35 degrés à Lyon, 37 degrés à Toulouse… Dans une bonne partie de l’Hexagone, le mercure a atteint des sommets ces derniers jours. Et ce n’est que le début : selon le Ministère de la Transition Écologique, Christophe Béchu, le pays doit se préparer à connaître une évolution des températures de 4 degrés à l’horizon 2100.
Si la multiplication des épisodes caniculaires bouleverse nos modes de vies, elle ne fait pas que des malheureux, loin de là. Nombre de secteurs économiques tirent profit de cette hausse des températures, sur des marchés aussi variés que ceux de la rénovation thermique, de la pharmacie ou de la vente de glaces.
L’arrivée des fortes chaleurs est d’abord perceptible dans les caddies, où les ventes des produits de grande consommation dits «météo-sensibles» s’envolent. Selon le dernier panel publié par Circana, les ventes de saucisses fraîches ont enregistré la plus large progression en juin ( 26% par rapport à l’an passé), suivies de près par les crèmes glacées ( 13%) et les produits solaires (12%). Le produit phare de l’été reste toutefois les boissons fraîches, qui, alcoolisées ou non, raflent cinq places sur dix dans le classement des articles les plus vendus. «C’est un grand classique, étaye Juliette Favre, insight manager chez Circana. Ce qui est plus nouveau, c’est le développement des références premium, comme les bières de luxes ou les sodas atypiques». La canicule, pas plus que l’inflation, ne fait donc pas reculer les achats plaisirs, bien au contraire.
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Reste que la consommation de centre-ville s’accommode mal des températures extrêmes. Même les glaciers, commerçants rois de la période estivale, pâtissent paradoxalement de la canicule. «La glace a beau être un produit saisonnier, quand on commence à dépasser les 30 degrés, notre chiffre d’affaires recule», assure Paolo Benassi, cofondateur d’Amorino, marque française de glaces italiennes présente dans 16 pays. Moins de flâneries, moins d’appétit : pour dépasser ses obstacles caniculaires, l’enseigne a revu son offre, en renforçant notamment ses gammes de sorbet drink et de granité.
Si les glaciers tirent (un peu) la grimace, d’autres échoppes font le plein en période de canicule. Étonnamment, les pharmacies en font partie. À en croire Pascal Fontaine, directeur commercial des pharmacies Lafayette (285 officines en France), «les pics de vente de l’été égalent désormais ceux de l’hiver». Les maux liés à la chaleur – problème de circulation veineuse, déshydratation, insolation – font bondir les ventes. Et ce, malgré la hausse des prix en rayons parapharmacie et premiers soins. «Les références gagnantes en ces périodes de canicule sont, plus encore que les produits solaires, les brumatiseurs d’eau thermale, dont les ventes ont augmenté de 40% depuis l’année dernière». Moins directement liés à la chaleur, les produits anti-piqûres d’insectes font un carton inattendu. «En deux ans, nous avons multiplié par deux nos ventes sur ce segment», s’étonne le dirigeant.
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Mais les gagnants incontestés de la canicule se trouvent toujours au rayon électroménager. Épinglés pour leur consommation énergétique, les climatiseurs et ventilateurs restent prisés des Français, comme l’explique Boulanger, l’un des distributeurs leaders du secteur. «Nous observons en ce moment une hausse logique sur les ventes en volume liées à la forte chaleur. Lors des pics de chaleur, le volume de vente est régulièrement multiplié par quatre, explique l’enseigne, qui note aussi une évolution dans le comportement d’achat. «La clientèle semble, cette année, faire le choix d’investir dans un équipement pérenne, faisant ainsi le choix du rapport qualité-prix en étant prêt à investir plus que les années précédentes, pour faire face aux vagues de chaleur». Un signal, également, de l’inquiétude des Français face aux prochains étés. Si les périodes de fortes chaleurs poussent de nombreux clients à sauter le pas, «les installations ont désormais lieu été comme hiver», à en croire l’entreprise.
Toujours largement plébiscité, le marché de la climatisation doit pourtant composer avec celui de la rénovation thermique, qui ne cesse de gagner du terrain. Un dynamisme également entretenu par les aides apportées par les pouvoirs publics pour transformer les passoires thermiques. Selon une étude menée par le Groupement Actibaie, 30% des ménages envisageraient une rénovation d’ici cinq ans pour améliorer le confort de leur logement en été. Ils sont 70% à avoir souffert de la chaleur sous leur toit.
Les agendas des professionnels se remplissent donc rapidement. «Nous enregistrons des hausses de commandes et d’activité de l’ordre de 30% en ces périodes de chaleur», avance l’entreprise PES, spécialisée dans les travaux de rénovations énergétiques. Même constat pour Yohan Alexandre Pires de Carvalho, président de l’entreprise Isova: «L’isolation des combles, qui permet de réduire la chaleur et d’améliorer le diagnostic de performance énergique est de plus en plus plébiscitée. L’été dernier, très chaud, a créé un avant-après». Là encore, les Français ne lésinent pas sur les moyens. «La canicule sensibilise surtout nos prospects au choix des matériaux et de techniques plus efficaces d’un point de vue du confort thermique estival, explique DSD Rénov, couvreur et façadier exerçant en Île-de-France et en Normandie. Les clients se dirigent donc vers des travaux et matériaux potentiellement plus coûteux, comme la rénovation de toiture avec isolation par l’extérieur».
Le secteur peut compter sur le soutien de l’État et des collectivités territoriales, qui tentent, par tous les moyens, de préparer l’Hexagone aux effets du réchauffement climatique. «Nous devons passer d’une ville radiateur à une ville oasis», ne cesse de marteler Dan Lert, adjoint de Paris en charge de la transition écologique. «Quand les municipalités voient les effets de plusieurs semaines de canicules, leur perspective change», opine Fabien Crétin, PDG de Fontaneo. L’entreprise commercialise des fontaines à eau et des îlots fraîcheur, essentiellement à destination des collectivités territoriales. «Notre activité est en pleine expansion et devient, depuis quelques années, de plus en plus linéaire, les pics de chaleur s’étalant désormais d’avril à octobre», argue-t-il.
C’est dans le secteur de l’évènementiel que Fontaneo a enregistré le plus de demandes cette année. «Il n’est plus concevable de rassembler des milliers de personnes sans un seul point d’eau, argue le dirigeant. Ce qui autrefois un luxe est aujourd’hui un besoin pur et simple». Reste à savoir combien les collectivités – et les particuliers – seront prêts à débourser pour assouvir leurs «besoins» de fraîcheur.