Il est de plus en plus visible en ville et à la campagne. Après avoir été un moyen de transport privilégié au milieu du XXe siècle dans l’Hexagone, le vélo avait fini par être détrôné par la voiture, mais il a fait son grand retour après la crise sanitaire. Et il suffit de se balader dans Paris pour observer que la pratique , quatre ans après le premier confinement, progresse toujours. Du vélo mécanique on ne peut plus classique au “vélo-cargo” ou “long tail” en passant par une flopée de vélos électriques en tout genre, il y en a désormais pour tous les goûts. À tel point que les modèles les plus prisés sont souvent en rupture de stock et que de nombreuses offres alternatives – comme la location longue durée – se développent un peu partout.

« Plus qu’un phénomène de société, c’est un véritable mouvement populaire qui dépasse les âges et les territoires, ainsi que les niveaux sociaux ou les opinions politiques», confirme Thibault Quéré, le porte-parole de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB). Lui parle d’une « aspiration globale des Français à pouvoir se déplacer autrement », et ce, notamment, via ce mode transport « peu onéreux et peu polluant », offrant « la flexibilité du transport individuel » et « un bien-être évident ». Le directeur de plaidoyer de la FUB observe également que ce « fort mouvement s’étend désormais aux territoires périurbains et ruraux, aux bourgs et aux villages », grâce à « une augmentation des infrastructures dédiées » et un « engagement de plus en plus fort des élus locaux ».

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon la Plateforme nationale des fréquentations (PNF) animée par Vélo

À Paris, les nombreux compteurs installés sur les grands axes cyclables – sur le boulevard de Sébastopol (2e), sur le boulevard de Magenta (10e) ou encore sur les quais hauts, rive gauche comme rive droite, pour ne citer qu’eux – ne cessent de battre des records de fréquentation. Sur la piste la plus empruntée (boulevard de Sébastopol), qui va de la Gare de l’Est à Châtelet, l’open data de la mairie de Paris recense plus de 12.000 passages par jour en moyenne, avec des pics pouvant atteindre plus de 20.000. Elle est suivie par celle de la rue de Rivoli (1er), qui compte plus de 8000 passages par jour en moyenne et des pics à plus de 16.000.

À lire aussiLe vélo a encore progressé de 5% en 2023 en France, selon un baromètre de fréquentation

Un engouement qui se répercute logiquement sur les chiffres de vente des constructeurs. À tel point que de plus en plus de marques connaissent des ruptures de stock. C’est la mauvaise expérience vécue par Élise, qui était pressée d’investir dans un vélo électrique avant la baisse de 100 euros d’aide à l’achat proposée par la région Île-de-France, le 1er septembre 2023. « Quand j’ai voulu m’acheter ce vélo électrique de la marque française Sunn, j’ai d’abord choisi le modèle avant de me rendre chez un revendeur pour l’essayer et là, on m’a expliqué que tous les distributeurs franciliens étaient en rupture », raconte la jeune parisienne, assurant qu’elle était alors « sûre » de son choix : « Plutôt que de me replier vers un autre modèle, j’ai fini par en trouver un disponible en boutique à Quimper, en Bretagne, que j’ai ensuite rapatrié à Paris ». Il faut parfois s’armer de patience et faire preuve d’imagination pour espérer recevoir enfin le vélo de ses rêves.

Chez Decathlon par exemple, les deux modèles de vélo-cargo électrique long tail sont actuellement indisponibles en ligne ainsi que dans une grande majorité des magasins du groupe. Pour les obtenir, la seule solution consiste donc à attendre qu’ils soient à nouveau disponibles en s’inscrivant sur la liste d’attente. À ce sujet, l’enseigne de grande distribution spécialisée dans le sport et les loisirs a une explication : « nous sommes en fin de commercialisation de la précédente version de nos “long tails”, et nous attendons les nouveaux modèles », attestant que ces vélos ont « super bien marché ». « C’est un marché en pleine expansion », reconnaît en outre le directeur commercial « mobilité urbaine » du groupe, Harrisson Hor, qui précise d’ailleurs « avoir observé un fort ralentissement des ventes de vélos traditionnels au profit des vélos électriques ». « Une tendance clairement identifiable », selon lui.

Pour autant, si « la vente (de vélos) s’est nettement accélérée depuis la crise sanitaire », il souligne que Decathlon connaît « depuis 2023 un ralentissement de cette tendance », notamment parce que la concurrence est plus forte. Autrement dit, il y a aujourd’hui une offre de marché bien plus importante que la demande. Pour preuve : la création récente de nombreuses marques spécialisées – Gorilles Cycles, Moustache Bikes, Voltaire – qui ont sauté sur l’occasion de ce marché en devenir. C’est également le cas de Gaya Bike, un constructeur français de vélos à assistance électrique installé à Paris depuis 2022, très présent sur les réseaux sociaux et porté par une communauté de mamans influenceuses. Avec plus de 3000 vélos vendus en moins de deux ans et plus de 1,7 million de kilomètres parcourus par la flotte Gaya, le groupe se targue d’avoir dépassé les 6,5 millions d’euros de chiffre d’affaires depuis son lancement.

« Notre société connaît un vrai boom, dans un contexte pourtant pas facile avec tous les acteurs qui existaient déjà », avance le directeur marketing de la marque, Mathieu Maître, qui rappelle que le parti pris de Gaya a été de « créer un vélo pensé par et pour les utilisateurs », notamment les familles et les mamans. Et pour réussir ce pari, mus par l’ambition d’étendre la pratique du vélo à tous « afin que nos villes soient plus durables », les porteurs de la marque ont souhaité ajouter nombre d’éléments de sécurité à leurs deux-roues, comme les clignotants, des freins hydrauliques ou encore un vrai klaxon, pour un prix à partir de 2000 ou 2700 euros qu’ils estiment « accessible », et ce, en réalisant le maximum d’étapes de la construction en France. Depuis fin 2023, Gaya a ainsi choisi de relocaliser l’assemblage de ses vélos dans l’usine Arcades Cycles de la Roche-sur-Yon, en Vendée. Un pari gagnant ? Il faut le croire, puisque « victime de son succès », la marque ne fonctionne aujourd’hui qu’en pré-commande, avec des délais allant de 1 à 2 mois.

Quant à savoir si cet engouement va perdurer éternellement, nul ne peut lire l’avenir. Mais pour Vélo

Et pour tenter de convaincre les plus indécis, plusieurs chiffres sont avancés : « en heures de pointe, une voiture met 70 minutes en moyenne pour parcourir 10 km en ville, là où le vélo n’en met que 35 » ou encore « circuler à vélo revient 10 fois moins cher qu’en voiture ». Un discours officiel poussif qui vise notamment à éviter d’éventuels engorgements dans les transports en commun. De quoi convaincre les Parisiens de changer leurs habitudes ? « Pas les miennes en tout cas », répond ce restaurateur, qui a bien prévu de continuer à prendre les transports en commun pour se rendre au travail cet été, « à moins que cela ne soit vraiment invivable ». Contactés, plusieurs magasins parisiens spécialisés dans la vente de vélos électriques confirment leurs bonnes ventes des derniers mois, mais n’ont « pas remarqué d’emballement particulier pour les JO ». Dans tous les cas et quel que soit leur niveau de fréquentation, les « olympistes » – ces pistes cyclables imaginées par les pouvoirs publics et reliant les principaux sites des JO entre eux – resteront bien en héritage.