Une fois n’est pas coutume, sur le parvis de Matignon, l’information n’était pas entre les lignes ni dans les mots mais sur le ton. À la sortie de deux heures de réunions avec la première ministre, syndicats et patronats ont pris la parole pour dresser un bilan à chaud. Un exercice auquel s’est ensuite pliée la chef du gouvernement accompagné du ministre du Travail, Olivier Dussopt.
Après six mois à couteau tiré sur la question des retraites, avec en apothéose une rencontre écourtée début avril, l’ambiance à la sortie était décontractée et les sourires plus naturels. Première à se présenter devant les journalistes, Marylise Léon, la nouvelle secrétaire générale de la CFDT, a souligné «une rencontre utile» avec «des réponses sur le changement de méthode» promise. Le signe que les belles promesses de concertations, régulièrement répétées, pendant les premiers mois, semblent se concrétiser dans les faits. Naturellement, tous les représentants présents ne se sont pas montrés aussi positifs. Quelques minutes après, Sophie Binet a pris la parole, pour immédiatement souligner que «la réunion d’aujourd’hui marque l’échec consternant des 100 jours annoncés par le président de la République». Le point de départ d’une nouvelle ère, soutient-elle. «Ce que nous avons engagé aujourd’hui, c’est une reprise en main qui marque le début des quatre prochaines années», a-t-elle ajouté bravache.
En plus des trois autres syndicats représentatifs, FO, CFE-CGC et CFTC, les trois organismes patronaux étaient aussi de la partie. L’occasion pour le président du Medef nouvellement élu, Patrick Martin, de prendre la parole, avec à ses côtés son prédécesseur, mais encore pour quelques jours numéro une de l’organisation, Geoffroy Roux de Bézieux, prêt à tout moment à lui prêter main-forte en cas de questions inattendue. Le plus récent numéro un présent a rappelé que «le pays avait besoin de dialogue social» et son attachement «à un dialogue le plus autonome possible». La séance de réjouissance collective, s’est conclue par une intervention de la première ministre. Elle a qualifié les échanges de «très constructifs», et a rappelé «sa confiance dans le dialogue social».
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Derrière ces déclarations d’intentions, les annonces ont été rares. Le but de cette réunion était de poser les bases de l’agenda social qui occupera les différents acteurs pendant les prochains mois. La première étape était de définir ce qui dépendait de l’agenda autonome, c’est-à-dire géré librement par les organismes paritaires et les sujets qui relevaient de l’article un du Code du travail et donc soumis à une lettre d’orientation du gouvernement.
Plusieurs dossiers ne faisaient pas l’unanimité. Ainsi côté patronat, on espérait que la question de l’emploi des séniors ou du compte épargne temps universel, tombent dans la première catégorie. C’est finalement la deuxième option qui est choisie. À la satisfaction des représentants des salariés. «Un document d’orientation permet de clarifier les objectifs du gouvernement et donc facilite la transposition législative», décryptait quelques minutes après Marylise Léon. En revanche, il ne faut pas s’attendre à voir des avancées dans les prochaines semaines. La route est encore longue. Des discussions doivent avoir lieu pour élaborer les documents d’orientation. Ces derniers devraient être envoyés fin août. Dans le même temps, une intersyndicale devrait se tenir, selon Sophie Binet. Puis la négociation devrait durer jusqu’au printemps 2024 pour espérer une transposition dans la loi avant la fin de l’année prochaine.
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À plus courte échéance, patronat et syndicats devraient recevoir fin juillet, la lettre de cadrage sur la nouvelle convention d’assurance-chômage, a confirmé Matignon. Le temps presse car la précédente doit prendre fin le 31 décembre et les négociations s’annoncent houleuses. Plusieurs organismes espèrent en effet revenir sur les réformes précédentes qui modifiaient les règles et les durées d’indemnisations, contre l’avis du gouvernement. «La première ministre aurait rappelé être très attaché aux critères de 2021 et 2023», a rapporté François Hommeril, le président de la CFE-CGC à la sortie de la réunion. Pas de quoi inquiéter la numéro un de la CFDT qui a estimé avoir «obtenu ce qu’on voulait».