« Bonjour à toutes mes poupettes». En ce début de mois de mars, Kenza Benchrif ou Poupette Kenza sur les réseaux, a le visage contrit. Elle l’a annoncé dès le titre de la vidéo, aujourd’hui son audience saura la «vérité». « Je fais cette vidéo parce que je vous dois des explications, je les dois à personne d’autre, hormis à vous», poursuit-elle, solennelle. Les larmes aux yeux, la jeune femme de 23 ans commence à raconter comment, au début du mois de février, elle a été placée en garde à vue. À l’origine de l’affaire, son petit garçon d’à peine un an, hospitalisé pour une blessure à la tête, dont l’influenceuse montre et raconte le moindre détail dans une série de «snaps».

C’est à l’issue de cette hospitalisation qu’une enquête est ouverte pour «soupçons de soustraction par le parent d’un enfant mineur sans motif légitime à ses obligations légales compromettant sa santé, sécurité, moralité ou son éducation», rapporte le média local Actu76. Plusieurs internautes ont, en effet, signalé ces vidéos mais aussi des plus anciennes. Les exemples cités voir illustrés s’accumulent, sur l’une, la mère de famille écrase la main de sa petite fille en présentant des chaussures, sur d’autres, elle la met en scène pour promouvoir des produits intimes. Lorsque ça n’est pas sa fille, les internautes s’affolent, cette fois, de voir la jeune femme éplucher des légumes, un couteau de cuisine à la main et son nouveau-né dans l’autre.

Poupette Kenza se défend, elle, d’être une bonne mère. D’abord dans l’émission «TPMP» sur la chaîne C8 puis sur YouTube. Et dans les commentaires de la fameuse vidéo qui totalise 2,5 millions de vues, «les poupettes» multiplient leur soutien à l’influenceuse. « Je m’inquiète pour toi», «tes passages en larmes m’ont ému» ou encore « je souhaite à vos enfants, votre famille et vous-même de trouver l’apaisement». Ce soutien perdure, même lorsque les députés Bruno Studer et Sarah Tanzilli saisissent le procureur de Rouen en mai dernier, pour diffusion d’images de ses enfants s’apparentant à de la pédopornographie. Et se poursuivent aussi cette semaine, malgré les révélations de l’association Atlas Kinder, qui accuse Poupette Kenza d’avoir fait la promotion d’une cagnotte destinée à l’un de leurs orphelinats au Maroc sans verser l’intégralité de la somme récoltée, estimée à 200.000 euros.

Peu importe pour «les poupettes», qui attendent toujours les explications de la principale concernée. Cette dernière à l’habitude du «clash» et ne manque jamais de donner sa version des faits à grand renfort de vidéos face caméra et de déclarations écrites. Même lorsque le rappeur Booba la traite « d’influvoleuse» sur Twitter, la jeune femme répond par une vidéo sur TikTok où elle pose face à la mer avec, en commentaire, la phrase suivante : « Ma question préférée : qu’est-ce que je vais faire de tous ces haineux ?». Et en fond sonore, elle reprend un son… du célèbre rappeur. «Ma star», répondent simplement les poupettes, fascinées par son cran.

Cet engagement sans failles de sa communauté est l’une des forces de la créatrice de contenus rouennaise. Un succès qu’elle doit à son quotidien de mère de famille, raconté en détail sur les réseaux sociaux où elle ne cache rien : ses moments avec sa fille Seyana et son fils Khalis, l’envie de pleurer en voyant sa montagne de linge, son frigo vide parce qu’elle n’a pas eu le temps de faire ses courses, ses voyages avec son mari Allan, qui gère leur société. Ce naturel désarmant plaît respectivement à plus d’un million de personnes sur Snapchat dont elle est l’influenceuse française la plus suivie, 979.000 sur Instagram et 800.000 sur TikTok.

Une audience massive, qui lui permet de s’associer à des marques diverses et variées comme la Sugar Factory Donuts, la Parisienne K boutique ou la marque de thés amincissants Wandernana. Quitte à parfois faire la promotion de produits douteux, voir interdits en France, «comme des bandes de blanchissement dentaire», prend pour exemple le collectif d’Aide aux victimes d’influenceurs (AVI). « La majorité de sa communauté à moins de 25 ans et prend pour argent comptant tous ce qu’elle dit et propose», poursuit ce dernier.

Cette jeune cible, difficile à atteindre pour les marques et institutions, permet même à la jeune femme d’être invitée au festival de Cannes en mai dernier. Un moment que l’influenceuse ne manque pas de partager à sa communauté, qui vit cette ascension par procuration. « Peu importe si personne ne m’a calculé face à Carla Bruni juste devant moi, je l’ai fait, mon rêve est devenu réalité, c’est GRÂCE À VOUS», écrit-elle sous une photo de sa personne vêtue d’une immense robe jaune, grimpant les marches mythiques.

Un rêve que partage son public galvanisé, conquis de la voir remonter la pente à chaque polémique. Ravi, également, de pouvoir l’aider et attaquer sans réfléchir les cibles désignées par l’influenceuse. Ainsi, une partie de sa communauté n’hésitera pas à pourrir la page Google du CHU de Rouen signaleront certains internautes, captures d’écran à l’appui. Ces dernières montrent des messages «courage à Poupette» postés en masse, avec une seule étoile attribuée à l’hôpital.

Depuis une semaine, c’est au tour de l’association Atlas Kinder de faire les frais de cette communauté pour le moins «dévouée». Lors d’un direct diffusé sur Instagram, l’influenceuse demande à l’orphelinat des comptes et ni une, ni deux, ses «poupettes» se chargent de réclamer justice. «L’orphelinat a reçu des coups de fil menaçants et des personnes sont venues sur place, la famille qui s’en occupe est complètement déstabilisée», rapporte l’AVI, qui a récolté un grand nombre de signalements de la part de donateurs floués. L’association, elle, entend porter plainte pour «abus de confiance» et «détournements de fonds».

« Nous avons affaire à des influenceurs qui pendant très longtemps n’ont pas eu de comptes à rendre à la justice, donc ils sont persuadés d’être intouchables», juge un proche de la députée Sandra Tanzilli, cyberharcelée également après avoir saisi le procureur de Rouen. Cette dernière, interpellée par la vie filmée sans interruption ou presque des enfants de Poupette Kenza, souhaite mieux encadrer le droit à l’image des plus jeunes. Notamment via la nomination d’un tiers par un juge aux affaires familiales, pour autoriser la publication des photos d’un enfant «lorsque ses parents ont manqué à leurs responsabilités», insiste la députée auprès du Figaro.

De son côté, «après tous ces événements», la maman-influenceuse a annoncé son intention, avec mari et enfants, de déménager à Dubaï. Le tout certainement documenté et filmé pour ne jamais laisser de côté ses «poupettes» adorées.