Si le mieux est parfois l’ennemi du bien, sur la balance commerciale de la France on peut dire que c’est mieux, mais pas encore bien. Selon les chiffres des douanes publiés ce mercredi, le déficit de la balance commerciale (sur les échanges de biens) a atteint près de 99,6 milliards en 2023. Ce déficit est par ailleurs le deuxième plus élevé de l’histoire après le record de 162,7 milliards enregistré en 2022, sur fond d’explosion des prix de l’énergie importée après l’invasion russe de l’Ukraine.
Au cours de l’année écoulée, le solde commercial cumulé s’est ainsi réduit de près de 63 milliards d’euros. Après une année catastrophique sur ce point en 2022, la baisse de la valeur des importations énergétiques en 2023 a permis de réduire «mécaniquement» le déficit par rapport à l’année précédente. Après la flambée du baril de pétrole (plus de 100 dollars en moyenne pendant le printemps et l’été 2022), le prix du Brent est retombé 0 un peu plus de 80 dollars en moyenne en 2023. Conséquence, le déficit sur les hydrocarbures (regroupant le gaz naturel liquéfié, le gaz naturel gazeux et le pétrole brut )a fondu de 25,5 milliards. Celui sur le pétrole raffiné s’est quant à lui amélioré de 8,6 milliards, l’an dernier. Le retour à une production d’électricité excédentaire a également soufflé une véritable bouffée d’air (solde a 11,3 milliards) . En tout, le solde des biens énergétiques s’est amélioré de 46,6 milliards soit 70% de la hausse du solde de l’ensemble pour 2023. Dans l’ensemble, «le solde hors énergie reste stable depuis 2021, soulignant le rôle des prix de l’énergie dans la dégradation du solde commercial français en 2022», remarque Stéphane Colliac, Économiste sénior chez BNP Paribas.
Hors énergie justement, le déficit est également en baisse sur les produits manufacturés de près de 22,8 milliards d’euros. Comme pour l’énergie, cependant, cette amélioration est plutôt due à une conjoncture qui revient à la normale qu’à une amélioration des performances de l’économie française. Cette hausse provient pour l’essentiel des «autres produits industriels» dont l’amélioration du solde explique les trois-quarts de la réduction du déficit manufacturier. La majorité de l’amélioration sur ces produits concerne les produits chimiques parfums et cosmétiques ( 7,7 milliards), le textile ( 5,4 milliards). A noter toutefois que ces amélioration par rapport à 2022 son à mettre en perspective. Dans un contexte de pénuries provoqué par la reprise après le Covid, le poste « autres produits industriels » avait en effet vu certains prix flamber suite à l’explosion de la demande. La France, qui est traditionnellement déficitaire sur ces postes, avait ainsi vu le déficit se creuser drastiquement. En 2023, cette situation s’est en fait plutôt normalisée que structurellement améliorée..
À lire aussiCompétitivité : la position française structurellement dégradée
Ainsi les perspectives pour l’année en cours sont plutôt moroses. «Après une année 2023 où le déficit commercial s’est nettement réduit, bénéficiant de nombreux retours à la normale (prix du pétrole, électricité, biens intermédiaires), ces effets favorables ne devraient pas autant se faire sentir en 2024, ce qui limitera la marge d’amélioration supplémentaire attendue cette année du déficit commercial», avertit l’expert de la BNP.
Tout aussi pessimiste, Sylvain Bersinger, chef économiste du cabinet Asterès, considère que le solde commercial négatif persistant a des causes profondes qui tiennent au tissu économique français dans son ensemble. Pour lui, «la faiblesse de l’industrie française» est cet élément structurant. «C’est dans la baisse de la production manufacturière française que se trouve la source du déficit commercial, qui n’est pas un problème en tant que tel (la balance des paiements n’est que faiblement déficitaire), mais l’incarnation des difficultés de l’industrie», développe-t-il s’appuyant sur l’exemple de partenaires européens qui, eux, enregistrent un excédent commercial chronique (Allemagne, mais aussi Belgique, Pays-bas ou encore Italie).
De son côté, Laurent Saint-Martin, directeur général de Business France, préfère aborder cette problématique comme un défi. C’est d’ailleurs sa mission. «Je ne me cache pas derrière les difficultés, il faut opérer une révolution culturelle afin de montrer que le déficit commercial n’est pas une fatalité dans notre pays». Pour y parvenir, Business France compte s’appuyer son activité d’accompagnement des entreprises à l’export ( plus de 13.000 bénéficiaires, en 2023) notamment les PME et sur le développement du tissu industriel français. «On ne peut exporter ce qu’on ne produit pas en France», rappelle le directeur général qui plaide pour «une approche par le temps long». «La France ne sera pas excédentaire l’an prochain non plus, mais nous allons tout mettre en œuvre pour qu’elle le soit à moyen terme», affirme-t-il.