C’est un rebondissement surprise dans l’interminable feuilleton des droits voisins, et une nouvelle sanction d’ampleur pour Google. Ce mercredi matin, l’Autorité de la concurrence française annonce imposer une amende de 250 millions d’euros à Google, dans le cadre de la loi européenne de 2019 obligeant les plateformes en ligne à rémunérer les médias pour la reprise de leurs contenus. L’instance reproche au géant américain plusieurs manquements à la mise en œuvre des engagements qu’il avait pris à l’été 2022, pour clore le contentieux qui l’opposait alors aux éditeurs de presse français.

Pour prendre sa décision, l’Autorité s’est appuyée en partie sur les rapports réguliers remis par le cabinet Accuracy, le mandataire désigné à l’époque pour la tenir informée du bon déroulement des négociations entre Google et la presse. Le mandataire, qui a pris connaissance de contrats de rémunération entre les deux parties, a également sondé les éditeurs sur les pratiques de négociations du leader mondial de la tech. Devant ces éléments, le gendarme de la concurrence a alors décidé d’ouvrir une enquête à l’automne 2023 et envoyé une pluie de questionnaires à Google et aux médias.

Dans le détail des griefs, l’Autorité a jugé, à l’issue de son enquête, que les montants de rémunération versés par Google aux éditeurs n’étaient pas assez significatifs, au regard notamment des revenus indirects perçus par la plateforme en proposant sur son moteur de recherche les contenus des médias. «L’affichage des contenus renforce l’attractivité apportée à son moteur de recherche, et peut jouer tant dans le déclenchement d’une recherche dans le temps passé par l’utilisateur sur le moteur de recherche et les données personnelles qui en dérivent», soutenait un arrêt du 8 octobre rendu par la Cour d’Appel de Paris.

Autre grief majeur : l’instance reproche au groupe d’avoir trop tardé à transmettre certains détails sur sa méthodologie de calcul des montants versés à certains éditeurs. Elle fustige également l’absence dans les contrats de mécanisme de mise à jour. Est également reproché à Google d’avoir voulu influencer le comportement du mandataire.

En deuxième lieu, l’Autorité évoque plusieurs autres manquements de Google à la suite du lancement de son service d’intelligence artificielle Bard, dorénavant dénommé Gemini. «L’Autorité constate d’abord que Google a manqué à l’obligation de transparence prévue par le premier engagement, en ne tenant pas informé les éditeurs et agences de presse de l’utilisation de leurs contenus par Bard», écrit-elle dans le texte de sa décision rendue ce mercredi.

L’Hexagone a été le premier pays en 2019 à transposer la directive européenne, laissant place à certaines imprécisions quant à son application. Devant ces difficultés, le député Laurent Esquenet-Goxes (MoDem et Indépendants) des Haute-Garonne, co-président du groupe «Médias et Information – Majorité Présidentielle» (dit « MIMP »), a déposé récemment une proposition de loi visant à renforcer l’effectivité des droits voisins en intégrant des mécanismes d’arbitrage.

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Rien n’empêche le groupe américain de faire appel de l’amende, avec une demande de sursis à exécution. Il s’agit pour Google de la deuxième sanction salée prononcée par le gendarme de la concurrence français, dans le cadre des droits voisins. Elle lui avait, en effet, infligé en 2021 500 millions d’euros d’amende, l’accusant de ne pas avoir négocié de «bonne foi» avec les éditeurs de presse.

En France, Google a conclu à ce jour des accords avec près de 450 publications de presse et agences. D’autres discussions sont également en cours avec l’organisme de gestion collective des droits voisins (DVP). La presse française se heurte toujours au refus catégorique de négocier de la part de Microsoft et de X (ex-Twitter). La plateforme d’Elon Musk a d’ailleurs été assignée par plusieurs médias français, dont Le Figaro.