Si la France n’est pas confrontée à un «mur des faillites», celles-ci ont fortement augmenté en 2022. Le nombre de nouveaux dossiers ouverts a connu une hausse «exceptionnelle» de 49,9 % sur un an, pour atteindre 42.500 défaillances d’entreprise l’an dernier, selon les données diffusées par le groupe Altares, spécialiste de l’information sur les entreprises, que Le Figaro dévoile en avant-première. Pour autant, le nombre de défaillances reste inférieur à ce qu’il était avant la crise sanitaire (51.031 en 2019).
Les faillites ont été gelées durant la pandémie en raison des nombreuses aides de l’État aux entreprises: depuis 2020, 59.000 défaillances ont ainsi été évitées, indique Altares. Un rebond était donc attendu avec le retour à la normale post-Covid. Le mouvement de rattrapage est à l’œuvre, et semble désormais s’accélérer.
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Observé dès novembre 2021, le retour des faillites s’est poursuivi les mois suivants, marquant en février 2022 une hausse de plus 40 % sur un an, sans jamais refluer par la suite. Alors que l’été correspond traditionnellement à une période de vacance judiciaire, le nombre de faillites a plus que doublé en août. Et la tendance est restée forte au quatrième trimestre 2022, avec 12 256 défaillances.
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«Regardons où nous allons, plutôt que d’où nous venons», relève Thierry Millon, directeur des études d’Altares, rappelant que l’année 2019, à laquelle tout le monde se réfère, avait la particularité de marquer le nombre le plus bas de faillites comptabilisées dans l’Hexagone depuis douze ans. Alors que les spécialistes tablaient sur un retour à ce niveau en 2024, «nous serons au-delà dès cette année, à l’allure où vont les choses», pronostique Thierry Millon, qui redoute une accélération de cette contagion dans les prochains mois. «Si le cataclysme n’a pas eu lieu, le rythme est plus soutenu qu’envisagé, faisant craindre un retour aux valeurs d’avant-crise plus tôt que prévu», résume-t-il.
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Les petites entreprises, qui composent 92 % à 94 % du tissu économique tricolore, sont les plus touchées. L’an dernier, 3 214 PME ont fait défaut ( 78,2 %). «Plus la taille des PME est importante, plus le rythme des défaillances est fort. La tendance est particulièrement marquée sur celles de 50 à 100 collaborateurs», relève le directeur des études d’Altares.
Le point commun de ces entreprises tient d’une part à leur fragilité au moment de l’éclatement de la crise Covid, et d’autre part au fait qu’elles ne disposent pas de structures financières assez solides pour faire face à la hausse du coût des matières premières en général, et de l’énergie en particulier. En outre, les entreprises vont désormais devoir rembourser leur PGE, après avoir, pour certaines, bénéficié d’un report de deux ans.
Dans le détail, la construction concentre à elle seule le quart des faillites, une tendance notamment portée par le gros œuvre et la maçonnerie générale. Malgré les bons niveaux d’activité liés aux travaux de rénovation énergétique, l’année 2023 s’annonce compliquée pour ce secteur. Le commerce, qui approche les 10.000 défaillances, est lui aussi en première ligne, en particulier le commerce de détail – dont l’épicerie, l’habillement et le meuble – tandis que l’e-commerce patine. La restauration est elle aussi touchée, les établissements récemment créés étant les plus fragiles. Les entreprises sont confrontées à la baisse de la consommation des ménages face à l’inflation, et leur report sur les premiers prix.
Dans ce contexte, les procédures amiables sont en hausse, mais restent minoritaires. Avec 1 125 jugements prononcés en 2022, le nombre de procédures de sauvegarde est au plus haut depuis cinq ans ( 54,3 % sur un an). Quant aux procédures de redressement judiciaire, elles ont augmenté encore plus vite (55,8 %), avec 10.132 jugements prononcés. Mais, depuis la crise, les liquidations directes sont devenues la norme.