Huit heures, dix heures, parfois jusqu’à dix-huit heures d’attente avant de trouver un médecin disponible pour venir constater le décès d’un proche et signer le certificat de décès… Or cette démarche est obligatoire pour engager les démarches funéraires et procéder à l’enlèvement du corps . Une expérience traumatisante pour les familles, qui a poussé le gouvernement à changer les règles. Vous pourrez désormais faire appel à une infirmière pour constater le décès d’un proche, et rédiger le certificat de décès, qui ne pouvait jusqu’à présent être signé que par un médecin. Un décret publié ce jeudi au Journal Officiel les autorise à le faire, élargissant à tout le territoire une expérimentation en cours dans six régions de France depuis décembre 2023.

La mesure, qui concerne les infirmiers diplômés d’État volontaires et porte sur les décès survenant au domicile ou en Ehpad, supprime la condition qu’ils ne puissent rédiger le certificat de décès qu’en cas d’indisponibilité d’un médecin dans un «délai raisonnable», comme c’était le cas dans le cadre de l’expérimentation. Les infirmiers volontaires, et formés, pourront établir ces certificats «à toute heure», précise le décret. «C’est une étape très importante pour la revalorisation de notre profession», se félicite Sylvaine Mazière-Tauran, présidente de l’Ordre National des Infirmiers, pour qui «les difficultés des familles à faire établir les certificats de décès et organiser des levées de corps sont une illustration intolérable des problématiques d’organisation du système de santé».

Toutefois, pour exercer cette nouvelle compétence, les infirmiers devront avoir un minimum de trois ans d’expérience et suivre une formation spécifique. «À ce jour, 1217 infirmiers ont déjà été formés en anticipation de cette évolution», indique le ministère de la Santé, qui estime que cette mesure «permettra de mieux accompagner chaque famille dans ces moments douloureux», en précisant que 150.000 décès ont lieu chaque année à domicile.

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Ce décret vient ajouter une compétence supplémentaire aux infirmières, alors que les 640.000 infirmiers – dont plus de 120.000 libéraux – attendent depuis près d’un an la «refondation» de leur métier. La réforme avait été promise au printemps 2023. Face aux pénuries de médecins et au vieillissement de la population, les infirmiers «doivent pouvoir assurer le suivi des maladies chroniques» ou «prolonger des ordonnances», a déclaré le ministre délégué à la santé Frédéric Valletoux. L’idée de «consultation» infirmière a toutefois fait bondir certains syndicats de médecins, comme l’UFML-S, qui a dénoncé «la destruction programmée de la médecine», avec des praticiens qui «seront remplacés par moins formés, moins compétents».

«On ne va pas jouer aux docteurs», seulement «accorder un temps dédié, valorisé» au travail invisible que mènent aujourd’hui gratuitement les infirmiers, notamment sur la prévention, comme «le temps passé à convaincre un patient de se faire vacciner», assure Daniel Guillerm, président du syndicat majoritaire chez les libéraux (FNI). Cette consultation offrirait «un espace d’éducation thérapeutique», abonde John Pinte, président du deuxième syndicat représentatif, le Sniil. L’infirmier pourrait par exemple apprendre aux patients diabétiques à gérer leur traitement, leurs symptômes ou leur alimentation etc.

Déjà dans le projet de loi financement de la Sécurité Sociale, voté cet automne, les infirmières avaient été autorisées à faire des prescriptions vaccinales et la liste des vaccins qu’elles peuvent administrer avait été élargie, notamment le vaccin contre le papillomavirus dans les établissements scolaires. En outre, elles ont été autorisées à réaliser les consultations de prévention aux âges clés de la vie, voulues par le gouvernement à 18, 45 et 65 ans.