Cette année, c’est une Normande de 5 ans qui se retrouve poussée sur le devant de la scène. Oreillette sera à l’honneur durant les neuf jours du Salon de l’agriculture. De quoi rendre «un peu plus stressant» ce rendez-vous, à écouter François Foucault.

À 60 ans, l’éleveur normand en a pourtant vu d’autres, lui qui participera pour la cinquième fois à la grand-messe annuelle de l’agriculture. Voilà près de quatre décennies qu’il est à la tête, avec son cousin, d’une ferme à Briouze, dans l’Orne. «Je me suis associé en 1987 avec mon cousin dans cette ferme tenue par mes parents qui est dans la famille depuis deux siècles au moins», retrace François Foucault. Aujourd’hui, à son tour, il prépare le passage de relais à sa fille, Lucie, et son compagnon, Florian, prévu dans les deux prochaines années. «Une succession, cela se prépare au moins deux ans à l’avance, explique François Foucault. Il y a beaucoup de démarches à entreprendre. Rien que pour les fermages, nous louons à 20 propriétaires différents les 155 hectares que nous exploitons. Il faut les prévenir 18 mois à l’avance du changement du preneur. Il faut aussi évaluer les parts du Gaec et le prix de cession.»

Si les générations se succèdent sur la ferme Foucault, la vie d’agriculteur n’a pas toujours été rose. «On a subi toutes les crises du lait conventionnel en 2008-2009 et 2015-2016. Les prix de base payés par les laiteries ont chuté sérieusement. On était rémunéré à cette époque au même prix que lorsque nous nous étions installés trente ans auparavant alors que les charges avaient largement augmenté, ce n’était plus possible», se souvient François Foucault. Pour sortir de cette ornière, alors que certains de leurs voisins ont quitté le lait pour faire de la vache à viande, François et son cousin Didier ont joué la carte de la qualité et du terroir. Ils livrent leur production à la laiterie Gillot, à 6 kilomètres de la ferme. Elle est connue pour ses fameux camemberts au lait cru sous appellation d’origine protégée (AOP). «Depuis 2016, notre situation financière s’est améliorée car nous sommes passés en production laitière sous AOP. Cela donne un coup de pouce au prix du lait, environ un tiers en plus par rapport au prix de base. Cela nous a permis d’embaucher ma fille Lucie et Florian, raconte François Foucault. Il y a un cahier des charges strict mais nous aimons la qualité. Les vaches doivent être 100 % de race normande. Cela tombe bien, nous en avons toujours eu sur la ferme.»

Cette réalité du métier, Lucie Foucault ne la découvre pas. «Actuellement, je suis payée juste un peu au-dessus du smic, cela me convient pour vivre heureuse à côté de nos vaches, dit-elle avec conviction. C’est un rêve de gosse. Je suis passionné par l’élevage depuis que j’ai 12 ans. J’ai toujours voulu être agricultrice. J’ai passé un bac agricole à Sées, à moins d’une heure de chez nous, et suis devenue associée dans le Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) avec mon père, son cousin et mon compagnon. J’aime beaucoup la génétique. Ils m’ont laissé la conduite du troupeau et les questions d’insémination.»

Bien sûr, «on a des peurs et des appréhensions, il y a la paperasse et les contrôles administratifs, poursuit Lucie Foucault. Mais, on prend son courage à deux mains et on se lance. On travaillera en couple et on ne pourra pas alterner les week-ends, tout du moins au début de notre activité. On verra après si on peut employer un salarié. On ne se voyait pas faire un autre métier». Des mots qui renvoient à l’actualité des dernières semaines, avec la mobilisation massive des agriculteurs du pays. «On est solidaire avec le mouvement car il y a bien trop de contrôles et de documents à remplir. Les tâches administratives me mobilisent une journée par semaine au bureau, abonde François Foucault, tout en couvrant sa fille d’un regard admiratif. On a choisi ce métier pour le travail en plein air. Certaines mesures de simplification des normes annoncées par le premier ministre vont dans le bon sens.»

Mais alors qu’approche l’ouverture du Salon de l’agriculture, la passion de la terre et des animaux reprend le dessus. Et Oreillette, bien sûr! C’est Pascal Orvain, responsable de l’organisme de sélection des Normandes, troisième race à lait de France derrière la prim’Holstein et la montbéliarde, qui a annoncé aux Foucault, au mois d’août, que leur vache avait été sélectionnée pour être l’égérie de l’édition 2024 du salon. Celle qui a fêté ses 5 ans le 19 décembre dernier a déjà fait trois vêlages. «C’est une vache productive, avec 9850 litres en troisième lactation, précise Pascal Orvain. Elle a beaucoup de qualités morphologiques, un bon gabarit, un squelette harmonieux, une excellente mamelle assez haute, des trayons bien placés, très fonctionnelle pour la traite.»

Oreillette est donc bien taillée pour tenir le rôle d’ambassadrice Porte de Versailles. Elle fait en tout cas le bonheur de la famille Foucault. «Nous sommes très fiers d’avoir été sélectionnés. On ira tous en famille au salon le premier week-end car c’est le concours national des vaches normandes. Une famille élargie car, ajoute François Foucault, nous avons une deuxième vache qui sera sur le ring.»