Alors qu’une conférence sociale sur la question des bas salaires a été «validée» fin août par le chef de l’État, une autre actualité s’invite plus que jamais à l’agenda des chefs d’entreprise et du gouvernement: l’absentéisme. Si le phénomène a explosé lors de la pandémie de Covid – du fait des quarantaines et des contaminations -, le retour à la normale tarde à se faire sentir. Pire, loin de s’estomper, le problème grandit, montre le quinzième baromètre de l’absentéisme et de l’engagement, réalisé par Ayming et AG2R La Mondiale et dévoilé par Le Figaro.
L’étude montre d’abord que la part des salariés ayant été absents au moins une fois dans l’année atteint un niveau record en 2022, à 47 %. En 2020, en pleine crise Covid, le chiffre n’était «que» de 41 %. Le taux d’absentéisme de son côté atteint 6,7 %, en hausse de 21 % par rapport à l’avant pandémie. Enfin, toujours en 2022, la durée d’absence par salarié s’élevait à 24,5 jours en moyenne sur l’année. Résultat, pour une population active française d’environ 22 millions de salariés en CDI, cela représenterait en moyenne, plus de 1,5 million de personnes absentes toute l’année avec un impact majeur sur l’organisation des entreprises.
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Certes, le Covid a continué de jouer un rôle non négligeable en 2022. Les premiers mois de l’année ont ainsi été marqués par le très contagieux variant Omicron. L’impact sur les travailleurs français a été d’autant plus important que chacun avait largement délaissé la pratique des gestes barrières à ce moment-là. Mais la pandémie ne peut expliquer à elle seule la dérive actuelle qui pèse sur les entreprises et, donc, sur les finances de la Sécurité sociale.
Au moment où Bercy se démène pour trouver des pistes d’économies, le gouvernement n’a pas hésité à taper du poing sur la table. «Nous avons eu en 2022 8,8 millions d’arrêts maladie en France, contre 6,4 millions dix ans plus tôt», s’était ainsi insurgé le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lors des assises des finances publiques mi-juin. Versées par la Sécu en cas d’arrêt maladie, les indemnités journalières ont coûté 15,7 milliards d’euros en 2022, en hausse de 13 % par rapport à 2021, et de 10,7 % en moyenne par an entre 2019 et 2022, selon la commission des comptes de la Sécurité sociale.
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Pour ralentir cette explosion, l’Assurance-maladie a d’une part intensifié les contrôles auprès des médecins surprescripteurs, soulevant l’ire des professionnels. D’autre part, l’exécutif réfléchit à responsabiliser les patients. Le principal levier consisterait à rendre obligatoire pour tous (public et privé) les trois jours de délai de carence, ou encore à étendre ce délai à sept jours pour limiter les arrêts courts. «Repasser la dépense de la Sécurité sociale aux entreprises, ça n’est pas la bonne méthode», avait martelé fin juin Geoffroy Roux de Bézieux, alors encore numéro un du Medef. Face aux multiples levées de boucliers, l’exécutif laisse désormais les partenaires sociaux se saisir du sujet et proposer des pistes d’économies.
Tous les acteurs s’accordent à pointer qu’une vision purement comptable du sujet serait une erreur. «Il y a un problème d’arrêts de travail de complaisance», mais «il y a aussi des questions de mal-être et de mal-être au travail», a reconnu cet été Geoffroy Roux de Bézieux. Les chefs d’entreprise sont donc appelés à se pencher sur la question. Or, tous ne sont pas également impliqués. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil aux écarts importants qui existent entre les secteurs. Ainsi l’industrie/BTP et le transport connaissent des taux d’absentéisme parmi les plus faibles, alors même qu’ils sont aussi les plus accidentogènes. Par exemple l’industrie et le bâtiment ne sont qu’à 5,63 % d’absentéisme, contre 7,35 % pour la santé et même 7,65 % pour les services, record absolu en 2022. «Certains secteurs, notamment les plus accidentogènes, ont été plus alertes que d’autres sur la question de l’absentéisme, explique Sidonie Tulars, consultante qualité de vie et conditions de travail chez Ayming. Cela a commencé sur la question des accidents du travail avant de l’élargir aux autres motifs.»
Elle invite les entreprises à se saisir de la question dès le recrutement, en cherchant à comprendre ce qui est important pour le candidat et lui expliquer ce qui l’est pour l’entreprise. Le but est d’éviter que des zones de frictions apparaissent une fois l’individu embauché et se répercute sur l’ensemble de collaborateurs.
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Plus généralement, c’est tout l’accompagnement qui doit être repensé. Car si une prise de conscience est visible pour les salariés de retour d’absence longue durée, en revanche il n’est souvent rien proposé pour les arrêts plus ponctuels. «Or, les courtes absences, surtout si elles se répètent, peuvent être les prémices d’un arrêt de longue durée», pointe Sidonie Tulars.
Les absents ne sont pas les seuls sur lesquels l’attention doit être renforcée. Les collaborateurs en poste sont aussi une population sensible. En effet, c’est souvent sur eux que repose la charge de travail que l’employé manquant ne peut pas remplir. Particulièrement lors des courtes périodes, lorsque l’absence n’est pas compensée.
Pour les chefs d’entreprise, il en va aussi de la fidélisation des salariés et de la réduction du turn-over. Un enjeu qui ne va cesser de prendre de l’importance à mesure que le chômage va diminuer et les difficultés de recrutement être de plus en plus prononcées.