Face au réchauffement climatique, la diversification des activités des stations de ski des Pyrénées reste insuffisante. C’est ce que pointe la dernière enquête de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie qui a étudié huit stations (Grand Tourmalet, Font Romeu Pyrénées 2000, Ax 3 Domaines…) ainsi que la Compagnie des Pyrénées (commerce de huit stations) et la SPL Trio (trois petites stations des Pyrénées Orientales). L’étude est intégrée dans l’enquête nationale sur la montagne de la Cour des comptes. Les 38 stations de ski des Pyrénées françaises ont enregistré 4,85 millions de journées skieurs en 2022, soit 9 % de la fréquentation nationale, et près de 100 millions d’euros de recettes de remontées mécaniques.
Mais beaucoup sont fragiles, à cause de leur petite taille qui ne leur permet pas de renouveler des remontées mécaniques ayant 30 ans de moyenne d’âge. « Les stations sont toutes déficitaires, si l’on compte l’aide publique pour soutenir les investissements, relève Hervé Bournoville, rapporteur général de la Chambre régionale des comptes. L’aide publique représente 25% du chiffre d’affaires. »
Elles souffrent aussi d’un habitat vieillissant – la moitié des logements sont classés dans les catégories F ou G des passoires thermiques – et d’un taux élevé de résidences secondaires. En outre, l’activité du ski a diminué de 10 % en France depuis le pic de 2008. Les skieurs vieillissent et se renouvellent moins. « L’activité s’est grippée avec moins de skieurs et un parc de logement inadapté ; le réchauffement du climat accentue ces tendances », résume Valérie Renet, présidente de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie.
La neige se fait plus rare dans les Pyrénées, particulièrement cette année. Les perspectives d’enneigement de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et de Météo France selon les scénarios de réchauffement du Giec prévoient que l’altitude de fiabilité de l’enneigement remontera de 2000 à 2300 mètres en 2050 dans les Pyrénées, et de 1300 à 1800 mètres dans les stations produisant de la neige de culture. Sur le versant méditerranéen, les Pyrénées-Orientales subissent deux années consécutives de sécheresse.
« Or nous constatons un certain déni parmi les gestionnaires de stations de ski, relève Valérie Renet. Par exemple, la station de Font Romeu Pyrénées 2000 dans les Pyrénées-Orientales envisage une clientèle stable pendant 25 ans dans son contrat de délégation de service public. » La station catalane a couvert 93 % de son domaine skiable de canons à neige. Cela a permis de réaliser cet hiver « l’une de nos trois meilleures saisons avec 420.000 journées skieurs à la fin février » malgré la sécheresse, selon son directeur Jacques Alvarez. Mais la production de neige de culture deviendra difficile, si la température continue de monter, pointent les prévisionnistes.
Des stations plus petites, comme Puyvalador dans les Pyrénées-Orientales et Goulier en Ariège, admettent que les projections d’enneigement ne sont pas favorables. Le risque climatique existe partout sur la chaîne mais « est moins marqué dans les Hautes-Pyrénées ».
La diversification des stations existe déjà, portée par le thermalisme, la randonnée et les séjours d’été. Cauterets, Saint-Lary, Luchon, Ax-les-Thermes, Les Angles, Font-Romeu sont des stations villages qui ont conservé une offre décorrélée du ski : thermes et remise en forme, randonnée, vélo, sports, patinoire, commerces. « Les Pyrénées ont un atout : la fréquentation de la montagne a lieu à 62 % en été, contre 38 % en hiver, souligne Valérie Renet. Les acteurs les plus exposés au réchauffement devront diversifier leur modèle vers un tourisme quatre saisons. » Face aux moyens limités des stations, « il faut trancher, ajoute Valérie Renet. On ne peut pas continuer à financer la neige de culture et la diversification. »
Certaines stations ont commencé à créer des pistes de VTT avec des télésièges adaptés aux vélos, des sentiers mixtes de raquette et de randonnée, des activités de luge et de tyrolienne. Mais c’est encore insuffisant et les stations ne réalisent en moyenne que 5 % de leurs recettes de remontées en été. Seule exception de Cauterets qui arrive à 50 %. « Les collectivités considèrent encore que la diversification est accessoire par rapport au ski », déplore Valérie Renet.
L’aide publique de 25 millions d’euros par an attribuée aux stations pyrénéennes « pourrait servir à financer les mesures d’adaptation », recommande la chambre. Or c’est assez peu le cas. Le conseil régional d’Occitanie a eu une politique volontariste, en apportant 44 millions d’euros aux stations entre 2018 et 2022, dont les trois quarts en subventions et un quart en capital. « La région s’est fixée l’objectif de ne pas intervenir dans la neige de culture, mais elle a aidé le financement de l’équipement de neige dans les plans montagne de Cauterets, Saint-Lary, Ax-les-Thermes et de la SPL Trio, donc il y a un paradoxe », dénonce Hervé Bournoville.
Selon les magistrats, les aides sont attribuées « quelle que soit la situation à l’égard du changement climatique, même si la pérennité de la station n’est pas assurée ». Enfin, la chambre relève que la gestion des stations reste trop centrée autour de la commune, alors qu’en Espagne, en Andorre et en Italie, des ensembles se fédèrent pour éviter la concurrence entre les activités.