Son enquête a eu l’effet d’une bombe dans le débat public. En 38 chapitres et près de 400 pages, Les Fossoyeurs de Victor Castanet documentait avec une précision chirurgicale les odieuses pratiques des Ehpad Orpea. En résumé, maltraitance et mégotage. Un an plus tard, au jour près, le journaliste qui a reçu depuis le prix Albert Londres publie ce mercredi une version augmentée de son livre. Dix chapitres supplémentaires pour raconter les coulisses scabreuses de la publication de son enquête.
Victor Castanet revient d’abord sur les manigances à la petite semaine dont il a été l’objet. Il avait déjà raconté le bâillon de 15 millions d’euros proposé – en vain – par Orpea avant la publication de l’ouvrage. Le journaliste renseigne cette fois sur «l’étrange partie d’échecs souterraine» qui s’est jouée pour contrer son enquête, à grand renfort de sociétés d’intelligence économique, d’agences de communication, voire d’appuis politiques.
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Victor Castanet dénonce nommément les pratiques de Jean-Louis Borloo ou encore Cyril Hanouna. Ce dernier a organisé un sondage peu après la publication du livre en direct de son émission sur D8 : s’agit-il d’«accusations infondées», demande-t-il aux téléspectateurs, qui répondent positivement à plus de 70%. La version augmentée de l’enquête raconte comment ce sondage aurait été truqué à l’initiative d’Orpea et avec le concours d’experts en réputation numérique, selon l’auteur du livre. Quant à l’ancien ministre, il aurait soufflé des conseils à Sophie Boissard, dirigeante de Korian et ancienne collaboratrice de Jean-Louis Borloo, parmi lesquels de ne pas répondre aux questions du journaliste. L’intéressé dément.
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Quittant le champ économique, Victor Castanet écrit également sur les conséquences politiques provoquées par son enquête. En pleine campagne présidentielle, Emmanuel Macron et ses équipes s’inquiètent, selon lui, de la faiblesse du bilan du président sortant en matière de grand âge, en particulier la loi sur la dépendance promise au début du premier quinquennat et enterrée entre-temps. Pour preuve, selon Victor Castanet, les efforts redoublés de l’entourage du président pour empêcher l’ouverture d’une enquête parlementaire sur Orpea. Quant aux contrôles de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans les Ehpad Orpea, diligentés par l’exécutif, ils sont très sévèrement jugés par l’auteur.
Le nouveau directeur général d’Orpea Laurent Guillot a réagi mercredi matin sur France Info à ce nouveau coup de semonce du journaliste Victor Castanet. Les nouvelles révélations visent, selon lui, «les pratiques des anciens dirigeants» et «concernent le passé». «Moi je suis là pour m’occuper plutôt de l’avenir et du présent», a-t-il affirmé, après avoir rappelé que 30 cadres dirigeants ont été écartés après la publication de l’enquête pour faire table rase des mauvaises pratiques. «Nous avons énormément changé ces derniers mois», a martelé le nouveau directeur général d’Orpea.