«C’est triste pour mes petites filles qui adorent ce magasin», regrette Dolores dans une publication Facebook. Pimkie, l’emblématique enseigne de prêt-à-porter à destination des 15-25 ans, se retrouve une nouvelle fois dans la tourmente. Engagée dans un plan de transformation «visant à pérenniser son activité et renouer avec la croissance» depuis février, l’entreprise annonce envisager la fermeture de 36 magasins supplémentaires en 2024, en plus des 38 fermetures prévues par le premier plan. Au total, 74 magasins Pimkie devraient baisser le rideau cette année, entraînant la suppression de 372 postes en boutique. 42 postes seront également sacrifiés au sein du siège social de Pimkie, qui compte un peu plus de 140 employés.

La nouvelle, dévoilée à l’issue d’une réunion de présentation du plan de sauvegarde de l’emploi, témoigne des difficultés de l’entreprise à suivre le calendrier initial de son plan de restructuration initial. «Pimkie est contraint d’accélérer son plan d’économie», admet l’entreprise, invoquant «le contexte économique, l’inflation, et une baisse de fréquentation dans les points de ventes» au cours de ces derniers mois. «On ne s’y attendait pas», relève, tristement, Marie-Annick Merceur, membre de la CFDT Pimkie.

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Tout au long de l’année 2023, qui restera historiquement funeste pour le prêt-à-porter français, Pimkie s’était déjà employé à écrémer son réseau. Dès juin, l’enseigne avait dévoilé les contours de son plan de transformation, annonçant la fermeture de 63 magasins et la suppression de 257 postes d’ici 2027. Au 31 décembre 2023, 23 boutiques avaient déjà baissé le rideau, sur les 196 que compte toujours l’enseigne. À cela s’ajoutent «80 magasins en franchise/affiliation en France et 71 magasins à l’international», précise le groupe au Figaro.

La pilule est d’autant plus dure à avaler pour les salariés que Pimkie avait su se construire une solide renommée au fil des années. Créée en 1971, «Pimckie» s’était d’abord implanté dans le centre-ville de Lille et s’était spécialisé dans le pantalon pour femme. Au fil des années, «Pimckie» devient «Pimkie» et s’oriente vers la mode des adolescents et des jeunes adultes, entre 15 et 25 ans. À sa tête, l’Association familiale Mulliez (AFM), qui commence à connaître ses premières difficultés avec Pimkie à partir de fin 2009. En décembre, les salariés se mettent en grève pour protester contre les mesures d’accompagnement du plan social de 190 salariés. S’ils parviennent à un accord avec la direction sept mois plus tard, le groupe n’est pas au bout de ses peines.

En 2021, les filiales belge et suisse sont déclarées en faillite. La famille Mulliez décide alors de se séparer de Pimkie et cède son activité en 2022 au consortium Pimkinvest, composé de Lee Cooper, de l’entrepreneur Salih Halassi et du groupe turc Ibisler Tekstil. Si une nouvelle directrice générale, Sandrine Lilienfeld, avait pris la tête du groupe en février 2023, elle ne reste finalement que cinq mois, avant d’être remplacée par Élodie Chelle, nommée directrice générale adjointe. Dans un post LinkedIn, Sandrine Lilienfeld justifie «la plus courte aventure de [sa] carrière» par «un point de vue très différent des actionnaires sur le redressement de l’entreprise», «des valeurs managériales en opposition» et «des visions du monde irréconciliables».

Des incompréhensions qui ont été également ressenties par les salariés. «Quand le consortium a racheté l’entreprise, on estimait le nombre de fermetures de magasins à une centaine, explique Marie-Annick Merceur. On a donc été surpris quand c’est tombé à 63.» Avec le recul, «ça a été une mauvaise décision de ne pas fermer plus de magasins, ils ont été trop vite». «Certains étaient vraiment dans le négatif et ont pourtant été laissés ouverts», précise l’élue CFDT, qui ajoute qu’avec «les fermetures, des loyers et des salaires ont dû être récupérés mais le chiffre d’affaires, lui, n’a pas bougé». «C’est le serpent qui se mord la queue, souffle-t-elle. On a l’impression qu’ils naviguent à vue, ça nous met mal à l’aise.»

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La représentante de la CFDT le reconnaît, «on n’a plus l’offre de vêtements qu’il faut et on a du mal à reconquérir nos clientes». Certains magasins continuent tout de même de s’accrocher et publient des photos et des messages sur les réseaux sociaux. «Tous les magasins ont un compte Instagram, qu’on essaie de faire vivre», détaille Marie-Annick Merceur. C’est par exemple le cas du magasin de Sisteron dans les Alpes-de-Haute-Provence qui a partagé ce message il y a une semaine : «Ça y est ! Une nouvelle année commence… il est temps de prendre soin de vous ! Et de quoi mieux profiter des soldes pour renouveler sa garde-robe ! Rendez-vous vite en magasin pour profiter de réduction jusqu’à -60%.»

Pimkie renaitra-t-il de ses cendres ? Contraint de réduire la voilure, l’enseigne souhaite tout de même «diversifier son activité», et ce en affiliant 14 magasins de son réseau à la chaîne d’accessoire chinoise Miniso, présente en France depuis 2021. Cette association permettra de préserver 96 postes du PSE. Soucieuse de sauver les meubles, la direction de Pimkie espère aussi que cette mauvaise passe apportera, in fine, un nouveau souffle à l’entreprise. «Notre plan de transformation vise à réinventer l’expérience Pimkie et à travailler sa désirabilité auprès des 18-25 ans. Un nouveau concept magasin ouvrira dans les semaines à venir», promet Elodie Chelle, Directrice générale adjointe de Pimkie, dans un communiqué.

Un enthousiasme qui laisse place désormais à la peur, pour les 1300 salariés du groupe. Marie-Annick Merceur espère que ce PSE sera le dernier, au risque sinon pour l’enseigne de se retrouver en redressement judiciaire. Pimkie n’est pas la seule marque à connaître des difficultés, et rejoint ainsi Camaïeu, Burton, André, Don’t Call Me Jennyfer, Du Pareil au Même ou encore Naf Naf. Ces marques, lancées avant les années 2000, font face à une crise de l’habillement français due aux déboires liés à la pandémie de Covid-19, suivie de l’inflation, la hausse des coûts de l’énergie, des matières premières, des loyers et une concurrence accrue avec la fast-fashion. Reste à voir si Pimkie parviendra à maintenir la tête hors de l’eau et éviter la faucheuse de la mode.