Eliminés en quart de finale de la Coupe du monde par l’Angleterre après une fin de match à suspense (30-24), les Fidjiens peuvent être fiers d’eux. Fiers d’avoir atteint ce stade de la compétition pour la troisième fois de leur histoire seulement, après 1987 et 2007. Fiers d’avoir fait vibrer des millions de spectateurs et télespectateurs avec leur jeu spectaculaire. Fiers d’avoir battu l’Australie en poules, et d’avoir fait trembler les Anglais jusqu’au bout.
Rassemblés au centre du terrain du Vélodrome après leur défaite, les hommes du Pacifique ont «évoqué le chemin parcouru», a expliqué le deuxième-ligne Isoa Nasilasila. Il y a des leçons à tirer des victoires et des défaites. On va se servir de tout ce qu’on a vécu.» Voici cinq leçons à tirer pour permettre aux «Flying Fijians» de casser le plafond de verre lors du prochain Mondial.
Frank Lomani, le demi de mêlée fidjien (27 ans), termine la compétition avec 73% de réussite au pied. Un pourcentage insuffisant, quand les meilleurs buteurs du monde tournent plutôt aux alentours de 85 voire 90%. Dimanche, il laisse filer six points… Soit l’écart entre les deux équipes à la fin du match. Son remplaçant, Simione Kuruvoli, n’a pas fait beaucoup mieux avec un coup de pied manqué sur trois.
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«On n’a pas su saisir toutes nos occasions et on l’a payé», résumait le sélectionneur Simon Raiwalui après la rencontre. Et c’est bien dommage, compte tenu des qualités offensives de ses hommes. Les Fidji ont affiché le meilleur taux d’occupation du camp adverse lors de la phase de poules (56.4%), mais avec un rendement de seulement 1,7 point par incursion, soit la deuxième plus faible moyenne. Certes, ce n’est pas dû uniquement à l’inefficacité au pied. Mais les hommes du Pacifique indiqueraient peut-être davantage les perches s’ils pouvaient se reposer sur un buteur de classe internationale, capable de concrétiser leurs temps forts.
Avant leur quart de finale, les Fidjiens n’étaient pas dans le fond du classement de cette Coupe du monde en termes de pénalités concédées. Mais dimanche, face au XV de la Rose, ils ont été réprimandés à douze reprises. Lorsqu’il passe à deux chiffres, cet indicateur est rarement bon signe. «On a été trop permissifs sur l’entame, on leur a donné beaucoup de pénalités, concédait l’ailier Semi Radradra à la fin de la rencontre. Surtout en quart de finale, face à une grande nation du Tier 1, on ne peut pas leur donner des pénalités deux fois de suite. C’est ce qui nous a coûté la première moitié du match.»
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Même son de cloche du côté du sélectionneur : «On n’a pas réussi à mettre notre jeu en place en première mi-temps, on a pris des pénalités et on a été pénalisés dans les rucks.» Ses hommes ont par ailleurs écopé de quatre cartons jaunes dans cette édition, leur plus mauvais bilan en la matière. Face à des équipes pragmatiques dans la prise de points et des buteurs de la trempe d’Owen Farrell, l’indiscipline se paye cash.
Les Fidji ont rallié les quarts de finale en ayant perdu deux matches de poules, ce que seuls les Fidji eux-mêmes en 1987 et la France en 2011 étaient parvenus à faire. Ils ont pourtant réussi l’exploit de battre l’Australie (15-22), mais ont curieusement chuté ensuite contre le Portugal (23-24). Le signe d’un manque de constance d’une rencontre à l’autre… mais aussi pendant les matches.
Après une première mi-temps ratée contre les Anglais, les coéquipiers de Josua Tuisova ont produit un rugby tout feu tout flamme pendant dix minutes, inscrivant deux essais coup sur coup (64e et 68e). Avant de s’éteindre à nouveau. Simon Raiwalui apprécierait sans doute de ne plus voir son équipe sur un tel courant alternatif. Ce qui lui éviterait quelques sueurs froides. Depuis le début de la compétition, tous matches des hommes du Pacifique se sont soldés par un écart de sept points ou moins.
Les Fidji, c’est un style. Un style inspiré du Rugby à 7, discipline dans laquelle les ressortissants excellent. Une volonté de jouer debout, au large, avec de la vitesse, des redoublements, des passes après contact. Le tout porté par certains des meilleurs trois-quarts du monde, de Semi Radradra à Josua Tuisova, en passant par le capitaine Waisea Nayacalevu. Dimanche face au XV de la Rose, ce rugby-là n’a vu le jour que dix minutes, le temps d’inscrire deux essais et de revenir à hauteur.
«On a vu en seconde mi-temps, quand il y a eu de l’impact, des passes après contact, c’était le style fidjien. Et on a marqué deux essais», analyse le troisième-ligne aile Meli Derenalagi. Mais lorsque cela ne fonctionne pas, comme en première mi-temps, les hommes de Simon Raiwalui sont déstabilisés, voire impuissants. Et sans doute gagneraient-ils à davantage varier lors de leurs temps de leurs phases de possession. Une statistique marquante : les Fidjiens ont lancé huit touches à 10 mètres de la ligne d’en-but adverse durant la compétition, mais cela n’a abouti qu’à un seul essai. Trop prévisibles, sans doute.
Après la défaite de dimanche, la fierté prenait le pas sur la déception dans les rangs fidjiens. Et plus que la fierté, l’espoir. Simon Raiwalui et son staff se projettent déjà sur les prochaines échéances avec ce groupe qui, en l’espace d’un mois, est devenu une grande famille, unie, soudée. «Avec notre manager de la performance, on a tout fait pour instaurer une dynamique de succès sur le long terme et on a eu l’aide de World Rugby. Tout est en bonne voie, explique le sélectionneur. On a bien progressé ces dernières années et ça va continuer ainsi, en vue de 2027 et 2031. Si on arrive à mettre en place de bonnes infrastructures et si on se recentre sur les projets à long terme, on y arrivera.»
Le fer de lance du projet doit être les Fijian Drua, franchise professionnelle fondée en 2017 et qui a fourni 16 joueurs à l’équipe nationale pour cette Coupe du monde. Depuis 2022, l’équipe évolue en Super Rugby où elle affronte durant la saison les meilleures franchises néo-zélandaises et australiennes. Onzièmes sur douze en 2022, septièmes en 2023, les Fijian Drua progressent et continueront à le faire en se frottant chaque semaine à des adversaires de niveau international.