Les organisateurs du Salon de l’agriculture, qui s’ouvre samedi à Paris, espèrent que cette 60e édition sera une «belle fête», épargnée par les manifestations. Mais le monde agricole bouillonne toujours de revendications et de colère. Et à quelques jours de l’ouverture de cette mythique foire d’exposition parisienne – qui doit se tenir du 24 février au 3 mars – leurs attentes sont plus fortes que jamais. Nul doute que celles-ci seront au menu des discussions de la réunion prévue ce mardi après-midi entre les syndicats et le Président de la République.

«La colère est toujours là. Ce n’est pas parce que les agriculteurs sont repartis sur les exploitations que le sujet est terminé», a confirmé Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA ce lundi matin, sur Europe 1/CNews. Pour autant, il a assuré que le rôle de son syndicat était désormais d’être «dans le temps des propositions et de la recherche de solutions». Et si l’État rechigne à en trouver ? Il prévient : «les agriculteurs feront alors le constat qu’on se moque d’eux, et j’imagine que les actions reprendront». Avant de rappeler : «de toute façon, dans le moment dans lequel on est, nous n’avons pas d’esprit de recul».

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Ailleurs en France, plusieurs mobilisations étaient en cours ce lundi. Dans les Bouches-du-Rhône, plusieurs cortèges d’agriculteurs, venus des quatre coins du département à l’appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs pour réclamer de pouvoir «vivre de leur métier», viennent d’arriver à Marseille où ils ont prévu de participer à une action symbolique sur le Vieux Port, près du musée du Mucem, avant de se rendre à la préfecture. Même chose à Ibos, près de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, où des agriculteurs ont commencé à bloquer l’arrivée des marchandises dans un supermarché. Dans la Marne, des agriculteurs ont déversé plusieurs bennes de fumier devant des services de l’État, pour protester contre leur «inaction» après les annonces gouvernementales. À Dunkerque, une cinquantaine de tracteurs ont de leur côté mené une opération escargot, pour réclamer la concrétisation des promesses, et refuser des expropriations de terres agricoles dans le cadre du projet d’extension du port maritime.

De quoi craindre un retour des blocages à quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture ? C’est en tout cas ce que prévoit Christophe Chambon, le secrétaire général adjoint de la FNSEA, qui a annoncé ce lundi sur BFMTV le retour des blocages «en amont du Salon de l’agriculture pour vraiment faire entendre au Président de la République, que s’il souhaite que le salon soit une vitrine de l’agriculture nationale, il nous faut vraiment des résultats concrets». «J’insiste sur le calendrier», a-t-il ajouté, souhaitant que des «dates précises» viennent confirmer les «différentes mesures» annoncées par le gouvernement ces derniers jours.

Un sentiment partagé par la porte-parole de la Confédération paysanne, Laurence Marandola, qui assure ce lundi sur BFMTV que son syndicat «ne s’est jamais démobilisé». «On continue d’avoir des actions, on aura une action forte en milieu de semaine et sur le Salon de l’agriculture», a-t-elle expliqué, alors que les syndicats resteront selon elle «fortement mobilisés toute la semaine» en vue d’un salon «très différent de ce qu’on a connu jusqu’à maintenant».

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Quant à savoir si le Salon de l’agriculture 2024 sera une édition comme les autres, le responsable syndical a estimé que «non». «L’attente est très forte, donc ce ne sera pas un salon comme les autres. C’est un salon où le président de la République devra d’abord dire ce qu’il entend faire, entendre l’agacement (…) et personne n’imagine qu’il puisse, comme tous les ans, défiler dans les allées sans avoir eu un propos fort, clair et être à l’écoute du monde agricole», a-t-il fait savoir, estimant qu’Emmanuel Macron ne pouvait ignorer cette très forte attente. «En tout cas, on lui redira demain après-midi (mardi, NDLR)», a-t-il en outre assuré.

Mais pas question de gâcher la fête non plus, assure le président de la FNSEA, qui rappelle que le salon, «c’est un an de travail pour ceux qui l’organisent», avec «des gens qui passent des concours depuis des mois pour leurs animaux qui sont extrêmement fiers de ce qu’ils font et qui ont raison d’être fiers de ce qu’ils font», avec «un concours général agricole qui se tiendra quoi qu’il arrive». «Ne confondons pas ce qui est la vie du Salon, la mise en valeur de nos produits et de nos animaux avec ce qu’est le moment politique qui est un moment attendu, qui ne sera pas un moment comme les autres et sur lequel il y a un niveau d’exigence élevé et sur lequel on attend des réponses très concrètes», a-t-il lancé.

Quoi qu’il en soit, Gabriel Attal a prévu de tenir une conférence de presse consacrée à la crise agricole mercredi à Matignon, trois jours avant l’ouverture du Salon de l’Agriculture alors que le secteur bouillonne encore de colère et de revendications. Le premier ministre évoquera la réécriture du projet de loi suspendu au début de la crise, ainsi que le suivi et l’exécution des mesures déjà annoncées par le gouvernement, a précisé Matignon.