La célèbre souris Mickey fêtera bientôt ses 95 ans. Et pour célébrer cela, quoi de mieux que d’offrir son image au monde entier? Près d’un siècle après son arrivée sur les écrans, la première version de Mickey Mouse va faire son entrée ce lundi 1er janvier dans le domaine public, ouvrant la voie à de potentielles reprises, adaptations et produits dérivés… mais aussi à de potentiels accrochages judiciaires avec Disney.
L’échéance était attendue de longue date par les créateurs, cinéastes ou simples fans. Mais aussi et surtout par les dirigeants du groupe Disney, qui préparent déjà les armes pour protéger leur mascotte. Dans un communiqué, la multinationale a assuré qu’elle « continue(rait) de protéger (ses) droits sur les versions plus récentes de Mickey et sur d’autres œuvres restant protégées par le droit d’auteur ».
On le reconnaît à ses grandes oreilles rondes, ses gants blancs ou son short rouge à boutons. Mais le Mickey originel, qui entre dans le domaine public, est bien éloigné de celui d’aujourd’hui.
Dans Steamboat Willie, sorti en 1928, Mickey porte déjà son short mais présente une petite tête de rat avec le museau plus allongé qu’aujourd’hui. Cette version est la seule à pouvoir être reproduite. Il sera donc possible d’exploiter commercialement le dessin animé original et sa bande-son, de reprendre des images qui en sont issues et d’en vendre des reproductions sur tous les supports. Quiconque pourra désormais librement copier, partager ou adapter Steambot Willie mais aussi Plane Crazy – autre court-métrage animé de 1928 – tout comme utiliser les premières versions de certains personnages comme Minnie.
Ces adaptations libres de droit ne devront donc pas montrer les gants de Mickey, qui sont apparus en 1929, ou sa tenue emblématique d’apprenti sorcier, apparue dans Fantasia en 1940. «Ce qui est dans le domaine public, c’est cette sorte de petit animal effrayant en noir et blanc», explique à l’AFP Justin Hughes, professeur de droit à l’université de Loyola. «La souris Mickey la plus familière des générations actuelles va rester sous protection du droit d’auteur», ajoute-t-il, disant s’attendre à ce que «cela donne lieu à des accrochages légaux», comme des mises en demeure.
Mickey et Minnie Mouse auraient dû entrer dans le domaine public en 1984, mais une loi de 1976 promulguée par le Congrès des États-Unis a étendu la durée de tous les droits d’auteur à 75 ans après publication, repoussant l’expiration des droits de Steamboat Willie à 2004.
En 1998, le Congrès a adopté une autre loi, baptisée plus tard « Mickey Mouse Protection Act », car fruit d’un énorme travail de lobbying de Disney. Celle-ci a de nouveau prolongé la durée des droits d’auteur de 20 ans, soit 95 ans au total, contre 70 ans après le décès de l’auteur en France. De quoi longtemps mettre à l’abri la petite souris.
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Si les droits d’auteur prennent fin au 1er janvier, ce n’est pas le cas de ceux protégeant la marque déposée. Les premiers interdisent la reproduction sans licence de l’œuvre créative et expirent au bout d’une période donnée. Les seconds protègent eux la source de l’œuvre contre des produits qui pourraient tromper les consommateurs en leur faisant croire qu’il provient du créateur original. Ces droits-là peuvent être renouvelés indéfiniment.
Le groupe Disney a assuré «travailler à mettre en place des garde-fous pour éviter toute confusion chez les consommateurs liée à des utilisations non autorisées de Mickey ou d’autres personnages emblématiques».
L’entreprise a par ailleurs ajouté une scène de Steambot Willie en ouverture de tous les films d’animation produits par ses studios. «Ils ont été très futés chez Disney: ils ont réalisé que la meilleure chose à faire était de transformer cette scène emblématique en marque déposée», relève Justin Hughes. Ainsi, toute personne utilisant à des fins commerciales cette image de Mickey à la barre du navire – la plus célèbre – s’exposerait à de potentielles poursuites judiciaires.
Si Disney tente tant bien que mal de garder la main sur sa mascotte, c’est parce qu’elle connaît bien les avantages du domaine public pour les créateurs. Une liste relativement longue de personnages réimaginés par Disney était libre de droit, comme Blanche-Neige et les sept nains des frères Grimm, mais aussi la Belle au bois dormant et Cendrillon de Charles Perrault.
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Les droits sur le premier livre Winnie l’Ourson ont, eux, récemment expiré, ce qui a donné lieu à des projets comme Winnie-the-Pooh: Blood and Honey, un film d’horreur sur l’ourson. Cette production à petit budget a rapporté 5 millions de dollars au box-office mondial et une suite serait en préparation.
Parmi les autres œuvres qui entreront dans le domaine public en 2024 figurent Le train bleu d’Agatha Christie et Winnie l’ourson : La maison d’un ours-comme-ça, le livre dans lequel Tigrou est apparu pour la première fois. La première version de Tigrou devrait donc, elle aussi, pouvoir être librement reprise.