L’inflation en voie de ralentissement, la «shrinkflation» qui agace distributeurs et gouvernement, la Chine qui lutte contre la déflation… Les sujets liés à la consommation ainsi qu’au pouvoir d’achat des ménages font la Une de l’actualité, ces derniers mois. Il peut toutefois être difficile de s’y retrouver, au milieu de tous ces termes techniques. De quoi parle-t-on donc précisément ? Le Figaro vous offre une séance de rattrapage et un petit lexique pour bien comprendre les enjeux du moment.

Depuis plus d’un an que dure la vague inflationniste, ce terme revient dans toutes les bouches. Dit simplement, l’inflation est «l’augmentation générale et durable des prix». Pour la mesurer, l’Insee calcule l’indice des prix à la consommation (IPC). Le chiffre d’inflation qui sert de base au débat public (4,8% en août) est donc le taux d’évolution de cet IPC, un mois précis.

Petite subtilité, il s’agit d’un taux en glissement annuel : autrement dit, on compare les prix moyens entre deux périodes espacées d’un an. Pour établir ces analyses, les experts regardent un panier de biens et de services censé être représentatifs de la consommation des ménages (alimentation, habillement, énergie, loyer, services de transport…). Celui-ci est actualisé chaque année. «Chaque produit est pondéré, dans l’indice global, proportionnellement à son poids dans la dépense de consommation des ménages», précise l’Insee.

À l’échelle de la zone euro, la Banque centrale européenne s’est fixée pour objectif de veiller «à ce que l’inflation, autrement dit la variation des prix, reste faible, stable et prévisible à un taux de 2% à moyen terme».

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La déflation est l’exacte opposée de l’inflation. L’Insee parle même d’«inflation négative». Il s’agit de la diminution générale et durable des prix.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce recul des prix est loin d’être une bonne chose. La déflation «conduit à un ralentissement de l’activité économique qui peut-être prolongé et important», explique ainsi la Banque de France. En effet, comme les prix baissent, les ménages ont tendance à reporter leurs achats et les entreprises leurs investissements, car ils anticipent de nouvelles baisses de prix. La consommation baisse, de même que l’activité des entreprises, qui, en retour, n’embauchent plus, voire licencient. Le chômage augmente alors et les salaires tendent à baisser. «C’est la spirale déflationniste, cercle vicieux dont il est difficile de sortir», note la Banque de France.

Si le Japon se débat régulièrement avec la déflation, celle-ci vient de toucher la Chine en juillet, pour la première fois depuis deux ans, avant que l’Empire du Milieu n’en sorte en août. Un indicateur inquiétant de la santé économique du pays.

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La déflation ne doit pas être confondue avec la désinflation. Il ne s’agit pas ici de la baisse des prix, mais de la baisse de l’inflation, soit de la «baisse du taux d’accroissement du niveau moyen des prix», précise l’Insee. Autrement dit, il s’agit du ralentissement du rythme d’inflation, non de la baisse des prix.

Ce phénomène a été visible en France, entre avril et juillet. Durant cette période, l’inflation sur un an est progressivement passée de 5,9% à 4,3%, avant de repartir à la hausse en août (4,8%). Contrairement à la déflation, «la désinflation est une bonne chose. Elle procure, notamment, du pouvoir d’achat aux ménages», observe la Banque de France.

C’est le nouveau front ouvert dans la guerre entre enseignes de la grande distribution et industriels de l’agroalimentaire. Les premiers, soutenus par le gouvernement, accusent les seconds de duper les consommateurs en ayant recours à la «shrinkflation» (ou réduflation en bon français). Venant de l’anglais «shrink», signifiant «rétrécir» en français, il s’agit d’une pratique marketing visant à réduire la quantité d’un produit dans un emballage semblable, tout en gardant un prix identique, voire en l’augmentant. Et ce, de façon à masquer l’inflation. Un moyen, en d’autres termes, de gagner autant d’argent en dépensant moins, côté industriels.

Cette pratique, qui peut indure en erreur les consommateurs, est dénoncée par l’exécutif : Bruno Le Maire l’a même qualifiée, récemment, «d’arnaque». Elle est toutefois parfaitement légale, à condition que la mention du grammage de la denrée soit modifiée.

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La «cheapflation» est un autre stratagème des industriels pour réduire leurs coûts tout en proposant des produits au même prix, voire plus cher. Ce terme est lui aussi issu de l’anglais, construit avec le mot «cheap», voulant dire «bon marché» en français. Cette pratique consiste à remplacer certains ingrédients entrant dans la composition d’un produit par des substituts moins chers.

Rien d’illégal là non plus, mais cette méthode est pointée du doigt pour les risques d’aggravation de la malbouffe qu’elle porte. Du parmesan peut ainsi être «complété, parfois fortement, par une fibre végétale souvent dérivée du bois (le plus souvent appelée “cellulose” dans l’industrie alimentaire)». Et ce, alors que la cellulose n’a aucune valeur nutritive et qu’elle peut «provoquer divers problèmes digestifs».

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Autre mot-valise anglo-saxon importé dans la langue française, la «greedflation», de l’anglais «greed» («avidité» en VF) désigne l’inflation qui serait provoquée par la recherche du profit par les entreprises. Concrètement, celle-ci consiste en l’augmentation des prix de vente, sans que celle-ci soit justifiée par une hausse des coûts de production, dans un contexte d’inflation permettant de masquer l’augmentation des marges.

Si la réalité de cette «greedflation» fait débat chez certains économistes, elle a été mise en lumière par la Banque centrale européenne (BCE) elle-même, ainsi que par le Fonds monétaire international (FMI). La présidente de la première, Christine Lagarde, a en effet estimé que la hausse des profits des entreprises avait contribué pour les deux tiers de l’inflation en Europe en 2022. Quant au FMI, il a affirmé que les profits avaient «joué un grand rôle, contribuant à 45% de l’inflation», entre le premier trimestre 2022 et le premier trimestre 2023.

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Depuis le début de la guerre en Ukraine, le contexte inflationniste, dont la planète a du mal à se sortir, associé au ralentissement de l’activité économique, fait craindre chez certains acteurs et experts un risque de «stagflation». Contraction des mots «stagnation» et «inflation», le terme décrit une période dans laquelle l’économie souffre simultanément d’une forte inflation et d’une croissance faible, voire nulle. Si le spectre de la «stagflation» revient à intervalles réguliers, le phénomène ne s’est produit réellement qu’une fois dans l’histoire contemporaine, à la suite du premier choc pétrolier, en 1973.

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Comme l’explique l’Insee, le pouvoir d’achat «correspond au volume de biens et services qu’un revenu permet d’acheter». «Le pouvoir d’achat, ce n’est pas que l’inflation, mais aussi les revenus», précisait récemment l’économiste Mathieu Plane dans nos colonnes.

L’évolution du pouvoir d’achat correspond ainsi à la différence entre l’évolution des revenus des ménages – leur revenu disponible brut, soit la somme des revenus et des prestations sociales desquels on soustrait les cotisations sociales et les impôts – et l’évolution des prix. Par conséquent, si la hausse des revenus est supérieure à celle des prix, le pouvoir d’achat augmente. En revanche, si la hausse des prix est supérieure à celle des revenus, le pouvoir d’achat baisse. On comprend donc qu’une augmentation des prix ne signifie pas forcément une baisse du pouvoir d’achat, si la croissance des revenus est plus forte.

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Avec l’envolée de l’inflation observée l’année dernière, certains économistes se sont inquiétés du possible déclenchement d’une «boucle prix-salaires». Soit une situation dans laquelle, face à l’inflation, les travailleurs réclament des hausses de salaires, que les entreprises répercutent ensuite sur leurs prix, et ainsi de suite, provoquant une spirale incontrôlable. Un tel phénomène avait été observé en France dans les années 1970.

Aujourd’hui, ce risque reste limité. Les experts s’accordent à dire que les salaires ont effectivement réagi à la hausse des prix, sans que les augmentations des uns et des autres s’auto-entretiennent.

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Derrière ce terme se cachent des échanges tendus, par lesquels industriels et distributeurs décident du prix des produits qui seront dans les rayons des magasins dans les mois à venir. Concrètement, ces tractations entre enseignes (Carrefour, E.Leclerc, Intermarché…) et industriels (Unilever, Danone, PepsiCo…) visent à s’entendre sur les prix auxquels les premières achètent les produits de grande marque aux seconds.

Si ces discussions se passent à l’abri des regards, elles sont désormais dans la lumière. Étant donné leur influence majeure sur les prix en rayons, le gouvernement s’immisce en effet de plus en plus dans ce dossier, très encadré par la loi.