Baptême du feu pour le nouveau premier ministre. Nommé il y a un peu plus de deux semaines, Gabriel Attal fait face, depuis quelques jours, à sa première contestation sociale : celle des agriculteurs. Colère qui a été nourrie, selon les principaux concernés, par des réglementations, notamment environnementales, trop contraignantes, des revenus qu’ils estiment trop faibles, ou encore une paperasserie très astreignante. Alors que le monde agricole a multiplié les blocages d’autoroutes, les dégradations de bâtiments publics ou de grandes surfaces, donnant l’impression que le mouvement s’est durci, la FNSEA a listé toute une série de revendications, dont des aides «immédiates».

Après quelques jours d’arbitrages, le chef du gouvernement, aux côtés de Marc Fesneau et de Christophe Béchu, s’est finalement rendu vendredi après-midi dans une exploitation bovine de Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne). Espace où il a échangé avec une quarantaine d’agriculteurs, avant de présenter les mesures censées répondre à leur colère. «Il y a des colères saines, mais il n’y a pas de violences justifiées», a martelé Gabriel Attal, en début d’allocution, qui a «décidé de mettre l’agriculture au-dessus de tout», et d’ouvrir «un nouveau chapitre pour l’agriculture française» en ce «jour de sursaut».

Le Figaro fait le point sur les annonces du premier ministre, qui n’a pas «voulu dire aux agriculteurs comment faire leur métier», mais est venu «dire comment on va laisser les agriculteurs faire leur métier.» Avec trois piliers qui guideront l’action du chef du gouvernement : «Agir pour défendre les revenus», «simplifier et faciliter la vie» des agriculteurs, et «préparer l’avenir de notre agriculture».

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Le gouvernement va prendre «dix mesures de simplification immédiate», par décret, dès ce samedi, a annoncé Gabriel Attal. Le délai exceptionnel pour les autorisations de retenues d’eau sera notamment ramené à deux mois au lieu de quatre, et les recours vont être simplifiés par la suppression d’un échelon administratif. Sur ce même sujet, une «présomption d’urgence» va être créée «pour que le juge se prononce en moins de dix mois» contre un recours.

L’OFB sera également placée sous la tutelle du préfet pour les contrôles, et des réunions devront être menées avec le gouvernement et les agriculteurs pour accoucher de «mesures de bon sens» comme, suggère-t-il, ne plus «venir armé quand on vient contrôler une haie», pour faire baisser la tension. Le contrôle administratif des exploitants ne pourra pas avoir lieu plus d’une fois par an.

Pêle-mêle, le premier ministre a également annoncé une simplification des réglementations sur les haies (une seule au lieu de 14 à l’heure actuelle), la sortie «d’un certain nombre d’incohérences sur le débroussaillement» et une «pause» sur le sujet des zones humides pour discuter du zonage.

Ce sujet était au cœur de l’ire des agriculteurs : le changement de taxation du gazole non routier (GNR) ; carburant destiné, entre autres, aux tracteurs agricoles. Alors que les paysans ont le droit à un remboursement partiel sur la TICPE, un des critères, avec la TVA, qui fixe le prix, ce dernier a tendance à se réduire au fil des années. Depuis début 2024, le GNR est taxé 24,81 centimes d’euro par litre, somme sur laquelle les agriculteurs paient 6,71 centimes d’euro par litre. Mais cela représente un surplus de 2,85 centimes par rapport à l’année dernière.

Cette hausse, qui devait augmenter progressivement jusqu’en 2030, étant fustigée par le monde agricole, Gabriel Attal a annoncé son annulation pure et simple : «On va arrêter avec cette trajectoire de hausse du GNR». Autre point central, les remises de taxe sur ce GNR seront déduites à l’achat, et non plus après coup sur justificatif, dans les prochains mois. «D’ici à l’été, quand vous serez livrés de votre carburant, la déduction sera faite immédiatement et l’État compensera le distributeur pour la déduction. C’est une mesure de simplification et de trésorerie», a détaillé le premier ministre sur ce dossier très technique.

Si le chef de gouvernement a vanté les mérites de la loi Egalim, qui est un «énorme progrès», ces derniers «ne sont pas toujours visibles dans la vie des agriculteurs». «Je suis assez lucide : dans les négociations commerciales, l’agriculteur n’est pas assez suffisamment protégé», a affirmé Gabriel Attal, qui entend faire appliquer la loi «partout sans exceptions.» Pour ce faire, le gouvernement va d’abord prononcer «trois sanctions très lourdes» contre des entreprises «importantes» qui ne respectent pas Egalim. Puis, avec la DGCCRF, «renforcer les contrôles». Et enfin, «mettre une pression maximale dans les négociations.»

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Gabriel Attal a par ailleurs défendu les bénéfices qu’apporte l’Union européenne, dont la politique agricole commune (PAC). Il a rappelé, à cette occasion, qu’elle correspond à «neuf milliards d’euros par an» d’aide aux agriculteurs Français. Avant de reconnaitre toutefois qu’elle devait être simplifiée, en assurant qu’Emmanuel Macron «s’engagera sur ce sujet la semaine prochaine au Conseil européen». Le président devrait également demander une nouvelle dérogation sur la question des jachères.

Le gouvernement va débloquer 50 millions d’euros d’aide d’urgence pour le bio, a promis Gabriel Attal. Une enveloppe qui permettra de venir au chevet de cette filière en difficulté. Le gouvernement s’était déjà engagé en 2023 à leur verser 94 millions d’euros.

L’hôte de Matignon a aussi annoncé une augmentation des indemnisations pour soutenir les exploitations les plus en difficulté face à la maladie hémorragique épizootique (MHE), une nouvelle pathologie qui affaiblit les vaches. Gabriel Attal a par ailleurs évoqué un «budget de 50 millions d’euros» et promis une «augmentation du taux d’indemnisation à 90%» pour les éleveurs touchés par cette maladie apparue dans des élevages du sud-ouest. Et ce, quelques jours après avoir fixé à 80% l’indemnisation de la valeur des vaches mortes et des frais vétérinaires.

«La France s’oppose de manière très claire» à «la signature» de l’accord commercial controversé entre l’Union européenne et les pays latino-américains du Mercosur, a fait valoir Gabriel Attal. «Je le redis ici de manière très claire, très nette. Le président de la République s’y est toujours opposé et nous continuons et continuerons à nous y opposer», a-t-il ajouté. Il faut rappeler que le Mercosur et l’Union européenne négocient depuis des années cet accord qui achoppe sur des questions environnementales. Il est également dénoncé par les agriculteurs, qui craignent une concurrence déloyale de la part de produits sud-américains.

Outre les annonces, le premier ministre a également critiqué, sur un plan plus politique, «celles et ceux qui opposent la défense de nos agriculteurs et la défense de l’environnement», considérant que les agriculteurs étaient «les premières victimes de la dégradation de l’environnement». «Dans les priorités de notre action, ne pas laisser notre agriculture à la merci de la concurrence déloyale est un enjeu absolument majeur», a-t-il aussi dit dans cette exploitation de Haute-Garonne.