Le contenu de nos assiettes en dit plus sur nous que ce que nous croyons. La preuve avec un nouveau rapport de l’Insee, publié ce mardi, qui s’intéresse entre autres à l’évolution des consommations alimentaires des Français. Et montre des différences non négligeables en fonction des revenus des ménages, ou encore en fonction des régions. Dans son rapport, réalisé avec le Service de la Statistique et de la Prospective (SSP) du ministère de l’Agriculture, l’Insee pose d’abord le constat général : «La répartition des dépenses des ménages en produits alimentaires par grands postes a peu évolué en dix ans», soit entre 2009 et 2019. Les produits carnés, notamment la viande de boucherie, demeurent le principal poste de dépenses alimentaires (23%), devant les produits laitiers (15%) et les pains et céréales (10%).
Toutefois, les produits carnés perdent du terrain, de même que les produits laitiers. Les premiers ont vu leur part dans le budget alimentaire des Français baisser de 1,8 point en dix ans, les seconds de 2,9 points. Côté boissons, la part consacrée aux boissons alcoolisées diminue également (‑0,6 point). Principaux bénéficiaires de ces nouveaux arbitrages, les fruits et légumes ( 1,0 point pour les fruits et 0,7 point pour les légumes), devant les pains et céréales ( 0,6 point).
Mais le plus intéressant n’est pas là. Lorsque l’on entre davantage dans le détail des données, on se rend compte, comme le souligne l’Insee, que «la consommation des ménages diffère selon les revenus». Avec donc des ménages «aisés» (les 15% des ménages les plus riches) qui consacrent une part plus importante de leur budget aux produits aquatiques (10% contre 8%) et aux fruits (9% contre 7%) que la moyenne, et moins aux pains et céréales (hors dépenses en boulangeries) et aux produits carnés. Du côté des ménages «modestes» (les 15% des foyers les plus pauvres), on consomme plus de pains et céréales que la moyenne ( 2,8 points), au détriment des fruits et légumes (-2,9 points).
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Et si l’on regarde l’évolution de la structure du budget alimentaire des ménages depuis 2009, des tendances lourdes sont observées. Par exemple, les ménages modestes affectent une part croissante de leur budget alimentaire aux pains et céréales ( 1,6 point en dix ans), avec une hausse significative des quantités de pâtisseries achetées ( 60% en dix ans) et de pains ( 41%). Pour les ménages aisés, l’évolution la plus notable concerne les fruits et légumes, dont la part dans le budget alimentaire a gagné trois points en dix ans – principalement grâce aux fruits. Dans le détail, leur consommation de fruits exotiques a explosé de 38% entre 2009 et 2019, et celle d’agrumes de 16%. Quant aux ménages modestes, ils ont particulièrement diminué leurs quantités achetées de fruits frais tempérés (‑21%), qui regroupent les abricots, les fraises, les poires et autres pommes.
En revanche, que ce soit pour les produits carnés, les produits laitiers ou les boissons alcoolisées, les parts consacrées à ces catégories dans le budget alimentaire des Français «reculent globalement pour tous les ménages, quel que soit le niveau de revenu», observe l’Insee. Par exemple, la consommation de viande de boucherie a nettement baissé pour tous les types de ménages (‑17%), des plus aisés (‑16%) aux plus modestes (‑23%).
Côté boissons, «des disparités existent en volume selon les catégories de revenus des ménages, mais aussi selon les types de boissons (alcoolisées, chaudes ou froides)», note l’Insee. L’institut de la statistique indique par exemple que les boissons alcoolisées représentent 6% du budget alimentaire des ménages modestes en 2019, contre 9% pour les ménages aisés. Si les ventes de bières bondissent pour tous les ménages, les achats de vins tranquilles (non effervescents) ont baissé drastiquement pour les ménages les plus pauvres en l’espace de dix ans (-25%), quand ils ont augmenté de près de 10% pour les foyers les plus fortunés.
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Au rayon des boissons chaudes (café, thé, cacao…), les ménages aisés se font beaucoup plus plaisir : ils y dépensent près de 30% de plus que la moyenne, quand les ménages modestes dépensent globalement moins que la moyenne. Enfin, pour les boissons froides sans alcool, «les ménages aisés consomment davantage d’eaux en bouteille et de jus de fruits et moins de boissons rafraîchissantes sans alcool que les ménages modestes». La situation est totalement inverse pour les ménages modestes.
De la même manière, on ne consomme pas de la même façon en Bretagne ou sur la Côte d’Azur. Par exemple, le recul de la consommation de viande observé au niveau national est plus fort en région parisienne (-13%). À l’inverse, dans l’Ouest et le Sud‑Ouest, «la baisse de produits carnés est moindre», pointe l’Insee, avec la consommation qui «augmente pour tous les produits, sauf pour les viandes fraîches de boucherie (respectivement ‑14% et ‑13%)». Pour les fruits et légumes, si les volumes achetés augmentent au niveau national (mention spéciale au Centre-Est, avec une hausse de 10%), ce n’est pas le cas dans le Nord (‑6% de légumes frais et ‑2% de fruits frais). En revanche, les ménages du Nord sont ceux qui consomment le plus de pommes de terre (fraîches et surgelées), «avec 46 kg achetés par ménage en moyenne triennale» (calculées de 2008 à 2010 pour l’année 2009 et de 2018 à 2020 pour l’année 2019).
Pour les matières grasses, c’est sans surprise dans l’Ouest que la consommation de beurre est la plus élevée (8 kg par ménage en moyenne triennale). Les ménages du Sud‑Ouest et du Sud‑Est sont eux les plus consommateurs d’huiles (quasiment 9 litres par ménage en moyenne triennale), même si leur consommation diminue au‑delà de la moyenne nationale depuis dix ans (‑11%, contre ‑9% au niveau national). Enfin, rayons boissons, le Nord reste la région la plus consommatrice de bière (37 litres par ménage et par an en moyenne triennale), bien que ce soit dans le Sud-Ouest que les quantités consommées augmentent le plus ( 61%). Les quantités achetées de vins tranquilles augmentent particulièrement dans le Sud‑Est et l’Ouest ( 11 %) et en région parisienne ( 6 %). Pour les spiritueux, si la consommation nationale est en baisse, le Sud-Ouest fait exception, avec une hausse de 25% en dix ans. Le tout sans prendre la place de région la plus consommatrice, qui appartient toujours au Nord (8 litres par ménage en moyenne triennale).