«Il n’y aura pas de grève (…) Je ne crois pas un seul instant que les ouvriers, que les salariés, que les syndicats mettront en péril l’image de la France», a ainsi fait savoir Patrice Vergriete sur France Inter ce mercredi. Interrogé sur la possibilité d’une grève à la SNCF comme à la RATP pendant les Jeux olympiques de Paris cet été, le ministre délégué chargé des Transports a affirmé n’être «absolument pas» inquiet face à cette menace. Celle-ci est pourtant bien là, alors même que la CGT-RATP, premier syndicat du transporteur public, a récemment déposé un préavis de grève courant jusqu’à la fin des Jeux paralympiques. De quoi inquiéter les usagers des transports en commun franciliens, qui – en plus de devoir partager leur moyen de locomotion avec des milliers de spectateurs des JO cet été – devront peut-être faire face à des mouvements sociaux ?

«Le ministre met la pression sur les opérateurs, afin qu’ils trouvent des solutions au plus vite», pense-t-on en interne chez Île-de-France Mobilités (IDFM). L’autorité organisatrice des transports en commun franciliens, dirigée par la présidente de la région Valérie Pécresse, n’a évidemment pas la main sur les négociations internes à chaque groupe et ne peut qu’espérer que la casse soit évitée. Mais à ce stade, il n’y a «pas d’inquiétude», «pas d’angoisse qui remonte» ou qui «ferait penser qu’on n’y arrivera pas», assure-t-on, même si, bien sûr, beaucoup reste à faire. «Le planning est respecté, les plans de recrutement sont en ordre de marche», ajoute-t-on encore, loin des préoccupations d’une éventuelle menace de grève.

Du côté de la RATP, le PDG Jean Castex s’était déjà exprimé sur le sujet au moment de l’annonce de la grève «dormante» de la CGT, expliquant que les syndicats avaient «sans aucun doute» déposé ce préavis dans le but de «peser dans ces négociations». «Nous ne sommes pas là pour nous inquiéter mais pour que les choses se passent au mieux pendant les Jeux olympiques. Et cela demande des négociations, et c’est que nous sommes en train de faire», précise-t-on à a RATP, qui rappelle que la priorité était avant tout de finaliser le dossier des négociations annuelles obligatoires (NAO). Et justement, à ce sujet, deux accords majoritaires viennent tout juste d’être signés : le premier avec l’appui de l’Unsa et FO, mais sans celui de la CGT, pour une augmentation brute annuelle de 1300 euros pour l’ensemble des salariés du groupe, le second pour expérimenter la semaine de quatre jours pour les agents en station.

De quoi éviter une grève pendant les JO ? Pour l’instant, les discussions se poursuivent, mais peu importe leur issue, la grève n’est pas une fin en soi. «Non, aujourd’hui, il n’y a pas d’appel à la grève pendant la période des Jeux olympiques, mais oui, le préavis de grève court toujours», lance Vincent Gautheron, délégué syndical central adjoint à la CGT-RATP, qui rappelle que ce préavis est un «outil mis à la dispo des salariés», afin que ces derniers, «s’ils le souhaitent», puissent «exprimer leur désaccord sur les politiques de rémunération de l’entreprise et les conditions dans lesquelles ils vont travailler pendant les Jeux olympiques». Lui craint d’ailleurs une vraie «dégradation de leurs conditions de travail», avec plusieurs dérogations au Code du travail déjà prévues comme sur «les horaires des repos hebdomadaires». Pour y remédier, il estime que les compensations financières «ne sont pas à la hauteur», «surtout compte tenu de l’inflation causée par l’afflux de touristes».

Grève ou non, le syndicaliste «invite le ministre à être plus prudent sur ces propos» concernant d’éventuelles perturbations dans les transports durant cet événement, parce que le danger ne vient pas seulement, selon lui, de la grève mais aussi de possibles problèmes d’exploitation. «Aujourd’hui, la RATP est toujours dans l’incapacité de réaliser sa mission de service public», explique-t-il, alors qu’«il y a eu beaucoup de départs dans les domaines de l’exploitation, chez les conducteurs de bus, de métro et du côté de la maintenance» et qu’«il y a toujours ses difficultés à recruter». Et de conclure : «De l’administration publique, en passant par les entreprises, les salariés sont tous invités à recourir au télétravail, cela prouve bien qu’il y a des inquiétudes et c’est bien la preuve que déjà, dès le départ, il y a un problème capacitaire sur l’offre de transports».

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«Ils font monter les enchères, c’est de bonne guerre. Mais on est déjà début mars, il faudrait quand même que les accords sociaux pour l’organisation de cette période soient trouvés assez rapidement», estime de son côté Marc Pélissier, le président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) Île-de-France, espérant que cela ne tarde pas. Pour autant, ce représentant d’usagers appelle à «ne pas totalement exclure» la possibilité qu’une grève puisse être lancée en plein milieu des JO. Pourquoi ? Tout simplement parce que le préavis de grève déposé par la CGT «permet à n’importe quel syndicat minoritaire ou même à des collectifs informels de faire de la surenchère et à faire grève même sans l’appui la CGT», poursuit-il, prenant l’exemple de la grève récente des contrôleurs de la SNCF, qui n’ont quant à eux «pas eu de scrupule à lancer leur grève au moment le plus gênant», et ce, à l’appel «d’un petit groupe d’entre eux».

Un constat partagé par Arnaud Aymé, spécialiste des questions relatives aux transports au sein du cabinet de conseil Sia Partners. La menace est même «très crédible» selon lui, dans la mesure où «la grève est très facile à déclencher» maintenant que ce préavis de grève est déposé. «Comment Patrice Vergriete peut-il savoir qu’il n’y aura pas de grève ? Et s’il sent si bien le monde ouvrier comme il le prétend, pourquoi s’est-il dit surpris par la grève des contrôleurs SNCF mi-février ?», s’interroge le spécialiste, revenant sur les propos tenus par le nouveau ministre délégué chargé des Transports. «On est vraiment dans la méthode coué», relève-t-il en outre, estimant que la communication des différents opérateurs qui consiste à marteler que le travail et les négociations continuent «est bien plus maligne» que celle du ministre, qui croit savoir «qu’il n’y aura aucune grève».

Quant à savoir si elle prend au sérieux la menace d’une grève, la SNCF répond ainsi, sans surprise, que «des discussions régulières se déroulent actuellement entre la direction et les organisations syndicales concernant l’accompagnement des cheminots pendant les Jeux olympiques et paralympiques», et ce, «tant sur le plan financier que sur celui de l’organisation du temps de travail». Une posture assumée par le patron de la SNCF Jean-Pierre Farandou, qui balaie d’un revers de main la menace de la grève, se disant «pleinement confiant» de «la capacité et la mobilisation des cheminots». «À la SNCF, ce sont des gens sérieux, des gens mobilisés qui se préparent et on va y arriver, j’en suis convaincu», s’est-il récemment exprimé. Et d’insister : «je ne me situe pas du tout dans une perspective de conflit social, bien au contraire, je me situe dans une perspective de dialogue, d’échange et de co-construction de cet événement qui profitera d’ailleurs à la SNCF».