et l’Espagne (20,7%).
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De même, se comparer à l’Allemagne ne doit pas empêcher de constater que la France n’a pas atteint ses objectifs en matière de développement des énergies renouvelables. Elle est même le seul pays de l’UE à avoir manqué l’objectif qu’elle s’était fixé pour 2020, dans le cadre du «paquet énergie-climat 2020» européen, soit 23% de sa consommation finale énergétique. Cette année-là, elle avait atteint seulement 19,1%. Et deux ans plus tard, en 2022, cette part n’est toujours pas atteinte. Il est toutefois important de noter que plusieurs autres pays européens ont eu recours à des transferts statistiques en provenance d’États excédentaires pour atteindre leurs objectifs. Ce que la France a refusé de faire. «En 2010, nous avions fixé un objectif très ambitieux pour 2020, plus élevé que celui de l’Allemagne, qui était de 19%», se défend-on du côté du ministère de la Transition énergétique.
Début 2022, lorsque les données de l’année 2020 avaient été rendues publiques, l’exécutif français avait tout de même reconnu être «en retard», tout en mettant en avant une «accélération» du développement des énergies renouvelables pendant le quinquennat. «La dynamique est là», assurait-on. Depuis, notamment, le gouvernement a porté une loi «pour l’accélération de la production d’énergies renouvelables», adoptée en début d’année 2023.
Face à ces chiffres, «il serait fort de café d’avoir un discours laissant croire que la France est une très bonne élève en matière de renouvelables», juge Thomas Pellerin-Carlin. Et il va falloir encore accélérer leur déploiement si la France veut être à l’heure à son ambition de 2030, que la loi énergie-climat de 2019 a fixée à 33%. Et qui devrait être prochainement rehaussé pour correspondre au nouvel objectif européen, entériné ce mois-ci, de 42,5% de renouvelables à l’échelle de l’UE d’ici 2030 (contre 32% jusque-là). «Ce travail est en train d’être mené dans le cadre de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie», souligne-t-on au cabinet d’Agnès Pannier-Runacher.
En résumé, Agnès Pannier-Runacher a factuellement raison lorsqu’elle affirme que la France fait mieux que l’Allemagne sur la part de renouvelables dans la consommation finale d’énergie. Il convient toutefois de remettre ce constat en perspective. À l’échelle européenne, Paris reste à la traîne. La France est même le seul pays de l’UE en 2020 à ne pas avoir atteint son objectif de déploiement des renouvelables.