Plus de 80 journaux espagnols attaquent Meta en justice pour concurrence déloyale sur le marché publicitaire. L’association d’éditeurs AMI, qui regroupe la plupart des grands quotidiens nationaux ainsi que la majorité des journaux régionaux, estime que le propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp, a enfreint de « manière systématique et massive » le Règlement européen sur la protection des données (RGPD), s’assurant ainsi un avantage compétitif dans la course aux revenus publicitaires face à des médias qui, eux, respectent les règles.
« Le comportement de Meta aboutit à ce que 100 % de ses revenus dérivés de la vente de publicité ont été obtenus de manière illégitime », accuse l’organisation. AMI réclame donc 550 millions d’euros pour compenser la pratique.
Jusqu’en juillet dernier, Meta conditionnait l’ouverture d’un nouveau compte sur ses services à l’acceptation de la captation des données à des fins de profilage publicitaire. Cette lecture du RGPD, qui n’offre aucune alternative à l’internaute qui refuse ce marché, a été sanctionnée par les autorités européennes par une amende de 390 millions d’euros. Meta a réagi en mettant en place en novembre un abonnement à 9,99 euros par mois pour les utilisateurs qui refuseraient le suivi de leurs données de navigation. En échange, ils ne voient plus de publicités sur Facebook et Instagram.
Les éditeurs espagnols constatent la fuite de certains annonceurs, qui préfèrent la large base de profils ultrapersonnalisés offerts par la compagnie de Mark Zuckerberg aux réclames indiscriminées sur les supports papier et web des journaux. Le poids des Gafa dans le gâteau publicitaire espagnol atteignait 44 % en 2022, selon une étude des entreprises Media Hotline et Arce Media.
Le président d’AMI, José Joly Martínez de Salazar, a qualifié la plainte déposée vendredi dernier au tribunal de commerce de Madrid d’action « sans précédent » et dénoncé que le géant californien « a construit sa position dominante sur le marché publicitaire en méprisant la législation conçue pour protéger le droit fondamental à l’intimité des citoyens européens, et en provoquant un préjudice évident pour les médias espagnols au point de mettre en péril leur activité ».
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AMI a invité les annonceurs publics et privés à préférer acheter des espaces publicitaires dans les journaux, « en cohérence avec leurs politiques de responsabilité sociale ». Ce lundi, la plupart des grands quotidiens nationaux portaient l’action judiciaire à la une de leurs titres et en bonne place sur leurs sites internet.
Les éditeurs espagnols n’en sont pas à leur première confrontation avec les géants de la Silicon Valley. En 2014, une taxe avait été mise en place pour les agrégateurs de contenus nourrissant leurs pages de résumés d’articles de la presse espagnole. Google avait répliqué en suspendant son service Google Actualités en Espagne. Si Meta réagissait dans le même sens, la désactivation des liens vers les journaux depuis Facebook ou WhatsApp aurait une influence sur le trafic des sites d’information. Pour l’heure, l’entreprise n’a pas évoqué de représailles.