Derrière ces quatre lettres, initiale de «Comprehensive Economic and Trade Agreement», ou «Accord économique et commercial global» en Français, se cache un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada dont les négociations ont débuté en 2009.
Dans ses 2344 pages, cet accord «vise à éliminer la quasi-totalité – plus de 99% – des droits de douane entre les deux blocs», détaille le ministère de l’Agriculture sur son site internet. Le Ceta ne se cantonne pas à supprimer les droits de douane. Il doit faciliter l’accès aux marchés publics canadiens en ouvrant 30% de ceux-ci aux entreprises européennes, contre 10% auparavant. En parallèle, il «ouvre le marché canadien des services» et facilite les investissements européens outre-Atlantique. Côté agricole, il modifie également les quotas d’importation de produits agricoles canadiens dans l’Union, pour favoriser les échanges tout en protégeant ces filières sensibles.
Plus de 90% des dispositions prévues par le Ceta sont… déjà entrées en vigueur depuis 2017. Les échanges entre l’UE et le Canada ont augmenté de l’ordre de 50%. De son côté, la France exporte plus de vin, de fromage ou de parfum qu’auparavant. En retour, les importations de minéraux et des métaux rares en provenance du Canada ont augmenté. «Le Ceta entre l’UE et le Canada a permis en six ans d’augmenter de 33 % les exportations françaises vers le Canada. Si on prend l’agriculture, les excédents de la balance commerciale, c’est-à-dire la différence entre les exportations et les importations, sont très largement en augmentation : en hausse de presque 400 millions d’euros en six ans », affirmait Franck Riester, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères lors du Salon de l’agriculture en février dernier.
Seuls deux chapitres, qui relèvent de la compétence partagée de l’UE et des instances nationales, ne sont pas encore entrés en vigueur. Ils concernent les investissements et le règlement des différends entre des entreprises européennes et canadiennes. Pour l’application de ces dernières mesures, le texte a besoin d’une ratification de chacun des parlements régionaux et nationaux de l’Union européenne. Or, le Sénat n’a pas donné son feu vert.
Le Ceta est fortement critiqué, notamment par les éleveurs français qui épinglent des importations de viande à des coûts de revient bien inférieurs aux leurs et avec des méthodes moins strictes que celles auxquelles ils sont soumis. En tout état de cause, le bœuf canadien n’a pour l’instant pas déferlé sur l’Europe: l’UE a importé 1360 tonnes l’an dernier contre 340 tonnes en 2016, et la France moins de 30 tonnes en 2023, bien loin des exportations de bœuf européen.
Certaines ONG écologistes dénoncent également le manque d’engagements contre le dérèglement climatique dans l’accord. «L’ADN de l’accord est incompatible avec les accords de Paris», affirme Mathilde Dupré, codirectrice de l’institut Veblen et autrice en janvier d’un bilan critique du Ceta. Selon elle, le traité a d’abord permis de dynamiser le commerce sur des produits polluants à l’instar des véhicules et des hydrocarbures. Déjà en 2017, un rapport d’experts nommés par le gouvernement français pointait le «manque d’ambition» du texte de 2.300 pages, assorties d’«aucun engagement contraignant» en matière climatique.
Après ce refus du Sénat, l’accord ne sera pas renégocié. Le texte sera renvoyé à l’Assemblée nationale et pourrait être rejeté définitivement par la France si Paris va jusqu’au bout de la démarche. En juillet 2020, le gouvernement de Chypre a déjà rejeté le processus de ratification, mais le gouvernement ne l’a jamais notifié à la Commission européenne, ce qui permet à l’accord de continuer à s’appliquer. En attendant, le Ceta devra tout de même être appliqué. Mais la Commission européenne n’a pas de juridiction de sanction. Dans les faits, certaines normes pourraient donc ne pas être appliquées en France. Pour seul recours, le Canada aurait la possibilité de porter plainte à l’OMC pour non-respect de l’accord.