Dans le milieu français de la publicité, l’année 2023 aura été marquée par l’arrivée fracassante du Chinois Temu. Accessible dans le pays depuis février, l’e-commerçant aux prix cassés s’est rapidement imposé comme le deuxième annonceur de l’univers tricolore du digital avec des dépenses de 27,5 millions d’euros. Juste derrière l’Américain Amazon et devant l’opérateur français Orange… «Globalement, Instagram reste la plateforme plébiscitée par les marques pour faire de la publicité avec Facebook, loin devant TikTok et Snapchat», dévoile ce jeudi Florence Doré, directrice marketing France de Kantar Media, à l’occasion des résultats du Baromètre unifié du marché publicitaire (Bump). La publicité digitale, dominée par le trio Meta, Google et Amazon, continue de tirer la croissance du marché dans l’Hexagone, avec plus de 9,3 milliards d’euros investis en 2023 sur le search, le social et le display (  9,5% de croissance sur un an et  56% comparés à 2019).

Dans un contexte où la proposition de loi de la majorité visant à «réduire l’impact environnemental de la fast fashion» doit être examinée ce jour à l’Assemblée nationale, la pression publicitaire de ses principaux acteurs explosait de 83% l’an passé. Le Chinois Shein, qui communique également dans les médias mainstream, ayant investi plus de 43,8 millions d’euros. Si l’impératif écologique n’a jamais été aussi urgent, le combat entre la fast fashion et l’univers de la seconde main (Vinted, Vestiaire Collective, etc.) s’annonce très difficile, alors que ces derniers ont réduit leur pression publicitaire de -35%…

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Face à l’inflation, la guerre des prix dans de nombreux secteurs a mis de côté la communication des entreprises autour de la transition écologique. À tel point que la pression publicitaire autour des messages RSE chutait de 6,5% par rapport à 2022. «Les annonceurs ont pour beaucoup délaisser les messages autour de l’écologie, à commencer par les acteurs du retail», glisse Florence Doré.

En 2023, les recettes publicitaires nettes des médias traditionnels, c’est-à-dire la radio, la télévision, la presse, le cinéma et l’affichage, se sont élevées à 8,2 milliards d’euros, quasi stable (-0,4%) sur un an et en retrait (-3,8%) par rapport à 2019. «Malgré une forte inflation à 4,9% et la frilosité de certaines entreprises dans leurs dépenses marketing, les médias ont bien résisté», note Xavier Guillon, directeur général de France Pub.

Dans le détail, la radio progresse de 3,1 % sur un an et dépasse même ses niveaux de 2019 (- 1,1 %), avec 722 millions d’euros de recettes publicitaires. «Seules les radios thématiques souffrent un petit peu», glisse Christine Robert, directrice déléguée de l’Irep. Le média, plébiscité par les marques qui souhaitent communiquer sur leurs offres promotionnelles, compte sans surprise Intermarché, Lidl et Carrefour parmi ses top annonceurs.

À 3,3 milliards d’euros, la télévision affiche un fléchissement de 3% sur un an et repasse en dessous de ses niveaux d’avant-pandémie (-0,6 %). «2023 a été une année assez chaotique pour la télévision, le média a pris de plein fouet les multiples crises», poursuit Christine Robert. L’espace classique, qui pèse toujours plus de 80% des recettes du média télévision, est en baisse. Et les prix des spots ont eu tendance à être négociés à la baisse. Le cinéma, qui se bat continuellement contre la rude concurrence des plateformes de streaming, poursuit pour sa part sa remontée avec des recettes en progression de 30,4% à 82 millions d’euros. Mais reste encore loin de ses beaux jours de 2019 (-17,3%)

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Dans son ensemble, la presse affiche une baisse contenue de – 2,7% et de -14,9% par rapport à 2019, avec 1,7 milliard d’euros de recettes publicitaires. «Les secteurs de la construction, du BTP et de la santé avec les Ehpad notamment, qui se sont mal portés l’an passé ont eu tendance à couper dans leurs dépenses», précise Florence Doré. Face à la presse quotidienne régionale (PQR) ou la presse magazine qui souffre, seule la presse quotidienne nationale (PQN) affiche des niveaux stables sur un an et dépasse son niveau 2019. Enfin, le secteur de l’affichage reprend des couleurs et enregistre en 2023 un rebond de 5,2 % sur un an, à près de 1,3 milliard d’euros, retrouvant presque (-1,9%) ses recettes d’avant-Covid.

Désormais, le marché publicitaire affiche leur optimisme pour 2024. Les investissements dans les médias traditionnels devraient être en légère progression ( 0,9%), selon les prévisions du Bump. «La baisse significative attendue de l’inflation permettra au marché de retrouver une certaine stabilité», anticipe Xavier Guillon.

Ce sont les Jeux Olympiques de Paris cet été qui font surtout miroiter des dépenses publicitaires records, avec des annonceurs comme Danone, Toyota, Coca Cola ou la Française des Jeux (FDJ). «La communication autour des promotions continuera de cibler les ménages les plus modestes, tandis que les annonceurs des segments haut de gamme de la culture, des loisirs et du luxe viseront plus que jamais les Français qui n’ont eu de cesse de thésauriser ces dernières années», conclut le professionnel.