«C’est une belle avancée», souffle, prudent, François-Gaël Juret. Le directeur de la Régie gaz électricité de Sallanches ne cache pas son soulagement. Pour la première fois depuis qu’elle est opérationnelle, la centrale hydroélectrique va capter l’eau de la rivière éponyme, la Sallanche, pour faire tourner sa turbine et alimenter en électricité les premiers foyers sallanchards. Et ce, malgré l’opposition de militants écologistes.

Saisie par la Régie dans une procédure d’urgence, la Cour d’appel de Lyon a suspendu l’exécution d’un jugement du tribunal administratif de Grenoble qui ordonnait la destruction de l’ouvrage. C’est «à tort que […] les premiers juges ont annulé l’arrêté préfectoral» permettant l’exploitation hydroélectrique du cours d’eau, avance l’ordonnance du juge.

Ce projet vieux de dix ans – différentes études techniques et chantier compris – dont le lancement devait avoir lieu en décembre 2022 avait été contrecarré par deux recours de France nature environnement (FNE). Le premier, en référé, examiné en 2020, avait été rejeté par les juges. C’est à l’issue de cette première décision que la Régie avait lancé les travaux, s’estimant confortée. Pourtant, à l’issue de l’examen du second recours formulé au fond, le tribunal administratif de Grenoble donnait raison à FNE.

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Interrogée en mars dernier par Le Figaro sur ses motivations, l’association reprochait notamment à l’ouvrage, qui capte une partie du cours d’eau pour faire fonctionner sa turbine, de représenter «un obstacle à la continuité écologique» de la rivière, classée réservoir biologique. FNE rappelait vouloir «préserver ces réservoirs biologiques de toute infrastructure» et estimait que l’étude d’impact «n’était pas suffisante pour démontrer l’absence de conséquences négatives pour l’environnement».En première instance, les juges avaient donc estimé que l’ouvrage constituait un obstacle à la continuité écologique, car le «débit réservé», c’est-à-dire le débit d’eau qui n’est pas détourné pour faire fonctionner la centrale, et qui continue de s’écouler dans la rivière, était insuffisant. En conséquence, ils annulaient l’arrêté préfectoral permettant à la Régie de turbiner la Sallanche, et ordonnaient même la «remise en état du site», soit la destruction des installations hydroélectriques.

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Pour répondre au mieux à cet argument central des débats, la Régie avait étoffé son dossier, calculs savants d’un expert judiciaire à l’appui. La Cour administrative d’appel de Lyon semble avoir été sensible à cet argument. Pour elle, «en l’état de l’instruction, il n’apparaît pas que l’ouvrage litigieux […] pourrait être regardé comme un obstacle à la continuité écologique». La Cour d’appel souligne également les «nombreuses prescriptions et mesures compensatoires», ainsi qu’un suivi hydrologique «défini précisément», pour motiver sa décision. Le président de la 3e chambre a également rejeté l’ensemble des moyens soulevés par FNE, estimant qu’ils ne «paraissaient pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêté».

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Bien qu’il sache ce jugement provisoire, François-Gaël Juret est optimiste. L’ingénieur retient notamment que le juge s’est attardé sur le fond de cette affaire et les éléments apportés par chaque partie pour motiver sa décision. Il l’espère comme les prémices d’un arrêt en appel au fond favorable, «fin 2023 ou début 2024». En attendant, la Régie a pu recommencer les contrôles techniques préalables à la mise en route de la centrale hydroélectrique. «Les foyers sallanchards pourront bénéficier d’électricité propre dès la fin de semaine prochaine», salue-t-il.