Sévèrement critiqué par les taxis, le projet de covoiturage sanitaire du gouvernement devrait bientôt voir le jour. Le décret est actuellement en concertation, et pourrait être publié dans les prochains mois, indique-t-on au cabinet du ministre délégué chargé de la Santé Frédéric Valletoux. La mesure figure dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024 voté en décembre dernier, et entend encourager la mutualisation des trajets des patients médicalisés en ambulance ou en taxi.
Concrètement, sans raison médicale valable pour refuser le covoiturage, les patients n’auront plus le droit au tiers payant et devront donc avancer les frais. Ils ne seront ensuite remboursés par l’Assurance maladie que sur la base du tarif de transport partagé. À partir de 2025 s’appliquerait également une pénalité. Si Franceinfo a donné quelques détails sur le projet de décret, une source proche du dossier estime que «beaucoup de fake news» ont été relayées. «Le transport partagé exclut tous les cas d’urgence, et c’est le médecin qui choisit s’il y a transport partagé ou pas», recadre-t-on du côté de l’entourage de Frédéric Valletoux. Ainsi, les malades sous dialyse ou chimiothérapie ne seront par exemple pas concernés, tente de rassurer le gouvernement.
Et «rien n’est acté sur le kilométrage, ça sortira de la concertation», ajoute-t-on de même source. Une réponse à l’article de Franceinfo, qui évoque un détour de 10 kilomètres possible par passager d’une ambulance ou d’un taxi sanitaire, dans la limite d’un détour total de 30 kilomètres. Le seuil de 30 kilomètres «figure bien dans le projet, mais n’est pas forcément ce qui va être retenu», indique-t-on au ministère de la Santé.
Quoi qu’il en soit, il y aura «nécessairement» une dégradation du service pour les malades, a regretté sur Franceinfo Alain Olympie, représentant des usagers de l’AP-HP à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Des associations de patients s’inquiètent en effet de l’impact de ces changements, notamment pour des malades qui doivent être traités par dialyse ou chimiothérapie.
L’association Renaloo, qui représente des patients touchés par une maladie rénale, dialysés ou greffés, a écrit au ministère et à l’Assurance maladie pour réclamer que «ni les délais d’attente ni les retards liés à cette nouvelle organisation des transports ne puissent entraîner une dégradation de la qualité, de la continuité et de la durée des soins». Elle souhaite que les temps de trajet et d’attente soient aussi pris en compte. Autre préoccupation de représentants de malades : aucune obligation de port du masque et de gestes barrières n’est prévue.
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Pour le gouvernement, à la recherche de milliards d’économies budgétaires, les transports sanitaires représentent une manne non négligeable. «Les dépenses se chiffrent en milliards», confirme une source proche du dossier. Plus précisément 5,5 milliards d’euros en 2022, selon l’Assurance maladie, en hausse de 7,2% en un an, sous l’effet de revalorisations tarifaires et de la hausse du prix des carburants.
Dans le PLFSS 2024, le gouvernement met ainsi en avant l’objectif de «maîtrise des dépenses d’Assurance maladie». «Le coût d’un transport partagé est en effet inférieur de 15 à 35% par trajet, selon le nombre de patients transportés concomitamment», est-il mentionné dans le texte. Alors que seulement 15% des trajets sont mutualisés aujourd’hui, l’objectif est de réduire le coût des trajets pour la Sécu à hauteur de 100 millions d’euros par an entre 2025 et 2027.
Dans l’article 30 du PLFSS 2024, qui concerne le transport sanitaire, l’exécutif pointe également deux autres objectifs : «l’amélioration de la réponse aux besoins de transport» et «la réduction de l’empreinte écologique de ce secteur d’activité qui totalise aujourd’hui 65 millions de trajets par an pour les seuls taxis et véhicules sanitaires légers (VSL)». Ces arguments ne convainquent pas les taxis, qui pointent le manque à gagner potentiel : dans les zones rurales, le transport médical représente jusqu’à 90% du chiffre d’affaires des professionnels, selon la Fédération des artisans du taxi.