Sa parole était attendue. Six jours après le recours à l’article 49-3 par le gouvernement pour adopter la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, la contestation reste vive. Les grèves et les blocages se poursuivent dans de nombreux secteurs et une nouvelle journée de mobilisation est prévue jeudi. Emmanuel Macron comptait sur cet entretien télévisé à 13 heures ce mercredi pour apaiser les tensions.
Emmanuel Macron interpelle : «Est-ce que vous ne pensez pas que j’aurais pu faire comme ceux avant moi en mettant la poussière sous le tapis? Oui». Le chef de l’État rappelle que les retraités vont être, à l’avenir, de plus en plus nombreux : «On vit, et c’est une chance de plus en plus tard. Est-ce que vous pensez qu’on peut continuer avec les mêmes règles? Il n’y a pas 36 solutions. Si on veut que le régime soit équilibré, cette réforme est nécessaire».
Le président a souhaité «clarifier» ses propos tenus mardi devant les parlementaires de la majorité, désignant «la foule» de manifestants comme n’ayant pas de «légitimité démocratique ». Devant les journalistes, Emmanuel Macron a affirmé «respecter» les «syndicats qui ont une légitimité», et «défendent leurs points de vue» comme cela est «protégé par la Constitution». Il a en revanche dénoncé les «groupes» qui «utilisent l’extrême violence pour agresser des élus de la République». Ceux-là mêmes dont il considère que «ça n’est plus la République».
Pour Emmanuel Macron, la mise en place de la réforme doit avoir lieu «d’ici la fin de l’année». Une nécessité pour «que les choses rentrent en place, pour que 1,8 million de nos compatriotes puissent avoir leur pension qui commence à être augmentée», évoquant le chiffre d’«environ 600 € par an en moyenne».
Emmanuel Macron «regrette» qu’«aucune force syndicale n’ait proposé un compromis». Le chef de l’État vise notamment le patron de la CFDT, Laurent Berger, habituellement enclin à travailler avec l’exécutif. Selon le président, le compromis a à l’inverse été «proposé par le gouvernement», par le biais des concertations menées en amont de l’examen du texte, et ensuite «fait par le Parlement». Emmanuel Macron a souhaité, malgré ce constat, vouloir rétablir «l’ordre républicain», appelant à «un chemin» et à ce «qu’on se retrouve autour de la table ».
«S’il faut derrière endosser l’impopularité aujourd’hui, je l’endosserai», assure Emmanuel Macron. Le chef de l’État dit «choisir l’intérêt général» plutôt que «les sondages et le court terme», alors qu’il a vu sa cote de popularité chuter à 28% de satisfaits, dans le dernier baromètre mensuel Ifop pour Le Journal du dimanche. Un niveau au plus bas depuis la crise des «gilets jaunes».
Face aux blocages dans certains secteurs qui perdurent, Emmanuel Macron a appelé «à les lever quand ils empêchent l’activité normale». «J’ai demandé au gouvernement de négocier au maximum, puis de réquisitionner, comme on l’a fait sur les ordures ménagères et les raffineries», a-t-il expliqué, précisant que les «manifestations organisées» sont «légitimes».
Alors qu’un texte sur les questions migratoires devait arriver mardi dans l’Hémicycle du Sénat, Emmanuel Macron a indiqué qu’il faudra s’attendre à un découpage de la loi, avec «plusieurs textes». «Ils arriveront dans les prochaines semaines», a-t-il prévenu. Manière de signifier que l’examen du projet de loi est reporté.
«Il y a quand même un peu un cynisme à l’œuvre quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu’ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions», a estimé Emmanuel Macron. Le chef de l’État a ainsi annoncé qu’il allait demander «au gouvernement de pouvoir travailler à une contribution exceptionnelle pour que cet argent, quand il y a des profits exceptionnels d’entreprises qui sont prêts à racheter leurs propres actions, que leurs travailleurs puissent en profiter». «Il faut qu’elles distribuent davantage à leurs salariés et il faut qu’il y ait une contribution à cet effort du moment», a-t-il ajouté.
Avec le rejet, même de peu, de la motion de censure contre le gouvernement, «il a été montré qu’il n’y avait pas de majorité alternative», a commenté Emmanuel Macron. Lequel a donc renouvelé sa confiance en sa première ministre. Il formule toutefois une demande : bâtir «un programme législatif et un programme de gouvernement». Il faudra pour cela «moins de textes de lois, des textes plus courts, plus clairs», et une volonté d’«élargir» la majorité «autant qu’elle le pourra», a insisté le chef de l’État. En prenant toutefois ses distances avec le principe d’un «gouvernement de coalition»,défendu mardi dans Le Figaro par son ex-premier ministre, Edouard Philippe.
Sur le travail, Emmanuel Macron «souhaite qu’on réengage avec les partenaires sociaux sur des sujets concrets : l’usure professionnelle, les reconversions en fin de carrière…». «On a commencé à faire des choses », a-t-il souligné, mais «ces réponses ne sont pas suffisamment fortes et tangibles, on doit aller beaucoup plus loin», a-t-il reconnu. Le président de la République a également fait part de sa volonté de travailler avec les partenaires sociaux sur les minima de branche dans certains métiers, «qui sont en dessous du minimum légal». Sur tous ces sujets, «donnons-nous trois semaines-un mois pour définir ces objets, la méthode et engager» le dialogue, a-t-il ajouté.